Bull est une nouvelle série de 13 épisodes diffusée depuis la mi-septembre sur les ondes de CBS aux États-Unis et Global au Canada. Le titre fait référence au personnage principal, le Dr Jason Bull (Michael Weatherly) spécialisé en psychologie qui est régulièrement engagé par des avocats afin d’analyser les membres du jury et ainsi construire toute la plaidoirie en fonction de leurs personnalités. Vaguement inspirée des premières années de carrière de Phil McGraw (alias Dr. Phil), Bull a été commandée en mai afin d’être diffusée moins de 4 mois plus tard et ça paraît : le cœur de la série c’est-à-dire « l’enquête » entourant les jurés est extrêmement simpliste et a de quoi faire rougir de honte le système de justice américain. Ajoutons à cela le manque de budget, un sentiment de fausse proximité avec les jeunes, un scénario peu crédible et des répliques écrites sur le coin d’une table : la série dont on a tant parlé avant la rentrée ne vaut pas plus d’une heure de notre attention, et encore, après trois épisodes c’est loin de s’améliorer.
L’enquête à droite de la salle
Jason Bull avec ses connaissances, son matériel ultra sophistiqué et surtout son intuition a su s’entourer des meilleurs experts du domaine afin d’analyser des jurés correctement, notamment son ex-beau-frère et avocat Benny Colon (Freddy Rodriguez), Marissa Morgan (Geneva Carr) une experte en neurolinguistique ayant travaillé auparavant pour le gouvernement en sécurité intérieure, l’enquêteur Danny James (Jaime Lee Kirchner), un ancien de la police de Ney York et l’inévitable hacker Cable McCrory (Annabelle Attanasio) qui en un claquement de doigts parvient à s’immiscer n’importe où dans le cyberespace. Avant chaque procès, toute l’équipe procède à un genre de répétition générale dans ses locaux alors qu’ils plaident devant un faux jury calqué sur celui qui a été sélectionné et ainsi voir si leurs arguments sont suffisamment convaincants pour l’acquittement. Dans le premier épisode, Bull doit défendre un jeune fils de riche accusé d’avoir assassiné une revendeuse de drogue, dans le second, c’est une pilote accusée de négligence criminelle à la suite d’un accident d’avoir qui a coûté la vie à 62 de ses passagers et dans le troisième, il prend sous son aile une jeune femme accusée du meurtre d’un célèbre athlète.
À la base, ce qu’il y a d’original avec Bull est que le procès en tant que tel accapare au maximum 50 % de l’intrigue. En fait, l’enquête est plutôt redirigée vers les membres du juré, à savoir qui ils sont, quelles sont leurs valeurs ou encore certains faits de leurs histoires personnelles qui pourraient les influencer dans le verdict qu’ils seront éventuellement sommés de rendre. Pourtant, la bonne idée en reste à ce stade. Dans un premier temps, on a quelques segments où Bull regarde dans la direction du box et l’on entend quelques réflexions de certains membres, tout aussi inutiles que grotesques, du genre : « I’m so hungover » ou encore lorsque Marissa définit l’un d’eux comme étant un « Crossword enthusiast. ».
Et les simplifications ne s’arrêtent pas là : durant les procès, on les abreuve de statistiques psychopop comme : « 36% of Americans use masks, blindfolds and bondage tools. » afin d’innocenter un de leurs clients. Dans le second, Bull et son équipe s’inquiètent parce que la pilote accusée de négligence ressemble trop à la maîtresse du mari d’une des jurées : comme si cette dernière ne serait pas capable de faire la part des choses. À l’épisode précédent, dès qu’on leur révèle que l’accusé est homosexuel et donc, qu’il n’a pu coucher avec cette femme avant de l’assassiner, toute l’attention s’oriente vers une jurée dont le fils aussi est gay et qui de façon puérile décide de l’innocenter par simple solidarité.
Une justice pour tous (?) et rejoindre un auditoire plus jeune
Mais ce n’est pas en mettant de côté les intrigues entourant les jurés que l’on redore un tant soit peu la série. On a droit à la bonne vieille formule du client qui est condamné d’avance et c’est envers et contre tous que Bull doit le défendre, mais à quel prix ? En effet, les moyens dont dispose le protagoniste et son équipe sont tout simplement ridicules : avant chaque procès, il emploie de faux jurés triés sur le volet, est doté d’une technologie qui enregistre pour chacun d’eux les émotions, faciès, etc. On a même les moyens d’engager à temps plein un employé de Vogue magazine pour conseiller l’équipe sur leurs tenues vestimentaires avec des phrases du genre : « I’d stay away from stripes if you’re trying to project a progressive image ». Malgré toutes ces abondantes ressources, on veut nous faire croire que Bull a pour premier mandat de défendre la veuve et l’orphelin, peu importe leurs conditions, ce qui est le cas pour les épisodes 2 et 3.
Sinon, il est de notoriété publique que CBS, la chaîne la plus écoutée des networks est aussi celle dont l’âge médian de son auditoire est de 59 ans, soit, le plus âgé. Dans une pathétique cure de rajeunissement avec cette série, à chaque début d’épisode, on a droit à des petites vignettes où l’on voit monsieur-madame tout le monde se prononcer sans filtre sur les crimes qui ont été commis dans les épisodes, un peu comme on le ferait sur les réseaux sociaux ; ce qui n’apporte strictement rien à l’histoire et donne des phrases insignifiantes comme : « I believe in our system of justice. », « Rich people don’t play by the same rules. », « Statistically, flying is still the safest way to travel. » « If the cops arrest you, you’re guilty of something » Et c’est sans compter des échanges entre les générations afin de montrer que la série est dans le coup, par exemple entre Marissa et Cable : « Would you mind taking your earbuds out? » « While employers believe it’s rude to wear earbuds in the workplace, millennials are using them to focus and be more productive. » C’est d’un tel cliché que c’en est gênant pour la chaîne…
Le premier épisode de Bull a attiré pas moins de 15,56 millions de téléspectateurs en direct avec un taux de 2,21 chez les 18-49 ans, suivi de 13,61 millions pour le second (taux de 1,89). La diffusion a ensuite été interrompue par un débat des élections présidentielles et en date du 11 octobre, millions suivaient toujours la série (taux de ). C’est sans conteste la présence de Michael Weatherly à la tête de la série qui explique cet engouement populaire. En effet, l’interprète de Tony DiNozzo a annoncé qu’il quittait la légendaire NCIS en janvier pour se consacrer à d’autres projets et sans perdre un instant, CBS a récupéré son étalon pour ce nouveau projet (d’où le sentiment de précipitation dans le scénario). Pourtant, ce nouveau rôle est loin d’être flatteur pour l’acteur : toujours au travail en huis clos; il n’a aucune vie personnelle et tel un automate, il résout avec un sang-froid agaçant toutes ses affaires. Combien de temps le charme opérera-t-il ? Pas longtemps, on l’espère.