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Eloge du moustique thaï

Publié le 28 octobre 2016 par Neutrinou

Eloge du moustique thaï

Moi, ils me rendent dengue...


On critique trop souvent le moustique thaï, un être délicat, mal aimé dont on ne perçoit pas les innombrables qualités.
D'abord, le moustique thaï est un petit malin. Quand j'attends tranquillement les fruits de mer que j'ai commandés dans ce sympathique restaurant au bord de la plage, le moustique thaï évite de tourner autour de ma tête, car il sait qu'il va attirer mon attention. Il préfère largement mes pieds. Or il se trouve que j'ai rarement les pieds près des oreilles, surtout au restaurant.
Mais tu ne le verras jamais s'attaquer à la corne du talon. Il adore la partie sensible du cou-de-pied, aussi près que possible des orteils, et celle qui recouvre les malléoles internes et externes de la cheville, là où la peau est très fine - signe de sa grande délicatesse.
Au-delà des préférences anatomiques, le moustique thaï a un goût prononcé pour le farang. L'occasion de rappeler à Fon (qui l'oublie trop souvent) à quel point je suis bon, suave, voire sucré. Il existe forcément un lien entre l'exquise douceur de mon caractère et le fait que je sois un mets si prisé par le moustique. Le problème, c'est que le moustique thaï est un peu comme ces enfants qui ne savent pas s'arrêter.
Des grincheux lui reprochent de piquer. A cela, je ferai deux objections. D'abord, que la personne piquée se concentre sur ce qu'elle ressent : un feu léger, stimulant, un picotement qui ne fait pas mal, avec au fond, si l'on fait vraiment attention, un petit quelque chose d'agréable, à la limite de l'érotique. 
Et puis surtout, ce n'est pas le moustique qui est mal fait, c'est toi. Si tu étais mieux fabriqué, tu sentirais tout de suite qu'il enfonce sa trompe sous ta peau. Alors que tu ne sens rien avant plusieurs minutes - et il est déjà parti. Ce n'est n'est pas de sa faute, si tu es mal foutu. T'as qu'à faire attention.  Le moustique thaï sait être fair-play. Quand il veut jouer avec toi le soir, dans la chambre à coucher, il te prévient. Tu viens d'éteindre la lumière, et tu entends alors le facétieux zin-zin de son vol qui augure un match joyeux, une sympathique partie de chasse. 

Eloge du moustique thaï

Une championne que je regarde jouer tous les soirs  

Le moustique est bon joueur : il ne vole pas très vite. Avec un peu d'entraînement, tu peux facilement l'écraser en claquant des mains, et même avec une seule main. Mais là, attention, il faut aussitôt aplatir la main sur une surface plane : combien en ai-je attrapés qui se sont ensuite libérés, à peine froissés, quand j'ai ouvert le poing ! 
Le moustique, on peut l'écraser à la main, mais aussi à la raquette. C'est un véritable sport auquel se livre tous les soirs Fon dans la chambre, dans la bonne humeur. Elle a acheté une raquette de la forme et de la taille d'une raquette de squash, mais c'est un engin électrique qu'il faut régulièrement recharger sur une prise. La chasse à la raquette est un régal pour le corps et l'esprit. Je me demande pourquoi on n'organise pas de compétitions.
Quand un moustique est touché par le grillage, on entend un crépitement, qui peut parfois durer plusieurs secondes, avec des saccades. On voit aussi des petits éclairs très jolis. On a le sentiment délicieux d'avoir passé ce salaud à la chaise électrique. Qu'il est bon d'exprimer sans honte ses pulsions sadiques ! La répétition des craquements laisse imaginer l'insecte secoué de spasmes, dans une agonie prolongée : c'est une vengeance qui ne se mange pas froide, mais grillée à petit feu !
Il y a aussi la technique du mur. Écraser le moustique dans la chambre à coucher, debout sur le lit, après avoir exécuté quelques rebonds sur le sommier (et fait participer son partenaire), donne d'intenses satisfactions sportives. C'est comme le beach-volley, mais en moins austère. Et moins frime.
Le bonus, c'est quand le moustique est plein de sang : tu l'as aplati comme une crêpe et une belle tache orne maintenant le mur. L'ordure venait de se gaver sur ton compte. Une impression de soulagement, d'équité te remplit le cœur. Tu sens qu'il existe quand même une justice immanente dans ce bas monde.
Une grosse tache de sang sur le mur, ça passe. Dix ou quinze, ça fait trophées de chasse, Tartarin de Tarascon, retour d'Afrique, têtes de rhinocéros et d'antilopes. Bref, totalement prétentieux. Alors finalement, les taches de sang sur le mur, c'est quand même mieux dans les chambres d'hôtels que chez soi.

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