J'ai des sentiments contradictoires vis-à-vis de Daniel Cohn Bendit.
Je pourrais dire, comme Zweig, que je suis du monde d'hier ! Et Daniel Cohn-Bendit en fut le fléau. Ce qui comptait plus que tout pour nous, c'était l'éducation. Le fameux ascenseur social avec ses instituteurs. Or, elle a été vidée de son sens par le gauchisme. J'ai surtout ressenti, dans mon enfance argenteuillaise, que j'étais l'ennemi de classe du gauchiste. Mais qu'avais-je fait pour mériter cette hostilité "moi qui tétait encore ma mère" ? D'autant que j'étais élevé dans une sorte d'admiration béate du progrès et de la raison. Bien plus tard, j'ai découvert que j'étais d'un milieu ouvrier. Et que nous étions pauvres. Mais nous ne voyions pas les choses sous cet angle. Etait-ce ce qui nous rendait haïssables ? 68, c'est aussi le suicide d'un cousin de ma mère. Il était beau, et il était le seul de sa famille à avoir fait des études. Il a cru à soixante-huit, et n'a jamais pu se réadapter à la société d'après. Voir la prospérité de Daniel Cohn Bendit demeure difficile à supporter.
Mais je l'ai toujours trouvé sympathique. Et Hannah Arendt en dit du bien. Et j'ai de l'estime pour Hannah Arendt. Alors ? Ce que j'aime chez lui, c'est ce que je ne trouve pas chez le Français. C'est un "politique" au sens grec du terme. C'est un homme qui "ose penser" et qui passe à l'action. Tout le contraire du pouvoir gaulliste, qui croyait administrer un troupeau. Mais pourquoi la rue ? Les gauchistes n'ont-ils pas envahi l’Éducation nationale, les palais de la République et l'Académie française, en empruntant des voix légales ? Morale : prenons garde de ne pas confondre action politique et coup de tête ?