Sale temps pour les fluffies : José Bové ne peut pas entrer au Canada, et voilà que CIRC de Lyon est soupçonné d’entretenir un « historique de controverses, de rétractations et d’incohérences » au sujet de ses recherches sur le cancer…
Pour rappel, les fluffies sont d’admirables petits animaux, doux au toucher, pétris de bons sentiments et issus de la culture socialiste hydroponique (i.e. n’ayant pas les pieds sur terre) qui sont toujours prompts à s’enflammer pour une cause ou une autre, en dépit de tout sens critique. Tout comme José Bové ou ces myriades d’individus inscrits dans des associations et autres centres de recherches tendant toujours à prouver que l’industrie ne veut que notre mort, que la science nous cache tout et surtout le pire, le fluffy est un gentil écologiste extrémiste, une personne cohérente qui souhaite de façon relax la mort de son prochain pour assurer, par exemple, une descendance nombreuse aux otaries, baleines et autres crustacés au détriment de sa voisine de palier dont il sait pertinemment qu’elle ne trie pas ses déchets, cette vieille radasse.
De nos jours, le fluffy a le vent en poupe : tout lui sourit. Qu’il dénonce les OGM en exhibant des rats aux tumeurs turgescentes, qu’il démonte du McDo à coups de barres de fer ou qu’il trouve des vices cancérigènes dans à peu près tout ce qu’il touche, il obtiendra l’oreille des médias, qui – par effet de loupe – lui ouvriront le cœur du public et surtout celui des politiciens qui sauront trouver, dans les finances publiques, un moyen de récompenser ces beaux élans.
Notre ami José le moustachu est arrivé à se frayer une belle place de député européen grâce à ses exactions. Le CIRC, ce Centre International de Recherche sur le Cancer et organisme émanant de l’OMS, a réussi de son côté à répandre l’effroi sur des sujets aussi triviaux que la charcuterie ou le café.
Il arrive cependant que la réalité rattrape nos frétillants loustics du combat vert multifactoriel.
C’est ainsi qu’on apprend que notre malheureux Bové se fait expulser du Canada avant même d’avoir pu y entrer : retenu à l’aéroport de Montréal, la police des frontières nous le réexpédie après avoir refusé de laisser entrer l’impétrant qui entendait prendre la parole lors d’une réunion publique mardi organisée par le Conseil des Canadiens, des syndicats agricoles et des opposants à l’Accord Économique et Commercial Global (AECG) entre le Canada et l’Union Européenne. Que voulez-vous : le Canada n’accepte pas forcément les ressortissants étrangers avec un casier judiciaire, ce qui est le cas de notre député européen. Au passage, cela en dit plus long sur nos élus qui acceptent les repris de justice dans leurs rangs que sur les Canadiens qui les refusent.
Si certains trouveront dommage que cette mésaventure pourrait gêner la difficile réinsertion de l’ex-taulard et que d’autres regretteront le retour de José en France dont on se passait pourtant fort bien, d’autres encore ne pourront s’empêcher de noter l’ironie de la situation : le moustachu Bové, venu pour défendre l’abandon d’un traité commercial de libre-échange, farouche défenseur des frontières, se retrouve rejeté à l’une d’elles et peut ainsi goûter précisément à la médecine qu’il entend faire appliquer aux autres.
Pendant ce temps, le CIRC fait parler de lui.
Oh, rassurez-vous : pas dans la presse française, jamais à court d’une bonne excuse pour ne parler de ces officines publiques que lorsqu’elles annoncent une calamité quelconque, jamais lorsqu’il s’agit de les remettre un peu à leur place.
Pourtant, il y aurait ici de quoi faire.
En effet, le CIRC, c’est ce centre, émanation de l’OMS, qui nous pond régulièrement des « études » prouvant de façon aussi alarmiste que scientifiquement « ouverte à débat » que nous sommes tous les jours un peu plus en présence de substances délétères et cancérigènes. Basé à Lyon, le centre en question a régulièrement défrayé une chronique avide de ce genre de nouvelles catastrophiles avec les preuves incontestablement floues que le café provoquerait le cancer, que la viande provoquerait le cancer et que le glyphosate provoquerait (je vous le donne en mille) le cancer.
Et à chaque fois que le CIRC sort un rafraîchissement de son classement, en pointant notamment les nouvelles entrées dans la catégorie 2A, à chaque fois la presse s’empresse de bien faire comprendre à tout le monde qu’on va tous mourir dans d’atroces souffrances, avec cette capacité inénarrable du raccourci, de l’approximation fumeuse et de la titraille la plus putassière possible que les journalistes déploient maintenant avec habitude et gourmandise.Évidemment, entre le classement du CIRC, sa compréhension par les journalistes, et les classements d’autres instances scientifiques, il y a souvent de l’écart.
Pour le glyphosate par exemple, on pourra se reporter avec profit sur cet article détaillé pour bien comprendre les mécanismes à l’œuvre et prendre une bonne louchée de réalisme scientifique correctement dosé. Du reste, on se devra aussi de mentionner cet article de Contrepoints qui remet un peu les pendules à l’heure sur le sujet pour rappeler qu’après plus d’analyses, ce glyphosate « ne pose vraisemblablement pas de risque cancérogène [unlikely to pose a carcinogenic risk] pour l’Homme par l’exposition via l’alimentation ».
Et toc.
Malheureusement, cet écart constaté pour l’étude sur le glyphosate l’a été pour beaucoup d’autres études (comme pour le café, ce qui a obligé le CIRC à reconnaître ses torts), à tel point que le Congrès américain vient d’ouvrir une enquête pour tenter d’expliquer les raisons qui poussent à financer encore cet organisme. L’agence Reuters nous apprend en effet que, dans une lettre datée du 26 septembre adressée au directeur du National Institutes of Health (NIH) américain, le président de la commission de la Supervision du Congrès, Jason Chaffetz, évoque à propos du CIRC un « historique de controverses, de rétractations et d’incohérences » et lui demande pourquoi le NIH, qui dispose d’un budget de 33 milliards de dollars (29,6 milliards d’euros) continue à le financer (à hauteur d’environ 30 millions d’euros).
Voilà donc une polémique piquante, dans laquelle un organisme qui a largement fait parler de lui en distribuant l’anathème sur des produits aussi variés que banals, se retrouve sur la sellette pour un travail plutôt controversé, … mais apparemment pas assez pour intéresser notre presse.
Et alors même que les citoyens se montrent tous les jours plus demandeurs d’informations scientifiques précises et correctes sur la qualité de leur environnement et de la nourriture qu’ils ingèrent, on ne peut que s’étonner de l’absence presque parfaite d’écho dans la presse de cette remise en question d’un organisme qu’ils payent pourtant de leurs impôts…
Décidément, trop sale temps pour les fluffies. Peut-être la presse, pleine de commisération, a-t-elle jugé bon d’épargner le centre lyonnais ?