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A Correns, premier village bio de France, les papillons sont nombreux dans les vignes

Publié le 07 octobre 2016 par Bioaddict @bioaddict
Alors que les scientifiques notent un déclin accéléré de toutes les espèces d'insectes depuis les années 1990 à cause des pesticides, une étude du Conservatoire d'espaces naturels (CEN) de Provence-Alpes-Côte-d'Azur vient de montrer qu'à Correns, premier village bio de France, les insectes sont presque aussi nombreux dans les vignes que dans les espaces naturels !

Correns est un bourg de 1000 habitants située dans le Var, dans l'arrière-pays aixois. On y cultive essentiellement de la vigne (sur 80% des surfaces cultivées soit 240 hectares), en bio à 99% depuis une vingtaine d'années. D'où son nom de premier village bio de France. Le maire, Michael Latz, a voulu savoir l'an dernier si ce mode de culture avait un impact sur la biodiversité. Le Conservatoire d'espaces naturels a choisi de recenser sur le terrain les insectes les plus sensibles aux polluants, en général les premiers à disparaître : les papillons (lépidoptères), les sauterelles, grillons et criquets (orthoptères). L'observation, qui a porté sur huit parcelles de vignes, permet de dresser un "portrait écologique" de la commune.

" Le principal constat, le plus marquant, est la grande richesse d'espèces observées sur les différentes parcelles. La diversité est quasiment aussi importante dans les vignes que dans le milieu naturel. Cela traduit un bon état général de la santé corrençoise ", explique Stéphane Bence, chargé de mission au CEN et rapporteur de l'étude qui prouve ainsi qu'agriculture biologique et biodiversité vont de pair.

Un équilibre entre nature et culture

Ce bon état, le chercheur l'attribue au mode de culture et à une mosaïque de milieux : espaces naturels et vignes cultivées en agriculture biologique sont imbriqués. Un équilibre s'est établi entre culture et nature. Les insectes des espaces naturels se répandent dans les vignes où ils ne sont pas menacés par les pesticides. L'équilibre tient également à la taille des parcelles. De grandes parcelles même cultivées en AB seraient plus fragiles et pourraient voir arriver des espèces d'insectes invasives, selon le CEN. Trois facteurs jouent en faveur de la biodiversité : l'agriculture biologique, la taille des parcelles et la présence d'une rivière.

" Le milieu se défend bien. Il a le potentiel de contrecarrer les espèces invasives. Correns a ainsi échappé à la flavescence dorée qui a touché la quasi-totalité du vignoble français et les viticulteurs corrençois n'ont pas été obligés d'appliquer les traitements chimiques obligatoires ", poursuit Stéphane Bence.

84% des papillons fréquentent les vignes

Le cas de Correns est exceptionnel. Même les campagnes alentour, avec sol, climat et végétation comparable, ont une faune moins riche en insectes. La principale surprise vient surtout des papillons de jour. Ils sont présents partout. Près de 84% de ceux recensés sur le territoire de la commune, espaces naturels compris, fréquentent également les vignes. Même le Tomares Ballus, un papillon méditerranéen devenu rare en zone cultivée, a été observé à trois endroits différents. La présence des papillons est un bon indicateur du niveau de pollution. Celle liée aux pesticides a provoqué un effondrement général des peuplements de papillons dans la plupart des campagnes viticoles françaises.

Lire l'article : Les scientifiques alertent sur le déclin massif de toutes les espèces d'insectes

" Nous avons observé les insectes dans les campagnes autour de Correns cette année et même si les résultats méritent d'être confirmés, on peut déjà dire que nous n'avons pas recensé autant d'espèces ailleurs, même en milieu comparable. J'ai également mené des observations empiriques en Vallée du Rhône, aux abords des vignes cultivées de manière intensive. J'ai trouvé des déserts biologiques. On trouve très peu de papillons par exemple, même en cherchant sur des kilomètres et même quand l'isolat naturel leur est très favorable ", constate Stéphane Bence.

La parcelle n°1 prise par erreur dans l'étude alors qu'elle n'est pas cultivée en bio, confirme l'impact des pesticides. " Elle est bien plus pauvre en diversité d'insectes que toutes les autres. Les résultats ont parlé d'eux-mêmes ", conclut le rapporteur.

Cette étude, qui est source d'espoir pour un retour de la biodiversité, mérite d'être étendue. Aussi, Correns a programmé une autre étude, sur les insectes du sol cette fois.
Ce succès écologique participe au succès économique. Le vin bio de Correns se vend bien, la viticulture y est prospère. Et le village, apprécié des citoyens pour sa préservation de la nature, voit croître sa population. Alors que vingt ans plus tôt, vigne et village périclitaient.

Anne-Françoise Roger


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