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Mada Money

Publié le 30 octobre 2016 par Alexcessif
Mada Money Aventures d'un vazaha,  chapitre 12: le peuple malgache et la valeur de l'argent Salama ! Tout plaquer et partir vivre sur une île au soleil, beaucoup en rêvent mais peu le font. Je l'ai fait mais faut l'avouer, ce n'est pas si facile. Je me suis fait un pote français ici, un mec qui a pas mal bourlingué ces 30 dernières années, beaucoup voyagé, qui m'a dit qu'il y avait toujours un moment de doute. J'y suis. Les malgaches croient que l'argent tombe du ciel. Je l'avais déjà dit, je n'ai pas eu de problème de vol (pour l'instant en tout cas). Pourtant je commence à comprendre comment ils fonctionnent et en fait c'est beaucoup plus vicieux, j'ai un peu l'impression d'être un PEL pour la famille, comme un investissement sur le long terme. Alors ça m'emmerde de dire ça car ils ont été super accueillant, mais pourquoi ? Je m'explique: je viens de me séparer de ma petite malgache, Nelly. Je continue à penser qu'elle n'est pas profiteuse car elle ne demande jamais rien mais je me rend compte que c'est confortable d'être avec moi. Pourtant, je vis très simplement, j'ai juste une petite cabane en bois, je ne lui fait pas de cadeaux (à part pour son anniversaire et un t shirt qui lui plaisait). Mais c'est toujours mieux que la case de ses parents. Et puis, y a toujours un petit billet pour un resto, pour une bière sur la plage, on mange varié alors que d'habitude elle se contente de riz à tous les repas, y a la moto pour les trajets au lieu du taxi brousse... Mais c'est surtout dans son comportement que c'est bizarre. Depuis que je suis là, je lui demande de se bouger le cul pour trouver du taf, car je n'ai jamais été avec une assistée et de toute façon ce n'est pas bien pour elle de ne rien faire de sa vie. Je croyais qu'elle était sage femme mais en fait elle a juste obtenu son diplôme et puis rien, jusqu'à y'a quelques jours. Car à force d'insistance, elle vient de mettre en place son petit business de canards. Ou plutôt, son frère avait besoin d'argent car il vient d'avoir un gosse. Ses parents sont ric rac et on m'a fait comprendre que ce serait bien d'aider. On te demande jamais directement de l'argent. J'ai dit oui une fois mais qu'il ne fallait pas compter sur moi pour la suite. C'est vraiment à partir de là qu'elle s'est bougée. Et encore, c'est moi qui ai financé la mise de départ. Bref, je la fait courte mais je me rend compte de plein de petites choses. Je ne pense pas qu'elle soit infidèle, elle est tout le temps avec moi, c'est déjà ça. Alors maintenant elle regrette, elle pleure. Mais quand l'amour n'est pas là, ni la confiance... C'est déjà compliqué de vivre avec quelqu'un en général alors ici, ça l'est encore plus. Mais pour éviter de vous raconter ma vie, je prend d'autres exemples sur leur façon de faire: - Y a un cousin qui a fait un peu d'études, super cultivé et qui parle très bien français, qui bossait dans l'humanitaire. Quand on dit humanitaire normalement c'est pour aider ceux qui ont besoin. Lui se vante d'avoir trafiqué certains chiffres pour s'en mettre un peu dans les poches. C'est lui qui m'a appris certaines coutumes. Il est plutôt sympa, je l'aime bien mais on va éviter de faire des affaires ensemble hein ?! Lui m'a appris le proverbe "tsy kelly lala". Mot pour mot, ça veut dire qu'il n'y a pas de petit chemin. Le sens veut dire qu'il y a toujours un mauvais chemin. En gros, ils trouveront toujours un moyen de te niquer, ils essaieront de trouver une faille dans ton raisonnement pour te gratter un peu de pognon. - Une cousine à Nelly qui est venue à Morondava pour le mariage que nous avons fêté en Septembre a dit avant de venir: on va aller en boîte, on va boire des bières sur la plage, on va faire la fête...quand Nelly m'a dit ça, commençant à comprendre le système, j'ai pris les devants: "qui va payer ?" Réponse: "toi". Quand elle a dit à sa cousine que je ne voulais pas payer, beh finalement on ne l'a quasiment pas vue et elle n'a pas fait la fête, elle est restée à la maison familiale pendant son séjour. - un beau frère voulait qu'on aille à Belo/mer, un petit bled paradisiaque au bord de la mer à 3-4 heures de route. Je lui disais que je n'avais pas trop d'argent pour l'hôtel donc qu'on ne pouvait y rester que 2 jours (1 nuit d'hôtel). Il essaie de batailler pour 3 jours, je dis ok. Mais après réflexion, je savais que lui n'avait pas du tout de ronds. Donc je demande à Nelly de parler avec sa sœur et de demander comment ils comptent payer leur voyage. En fait, ils comptaient sur moi pour l'hôtel, les resto et même l'essence de sa bécane ! C'est moi qui finance et c'est lui qui choisi la durée des vacances. Ben voyons ... Voyage annulé. Ce qui est bizarre, c'est le même gars qui m'a filé les makis. Il ne voulait pas d'argent pour eux, alors qu'il avait voyagé 2 jours avec les risques que cela comporte, les makis étant d'une espèce protégée. J'avais donné 20 000 arias (6€) pour la forme et il était super content. Mais il essaie de me gratter... Donc toujours pareil, il ne te demande pas de l'argent directement mais c'est détourné. - ils ne savent pas dire "ministère de l'éducation nationale", il n'y a pas de mot malgache, ils le disent en français. Par contre, il y a un mot qui existe pour ceux qui prennent de l'argent aux femmes qui sortent avec des vazahas: "joambilo". La femme sort avec un occidental donc, vieux en général. Elle a un amant malgache pour entretenir la tuyauterie, mais son malgache se fait entretenir par elle et donc avec l'argent du vazaha. Le joambilo est un peu comme un gigolo mais la source de revenu n'est pas la même. C'est toujours ceux qui ont qui paient, mais sans être au courant. Et donc il n'ont pas de mots dans leur langue pour dire des mots importants mais ils en ont pour dire des choses vicieuses. - J'ai déjà parlé de la corruption mais des fois, ça prend un tournant différent: il est arrivé que le ministère fournisse des cahiers aux écoles. Et bien là aussi, la plupart des directeurs revendent les cahiers alors que c'est censé être gratuit. Tout le monde est au courant, les parents râlent mais payent au lieu d'acheter eux même des cahiers à leurs enfants. Ils critiquent mais participent à tout ça, car ça fait partie de leur quotidien. Je me demandait pourquoi ils acceptaient de payer, alors que moi même j'arrive à l'éviter et pourtant je suis une proie facile. En fait je comprend, c'est parce qu'ils sont tous pareils. Enfin non pas tous, mais en général ceux qui sont un peu cultivés, ils dorment pas. Dernier exemple pour illustrer ce que je vient de dire: ici, il est de coutume de payer pour la famille de ta femme. Alors on peut dire que c'est bien car il y a une certaine solidarité. Sauf que c'est valable également pour des projets bidons. Par exemple, le père de Nelly possède une vieille bâtisse en brousse qu'il souhaite retaper pour accueillir des gens de passage lors de cérémonies, car elle est située à côté du caveau familial (ici ils appellent ça le tombeau). Bon c'est bien mignon leur truc mais perso je sais que je n'y mettrai jamais les pieds. Comme de par hasard, le père a bien expliqué la situation à la famille mais en français, histoire que je comprenne bien. Comme j'ai dit, s'il y a une maladie ou une connerie comme ça, ok pour la cotisation. Mais pour retaper une baraque qui sera vide 11 mois dans l'année, non merci. Et puis là aussi, c'est la façon de faire qui est gênante. En développant par la suite la conversation avec Nelly, je lui ai demandé si j'avais le droit, par exemple, d'acheter des cahiers pour une école. Elle m'a répondu que si je refusait d'aider la famille alors que j'aide des inconnus, ce serai mal vu. Donc si je n'ai pas assez d'argent pour offrir à des déshérités et en plus aider la famille sur des projets bidons, je dois choisir la famille pour éviter les tensions. Là encore, je n'aime pas cette façon de procéder. Ces exemples montrent que s'ils ne sont pas vraiment voleurs, mais ils essaient toujours de gratter discrètement. J'aurai plein d'autres petits exemples... Et puis ce qui me gêne, c'est que payer n'importe quoi à n'importe qui pose des problèmes humains, de relationnel. Car tu ne sais pas s'il t'apprécie pour ta gueule ou pour ton larfeuille. Sur le mien maintenant, y a écrit "Big mother fucker" comme sur celui de Jules Winfield dans Pulp fiction... Je ne vais pas vous cirer les pompes mais vous mes proches, vous avez la valeur de l'argent. Personne d'entre vous ne sont des profiteurs, tout le monde se lève le matin pour aller bosser. Ici, toujours pareils, ce sont les plus pauvres les plus vaillants, faut les voir tirer leurs charettes remplies de sacs de charbon, en plein kania. Mais dès qu'ils font un peu d'étude, ils essaient de se trouver une place de fonctionnaire pour se la couler douce (je peux vous dire que les fonctionnaires français sont des petits joueurs face aux malgaches), tout en profitant de l'argent qui "tombe" à droite à gauche. Comme j'ai déjà dit, je suis pour le partage des richesses. Mais j'aime choisir comment je dépense mon pognon. Je préfère aider ceux qui en ont vraiment besoin plutôt que ceux qui vont me demander telle ou telle chose. Pour moi, l'argent, les cadeaux... ça ne se demande pas. Dont tout ça est un peu gonflant et j'ai préféré me séparer plutôt que de continuer à entretenir quelqu'un qui ne veut pas bouger ses fesses. En plus, moi j'aime qu'on m'aime. C'est con mais je suis comme ça. Depuis + de 15 ans, je le dit sans prétention aucune mais mes femmes étaient amoureuses de moi (Laure, Emilie, Sophie) et ça se voyait. La petite Nelly n'est vraiment pas démonstrative et ça commençait à me gonfler. Comprenant un peu le raisonnement du malgache moyen, je commençait à me poser des questions et ça c'est pas bon. Alors on reste en bon terme, je pense que je vais continuer à la voir de temps en temps car j'aime pas être seul. Et ici je n'ai vraiment personne, même le fameux pote vazaha se casse dans quelques jours pour aller bosser un peu et ramener de la caillasse. J'ai pensé à revenir en France mais retrouver sa grisaille et sa répression, non merci, j'en ai vraiment pas envie. Donc je vais tout faire pour trouver un intérêt à revenir ici l'année prochaine. J'ai encore mes projets pro et je compte vraiment monter mon truc car c'est facile ici, mais je vais investir plus petit que prévu pour l'instant. Et je vais me trouver une autre activité que mon asso actuelle, car ça aussi c'était bidon. Je pensai aider, j'ai fourni du taf (heureusement pas grand chose, quelques pages de blabla), mais finalement ils n'ont même pas utilisé ce que j'ai fait. Pourquoi me gardaient ils ?... D'ailleurs là aussi ça sentait le cul: c'est eux qui m'ont fait mon papier pour obtenir mon visa mais quand je suis rentré à Mada en juillet, ils m'ont dit que ce serait bien de lâcher un billet pour la signature du papelard... Mais bien sûr. Et la marmotte elle met le chocolat...dans ton cul ! J'ai pas payé, là encore fallait le dire avant. Puis faut être gonflé alors que j'ai fourni du taf. Et pour finir, le gars pour qui je bossait était un beau frère aussi. Bref, je suis déjà en contact avec une autre asso, j'espère que ça m'occupera et surtout que ce sera plus sérieux. Donc voilà, je suis un peu calmé sur mon engouement initial mais je veux y croire, il y a tellement de choses à faire ici. Et je reste persuadé qu'il y a des gens biens. Désolé de ne pas faire beaucoup d'humour, la situation ne s'y prête pas, j'espère ne pas vous gonfler avec mes états d'âme. Mais j'essaie toujours d'expliquer de la manière la plus objective qui soit ce que représente de tout quitter, de partir vivre dans un pays aussi différent. Fallait bien qu'il y ai du négatif ! En tout cas, je commence à comprendre pourquoi les magaches restent entre eux, les vazaha entre eux. C'est dommage mais c'est comme ça. Moi qui ai toujours était très entourés par de vrais amis, j'avoue que ça risque d'être difficile. Finalement, ce sera peut être ça le plus dur ... Alors on s'accroche, on repart de 0, on profite des 3 mois qui restent et on verra bien ! Inch Allah ! Bises

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