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Le souhait de rétablir la peine de mort gagne du terrain dans l’opinion française

Publié le 10 octobre 2016 par Délis

C'était il y a 35 ans, Robert Badinter montait à la tribune de l'Assemblée nationale pour demander solennellement aux députés de mettre fin à " une justice qui tue ". En cette journée internationale contre la peine de mort, Délits d'Opinion s'interroge sur le rapport des Français à la peine capitale. Alors que la demande d'autorité et de fermeté fait un retour en force dans les esprits, le discours de Robert Badinter trouve-t-il encore un écho dans l'opinion française ? Les attentats modifient-t-ils les attitudes des Français à cet égard ? Qu'en est-il aux États-Unis confrontés à un contexte similaire de menace terroriste et de montée du populisme ?

L'adhésion à la peine capitale fait un retour en force depuis quelques années

Alors que l'adhésion à la peine de mort avait fortement décliné en France au cours des années 90 et au début des années 2000, le mouvement s'est inversé depuis maintenant quelques années et les opinions pro-peine de mort ne cessent de progresser depuis 2010. Si les niveaux d'adhésion varient selon les enquêtes et les méthodologies utilisées (les Français se déclarent plus souvent favorables à la peine de mort dans les enquêtes réalisées en ligne que dans les sondages face-à-face), l'ensemble des enquêtes publiées laissent aujourd'hui entrevoir une opinion divisée en deux blocs dont le poids s'équilibre de plus en plus (Cf. graphique ci-dessous).

Adhésion au rétablissement de la peine de mort en France
Le souhait de rétablir la peine de mort gagne du terrain dans l’opinion française

L'opinion à l'égard de la peine capitale reste également sujette à de très forts clivages sociaux et politiques. Les catégories populaires se disent ainsi beaucoup plus favorables au rétablissement de ce châtiment ( 58% chez les ouvriers et 51% chez les employés) alors que les catégories moyennes et supérieures restent beaucoup moins enclines au retour de la peine capitale (44% chez les professions intermédiaires et 31% chez les cadres). Cette forte adhésion des plus fragiles à la peine de mort se traduit également au niveau politique par un quasi consensus des sympathisants du Front national en faveur d'un retour de cette punition (89%). Par ailleurs, le clivage gauche / droite semble garder une pertinence certaine sur cette question, seuls 26% des sympathisants de gauche se prononçant pour le rétablissement de la peine de mort contre 56% des sympathisants Républicains.

L'impact des attentats reste très difficile à évaluer sur cette question

Cette hausse de l'adhésion à la peine capitale s'inscrit dans un contexte plus global où la demande d'autorité ne cesse de progresser depuis maintenant plusieurs années. Une demande qui se caractérise par un tropisme marqué envers les solutions autoritaires ( 88% estiment qu'" il faut un vrai chef en France pour remettre de l'ordre"), la dénonciation d'une justice considérée trop laxiste ou encore la volonté de donner plus de pouvoir à la police (Cf. graphique ci-dessous).

Le souhait de rétablir la peine de mort gagne du terrain dans l’opinion française

Difficile dans ce contexte déjà installé depuis près de 10 ans d'isoler aujourd'hui l'impact réel des attentats terroristes sur cette perception. Si les sondages réalisés à l'hiver 2015 après les attentats de janvier indiquaient une nette hausse de toutes les attitudes autoritaires (y compris le rétablissement de la peine de mort), les sondages réalisés début 2016 après les attaques du Bataclan et du stade de France tendent à montrer un tassement de l'adhésion à la peine capitale, à des niveaux toutefois historiquement élevés. La question est donc aujourd'hui posée de la résistance de l'opinion française aux solutions les plus radicales face à la répétition des attentats, notamment après les nouvelles attaques survenues pendant l'été.

A l'inverse de l'opinion française, l'opinion américaine tend de plus en plus vers l'abolition

Alors que les États-Unis sont aujourd'hui confrontés à un climat comparable de menace terroriste et de montée du populisme avec la campagne de Donald Trump, l'opinion américaine évolue néanmoins à rebours de l'opinion française sur cette question. Si l'adhésion à la peine de mort progresse en France depuis maintenant une dizaine d'années, elle se situe à l'inverse à son plus bas niveau depuis près de 40 ans aux États-Unis et seuls 49% des Américains se disent aujourd'hui favorables à la peine de mort contre 42% à y être opposés. La proportion d'Américains favorables à ce châtiment diminue ainsi de près de 30 points par rapport au milieu des années 90, revenant progressivement aux plus bas niveaux observés dans les années 60, seule période du XXème siècle où l'opinion abolitionniste a réuni une moitié de l'opinion américaine. (Cf. graphique ci-dessous).

Adhésion à la peine de mort aux États-Unis
Le souhait de rétablir la peine de mort gagne du terrain dans l’opinion française

Si l'adhésion à la peine capitale recule aux États-Unis dans toutes les familles politiques, les clivages partisans, comme en France, jouent à plein sur cette question. La baisse observée ces vingt dernières années s'avère aujourd'hui beaucoup plus portée par les électeurs démocrates (34%, -37 pts depuis 96) et indépendants (44%, -35 pts) que par les Républicains toujours très favorables à la peine capitale (72%, -15 pts). Outre ce clivage politique, le clivage racial s'avère également très prononcé. Les hispaniques (36%) et surtout les Afro-américains (29%) - qui représentent 42% des Américains attendant aujourd'hui dans les couloirs de la mort - s'avèrent ainsi beaucoup moins favorables à la peine capitale que l'électorat blanc qui demeure plus attaché à cette sanction (57%).

En observant les résultats sur une période plus courte, l'adhésion à la peine de mort outre-atlantique recule de 7 points entre août 2015 et août 2016. Les derniers attentats survenus aux États-Unis, tout comme la radicalité de la campagne de Donald Trump, ne semblent pas avoir changé la donne d'une opinion qui semble maintenant tendre de nouveau vers l'abolition, un choix déjà entériné par 20 États sur les 50 à former l'Union.


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