Speechless est une nouvelle comédie de 22 épisodes diffusée depuis la fin septembre sur les ondes de ABC aux États-Unis et met en scène la famille Dimeo qui en est à son énième déménagement. C’est qu’une nouvelle aide-soignante a été trouvée pour s’occuper de JJ (Micah Fowler), le plus vieux fils de la famille atteint de paralysie cérébrale. De son côté, Kim’s Convenience est diffusée depuis la mi-octobre sur les ondes de CBC au Canada avec 13 épisodes au compteur. La série suit les péripéties d’une famille canado-coréenne qui a pour patriarche Appa (Paul Sun-Hyung Lee), propriétaire d’un dépanneur dans la ville de Toronto. Autant chez ABC que chez CBC, on ajoute de nouvelles voix à l’univers sériel, évitant les clichés d’usage et parvenant à nous faire rire, comme nous émouvoir.
Speechless : ça dépend qui
JJ est dans un fauteuil roulant et ne peut que communiquer, verbalement du moins, mais si toute la famille a consenti à changer encore de ville, c’est parce qu’on lui a trouvé une aide-soignante qui sera aussi sa voix en lisant les phrases que ce jeune homme fabrique à l’aide d’un ordinateur spécial. C’est sa mère Maya (Minnie Driver) qui veille à lui faciliter le plus possible la vie, mais quelquefois avec une agressivité qui plonge dans l‘embarras ses interlocuteurs. Son père Jimmy (John Ross Bowie) est un peu plus en retrait, mais doit aussi s’occuper de leurs deux autres enfants : Ray (Mason Cook) et Dylan (Kyla Kenedy). Dans le premier épisode, l’aménagement ne se déroule pas comme prévu : l’aide-soignante de JJ, en plus d’avoir une voix nasillarde peine à s’intégrer dans l’univers des Dimeo et la nouvelle école des enfants n’est pas doté de toutes les facilités pour handicapés. Les problèmes se résolvent peu à peu et c’est finalement le jardinier de l’école, Kenneth (Cedric Yarbrough) qui est engagé pour s’occuper de JJ. Dans le second épisode, cette nouvelle dynamique est scrutée d’un peu trop près par Maya et le reste de la famille s’acclimate difficilement avec le nouveau voisinage tandis que dans le troisième, la mère fait annuler une célébration d’avant-match sur la plage organisée par le lycée parce que JJ ne peut s’y aventurer.
Rares sont les fictions où l’un des personnages principaux souffre d’un handicap et encore plus rare l’acteur qui l’interprète l’est réellement, ce qui amène une belle touche d’authenticité dans ce cas-ci. En effet, on s’attache aussitôt à JJ sans que la production n’ait éprouvé le besoin de nous le dépeidre en victime, et ce, malgré ses infirmités. Les gens au lycée ont la même attitude, qu’il s’agisse des joueurs de l’équipe de football ou des meneuses de claque qui l’adoptent rapidement. Certes, les quiproquos humoristiques ne manquent pas, mais on a aussi droit à quelques moments qui nous ramènent à la réalité du jeune homme, notamment lorsque Maya qui est à deux doigts de renvoyer Kenneth, change d’avis après que l’aide-soignant se soit occupé du jeune homme qui doit aller à la salle de bain, sans qu’il n’y ait d’embarras de part et d’autre.
Mais au final, Speechless est une comédie et l’humour fait la part belle à Maya, subjective à souhait et qui rue dans les brancards un peu trop intensément. En ce sens, son personnage nous rappelle beaucoup celui de Fiona dans About a Boy (NBC) interprété par la même actrice, mais outre le sentiment de déjà-vu, Minnie Driver est si drôle et authentique qu’on ne peut qu’agréer avec cette décision de casting. Dans la série, on adhère à ses excès de tempéraments puisque depuis la naissance de son fils elle n’a cessé de se battre afin qu’il ait une vie des plus normales possible si bien que c’est quasiment devenu une seconde nature pour elle.
Kim’s Convenience : L’importance de l’autre point de vue
Appa et sa femme Umma (Jean Yoon) forment un couple uni qui a ses propres préoccupations et dans le premier épisode, cette dernière est à la recherche d’un petit ami « cool, mais chrétien » pour sa fille Janet (Andrea Bang) qui travaille à temps partiel au dépanneur familial. Appa pour sa part s’assure toujours de fidéliser sa clientèle à la veille de la Gay Pride de Toronto. Dans le second épisode, les photographies artistiques de Janet attirent de plus en plus l’attention des clients d’Appa, lequel n’y comprend rien tandis qu’Umma cherche une carrière plus prestigieuse pour son fils Jung (Simu Liu), lequel est en brouille avec son père a quitté le foyer familial depuis des années. La semaine suivante, celui-ci décroche une promotion dans une agence de location de voitures, mais avec plus de pouvoirs viennent plus de responsabilités… et plus de problèmes.
Dès que l’on entame Kim’s Convenience, on ne peut s’empêcher de la comparer à Fresh Off the Boat d’ABC lancée à l’hiver 2015 et l’expérience est fascinante. Toutes deux ayant pour sujet une famille d’origine asiatique, ça nous permet d’observer deux points de vue, mais aussi deux façons de raconter une histoire. Sans surprises, la version américaine dans sa forme est extrêmement classique : il s’agit d’abord et avant tout d’une comédie familiale (ce que le public veut voir apparemment) et lorsqu’entre en compte l’origine ethnique des personnages, on a plus facilement recours aux clichés (la mère très sévère envers ses enfants concernant leurs études par exemple, lesquels préfèrent évidemment se comporter comme leurs congénères américains paresseux). Mais en somme il s’agit aussi d’une histoire très générique pouvant s’appliquer à n’importe quelle famille d’immigrants : les protagonistes sont arrivés depuis peu et on assiste en quelque sorte avec leur American Dream alors qu’ils y ouvrent leur restaurant, non sans quelques difficultés.
Avec Kim’s Convenience, on aborde le sujet d’un tout autre angle. Dû à une immigration massive au Canada depuis plusieurs décennies, la majorité des propriétaires de dépanneurs sont d’origine asiatique si bien qu’ils font partie du paysage d’un océan à l’autre. La série d’ailleurs ne se penche nullement sur leur intégration puisqu’ils le sont, de facto. Certes, Umma rêvait d’une carrière plus prestigieuse pour son fils et aimerait voir sa fille avec un petit ami sérieux, mais ce sont là des valeurs universelles auxquels tous adhèrent. En même temps, l’humour consensuel a aussi pour défaut de manquer de punch par moments, mais la nouveauté de CBC tire son épingle du jeu à chaque épisode avec quelques bons gags, comme lorsqu’au pilote, Appa est accusé d’homophobie et propose un rabais de 15 % aux homosexuels seulement… et son gaydar est étonnamment très aiguisé!
Au final, s’éloigner de la sitcom modèle (Kevin Can Wait…) aura porté ses fruits dans les deux cas : le pilote de Speechless a rassemblé 7,38 millions de téléspectateurs avec un impressionnant taux de 2,03 chez les 18-49 ans. Rendu à la mi-saison, la moyenne s’est tout de même maintenue à 6,34 millions et le taux à 1,81, probablement l’une des meilleures des nouveautés d’ABC cet automne. De son côté, Kim’s Convenience n’est pas en reste : les deux premiers épisodes ayant été diffusés l’un à la suite de l’autre ont attiré respectivement 835 000 et 805 000 téléspectateurs, ce qui est énorme pour CBC alors qu’à la même heure, le troisième opus de This is Us sur CTV en rassemblait 949 000. Mieux encore, après un mois, la nouveauté canadienne est loin de s’essouffler et semble s’être stabilisée en avec un auditoire moyen de 755 000.