Il faut bien occuper les magistrats de la rue Cambon : la Cour des Comptes a donc réalisé un audit de France Télévisions pour la période 2009 à 2015, soit la période pendant laquelle Rémy Pflimlin dirigeait la boutique. Avec une absence totale de surprise qui confine à la routine, on découvre à la suite de cet audit que l’institution publique est très mal gérée.
Pauvre Delphine Ernotte : au vu des conclusions du rapport, la voilà maintenant certaine d’avoir hérité d’une bien piètre affaire. Femme de défi, on présumera qu’elle a peut-être accepté le poste en remplacement de Pflimlin en toute connaissance de cause et qu’il n’appartient donc qu’à elle de faire pire, comme on peut raisonnablement s’y attendre des fidèles de la République de Connivence.
Soit, faire pire ne sera pas simple, surtout à ce qu’en dit la Cour : entre la baisse des recettes publicitaires et les petites coupes financières de l’État aux abois, la bonne gestion du Groupe de Diffusion de la Parole Officielle passe donc par une « réduction significative des charges », ce que ni Pflimlin, ni Ernotte ne semblent avoir entrepris le moins du monde.L’idée qui consistait à rassembler les différentes chaînes publiques en une seule entité, réorganisation amorcée avant même Pflimlin, n’a toujours pas abouti et n’a donc pas permis les économies d’échelles attendues. Oh, zut, ce dérapage est vraiment inattendu… Pour les magistrats, la fusion « ne s’est pas accompagnée d’efforts suffisants de mutualisation, permettant notamment de rationaliser les fonctions supports dont les effectifs n’ont pas baissé » ce qui explique assez bien qu’il n’y a pas eu plus d’économies que de beurre en branche. Zut derechef.
Du côté des effectifs, c’est le même constat (pas bon) où l’augmentation semble de rigueur : le nombre de joyeux journalistes s’égayant dans les rédactions de nos (trop) nombreuses chaînes publiques a ainsi progressé de 6% sur la période étudiée (soit plus de 5500 personnes en équivalents temps plein), et cette tendance ne risque pas de changer avec la mise en place de Francinfo, la chaîne de propagande continue justement décidée par Ernotte.
Pire encore : si le nombre de personnels augmente, celui de la masse salariale augmente encore plus vite, de 13% sur la période 2009 – 2015. Oh, zut au cube, on s’éloigne encore de la saine gestion !
À ces dérapages, il faut encore ajouter un défaut de gestion financière et une faiblesse du contrôle interne, avec une situation que la Cour juge « critique » pour le secteur des « Achats hors programme » avec une mauvaise application de la mise en concurrence (lire : « connivence » ou « collusion ») et dans certains cas un « manque de déontologie ». Sapristi, voilà que les distributeurs automatiques de moraline de France Téloches n’ont pas réussi à fonctionner pour eux-mêmes et qu’ils se retrouvent en rupture de stock de déontologie. Flûte, zut, caca boudin !
Devant ce constat, la Cour note que des efforts ont été faits par l’équipe Pflimlin : puisqu’on manquait de sous et qu’on continuait d’employer à tour de bras, ce sont les programmes qui ont pâti. Seulement, « dans un environnement où l’investissement sur les contenus est essentiel (…), il n’est pas certain que cet arbitrage (…) constitue la façon la plus appropriée de préparer l’avenir » ont alors conclu les magistrats avec une rare diplomatie devant le choix opéré…
Dans ce cadre, pas étonnant que les recommandations pleuvent sur la nouvelle équipe d’Ernotte, qui devra donc faire de gros efforts de gestion.
Malheureusement, aux problèmes purement économiques semblent s’ajouter, de façon plus pernicieuse et, in fine, bien plus coûteuse, des problèmes idéologiques qui rendront vaine toute tentative d’amélioration des comptes. Outre la création d’une nouvelle chaîne d’info en continu, demandée par personne et regardée par autant, l’idée même qu’une partie du personnel soit devenu purement et simplement inutile à la production de programmes télévisuels publics ne semble effleurer personne à la direction de France Télévisions.
Pire : on multiplie allègrement les programmes de plus en plus lourdement chargés idéologiquement avec la propagande vivrensembliste, collectivisante et socialoïde que le Camp du Bien distribue déjà à plein régime dans les autres médias. Et alors que tout impose qu’à l’instar de la télévision publique grecque qui a du nettement dégraisser, on devrait largement vendre toutes les usines à gaz télévisuelles étatiques françaises et libérer ainsi les Français à la fois de la propagande facile et de la redevance attenante, tout indique au contraire qu’on va toujours vers plus de bouillie télévisuelle, plus d’exception cultureuse catastrophique et plus de moraline dégoulinante sur toujours plus de canaux hertziens ou numériques.
Et alors qu’on devrait plutôt rendre leur liberté artistique à ces intermittents culturels qui, on le sent, on le voit, on l’entend, sont actuellement sous la coupe du pouvoir et qu’on devrait leur permettre enfin de s’exprimer librement, de faire fi de leur devoir de réserve face au pouvoir qui paie leur salaire, le chemin pris est exactement le contraire.
Quant à l’aspect idéologique, il a carrément mis le turbo ; outre le fait de proposer prochainement sur France 3 une fiction détendue de l’endoctrinement officiel portant sur le Front National (avec vos sous et en pleine période électorale), France Télévisions vient récemment de mettre au point une magnifique petite liste de gens à inviter répondant à des critères ethniques, religieux ou sexuels, mais pour le Camp du Bien, donc c’est permis.
Ce n’est évidemment pas présenté comme ça : pour les auteurs de ce catalogue de gens sociologiquement validés par la télé publique, il s’agit avant tout de combattre une affreuse injustice puisque sur les plateaux sont majoritairement conviés des hommes blancs, et non des femmes ou encore moins des personnalités issues de l’immigration. Pour contrer ce phénomène, France Télévisions lance un « guide expertise », véritable annuaire de personnalités issues de la diversité.
Par contraposée logique, ce catalogue contient donc majoritairement et par construction des individus qui ne sont ni hommes, ni blancs. Un tel catalogue, s’il était mis en place par le Front National qu’entend chroniquer la fiction de France 3 évoquée plus haut, provoquerait immédiatement un raz-de-marée où l’outrance s’y disputerait à l’abomination. Du reste, réaliser de telles listes, par sexe, ethnie, couleur de peau ou appartenance religieuse nous propulse joyeusement au milieu des heures les moins Camp du Bien de notre histoire, mais comme il s’agit d’un point Godwin, on glissera sur la référence pour vite, vite, passer à autre chose.
Il n’en reste pas moins que sont entreprises ces démarches, dégoulinantes de bons sentiments dont on pave l’enfer tous les jours un peu plus, avec une solide désinvolture qui s’ajoute avec la décontraction dans laquelle sont lancés les projets pharaoniques et parfaitement inutiles de France Télévisions, vivant pourtant de l’argent public.
Le rapport de la Cour des Comptes marque la fin d’un règne, celui de Pflimlin, en établissant une photographie médico-légale des dégâts, et ils sont nombreux. La nouvelle équipe d’Ernotte, en un an, a déjà largement montré qu’elle ne serait absolument pas capable de redresser la barre.
Il ne reste plus qu’à espérer que le prochain rapport de la Cour sur France Télévisions, à la fin de l’épopée Ernotte, constatera sa faillite complète, qu’on en finisse enfin de cette gabegie épouvantable et de cette propagande éhontée.
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