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Mépris social versus culture pour tous

Publié le 22 octobre 2016 par Mister Gdec

img_20161022_110338Comme beaucoup à gauche, j’ai toujours vécu avec le sentiment plus ou moins confus selon les âges de la vie, l’humeur ou le contexte et la disponibilité d’esprit,  que la culture était un magnifique outil,  incontournable qui plus est,  contre l’abrutissement populaire. Une arme redoutable mais trop peu utilisée qui permet de lutter à la racine contre le formatage libéral prédateur, le racisme et les idées d’extrême-droite. Pour l’avoir pratiquée à titre professionnel, je sais à quel point est importante et efficace la concrétisation en milieu rural comme en milieu urbain de l’intelligence spécifique de l’éducation populaire. Dans une société réellement démocratique, il m’apparaît indispensable en effet de permettre à chacun(e) ¹ l’accès à la culture, toute la culture, et aux arts, tous les arts, et cela quelle que soit son appartenance ou son origine sociale, professionnelle, géographique, et ses moyens financiers. Mais c’est souvent là que le bât blesse… Notre pays est dans une phase d’appauvrissement généralisé dont  ne semblent pas avoir conscience ceux qui en sont épargnés… et qui nous gouvernent si mal,  ou  qui sont décideurs des équipements et actions culturelles et artistiques.  Pour mieux comprendre, je vais passer du discours général à l’illustration très factuelle. J’en veux pour exemple ce qui m’est arrivé ce matin. Sans emploi, mon budget est serré, et mes moyens sont comptés. Je m’étais inscrit à une sortie à l’Opéra de Nancy, où j’avais déjà connu lors d’une saison dernière une intéressante formule d’apéros concerts, qui a pour avantage de permettre à un public non averti de faire connaissance avec des œuvres parfois totalement inconnues du grand public pour un coût plus que raisonnable. Je l’ai fait car dans mon souvenir, (dont je réalise à présent mais un peu tard qu’il date de… 3 ans, quand j’avais alors un salaire confortable), l’entrée était à 6 euros, pour moi alors une paille. Mais l’eau coulant sous les ponts et la fortune allant et venant, je me suis retrouvé avec la désagréable surprise d’un ticket à 9 euros. Une somme dissuasive pour un grand nombre (et pas seulement en termes d’accès à la culture mais aussi aux loisirs ! je repense à cette femme seule avec enfants qui renonçait à l’idée de se rendre à une randonnée simplement parce qu’elle avait vu qu’étaient demandés 5 euros de frais en cas de covoiturage), comme ces entrées de cinéma au prix prohibitif  quand on n’a pas la chance ni la cadence de pouvoir s’abonner… M’étant déjà engagé auprès du groupe, je ne pouvais cependant faire machine arrière, bien que sachant que j’allais devoir me rembourser autrement.. Et m’abstrayant comme à mon habitude de ma seule condition personnelle, je me suis alors dit que j’avais en l’espèce vraiment mal à mon peuple. Car je connais et fréquente bien des gens pour qui un concert de musique classique est un luxe de privilégié , alors qu’il est pourtant tellement bénéfique de pouvoir assister à ce que j’ai vu et entendu, écouté ce matin (ce n’est qu’un exemple, bien d’autres pourraient être mobilisés), tant une telle qualité musicale, cela rend forcément meilleur… et plus riche. Mais l’argent… Et le confort, la routine, l’atmosphère et le contexte familier du bourgeois lambda ne lui font plus percevoir certaines barrières très concrètes et palpables qui se dressent contre l’abrutissement, qui n’ont rien de conceptuel ou de l’ordre de la seule volonté personnelle isolée. Il devient alors volontiers élitiste, sans avoir à se questionner sur ce point, tant tout coule de source pour lui, qui ne connaît pas ou plus d’obstacles à sa soif de connaissance et de découverte culturelle et artistique. Il peut même aller jusqu’à – s’il se lâche en roue libre – se permettre de mépriser ceux qu’il considère du haut de sa tour d’ivoire comme des sous-citoyens puisque si visiblement sous cultivés, à se contenter ainsi, aussi médiocrement, de se gaver de télé-réalités désespérantes de crétinisme, ce qui ne les aide certainement pas. J’ai ainsi entendu un mélomane averti se vanter en société lors de l’apéritif qui a suivi le concert de sa participation de chanteur amateur à un événement musical prestigieux, dont il disait que même certains de ses amis musiciens professionnels ont jalousé le lieu. Et une phrase m’est restée, qui m’a poussé à ressentir soudainement l’impérieuse nécessité de m’échapper d’un tel cénacle devenu si étouffant socialement, dans sa muette complicité : « et puis, hein – d’un air entendu – ce n’était pas du Goldmann ! »… Choqué. Pourquoi ainsi opposer aussi ignoblement un registre musical à un autre ? Faut-il donc aussi systématiquement (et à mon sens aussi médiocrement) déconsidérer un autre champ du même champ d’expression pour se prévaloir de son excellence ? Et faut-il ainsi mépriser à ce point une autre partie d’un peuple moins nanti à biens des égards, pour mieux exister soi-même ? Tout cela pour en arriver à la conclusion que lorsque l’on n’est pas conscient de la nécessité de permettre à la culture ² pour tous d’exister, on ne met pas en place les moyens y compris financiers de la voir exister, et utilisée. Et l’on peut alors très commodément rejeter toute une populace immonde abreuvée de crétinisme et d’inculture dans les oubliettes pestilentielles garnies de crocs de bouchers bien acérés de son immonde mépris social qui fait juger de haut toute cette piétaille qui n’éprouve aucune attirance pour l’élévation spirituelle. Ben tiens… Ducon. (non, même pas Monsieur).  Un jeu facile auquel la droite et maintenant une certaine fausse gauche se livrent un peu trop facilement, et impunément. Que ces gens là ne me demandent pas en plus d’être dupe de leur insupportable hypocrisie doublée d’une incohérence intellectuelle et factuelle opérationnelle majeure. Comment disent les jeunes, déjà, sur les réseaux sociaux ? Ah oui : « qu’ils aillent se faire bien cuire le cul ».

¹à chacun(e), y compris et aussi (surtout?) à ceux que l’on en penserait (souvent à tort) les plus éloignés. En ce sens, il m’apparaît que le fait d’être un peu trop imprégné théoriquement de la fameuse pyramide de Maslow est un frein, qui nourrit et renforce le mépris social. On peut avoir faim ET avoir besoin de culture, ne pas avoir de toit ET être un artiste.

² et pas une sous culture de garnison à la Engelmann qui considère qu’il convient d’abaisser l’art au niveau du caniveau en repeignant une fontaine en bleu pour faire plus beau, ce qui relève d’une conception de l’art tristement appauvrie, et donc à une insulte faite au peuple, qui selon moi mérite le meilleur, et non le pire… Ainsi, ce maire d’une grande ville de Meurthe et Moselle que j’ai connu autrefois qui avait décidé tout bonnement de remplacer des pièces de théâtre qu’il jugeait élitistes pour les remplacer par… des prestations de la fanfare municipale ou d’aimables marivaudages ou autres opérettes qu’il jugeait plus… Populaires. J’avais honte pour lui.

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