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Conviction (2016) : des cas à réévaluer

Publié le 01 novembre 2016 par Jfcd @enseriestv


Conviction est une nouvelle série de 13 épisodes diffusée depuis le début octobre sur les ondes d’ABC aux États-Unis et CTV au Canada. Bien que tout le tournage ait eu lieu à Toronto, l’action se déroule à New York alors que Conner Wallace (Eddie Cahill), le nouveau procureur général de la ville appointe Hayes Morrison (Hayley Atwell), à la tête de la CIU (Conviction Integrity Unit), une entité qui réexamine des décisions judiciaires lorsqu’un doute continue à planer sur certaines condamnations. Issue d’une prestigieuse famille, Hayes a dû accepter de force le poste ou sinon, c’était la prison pour possession de cocaïne. Cependant, cette jeune fille rebelle est aussi très brillante et sans avoir l’air de se forcer, résout d’une main de maître les énigmes passées. Deuxième essai sériel en sol américain pour l’actrice britannique Hayley Atwell après l’échec d’Agent Carter, Conviction, n’a rien de la série du siècle. Malgré quelques entorses aux scénarios des « cas de la semaine », tout roule rondement avec les mêmes rengaines entre les personnages qui se répètent d’un épisode à l’autre. En soi, la série illustre parfaitement le dilemme que vit actuellement ABC en ce qui a trait aux nouveaux usages versus l’écoute en direct qui génèrent des paradoxes, et pas des moindres.

Conviction (2016) : des cas à réévaluer

Rétablir l’ordre

C’est donc avec un emploi prestigieux que Hayes est « punie » pour ses écarts de conduite. Évidemment ses origines excusent presque ce traitement de faveur : fille de l’ex-président des États-Unis, sa mère Harper (Bess Armstrong) est actuellement en campagne électorale pour devenir sénatrice, si bien que des membres de sa famille n’ont pas intérêt à faire de vagues! De toute façon, Conner est redevable à cette famille et a déjà été en couple avec Hayes dans le passé. Cela dit, il faut bien se mettre au travail et dans le premier épisode, elle et ses collègues réévaluent la condamnation à perpétuité d’un jeune homme noir accusé d’avoir tué sa petite amie alors qu’ils étaient au lycée. Dans le second, c’est trois jeunes hommes ayant avoué sous la contrainte avoir violé une femme que l’équipe est chargée d’innocenter et la semaine suivante, le doute pèse sur un homme arrêté pour acte terroriste dans une mosquée une fois que l’on examine avec plus de minutie les preuves contre lui.

C’est la règle d’or du format procédural, spécialement lorsqu’il s’agit du genre policier sur un network : mettre en scène des héros légèrement hors de l’ordinaire pour résoudre des enquêtes qui malgré un verni inédit (pour ne pas dire farfelu), demeurent très classiques. Conviction n’échappe pas à la règle et à la limite en fait trop dans son pilote avec une héroïne blasée d’avoir à travailler, buvant du scotch devant ses employés au lieu d’amorcer sa journée avec un café, qui procède à des séances d’essayage de robes de gala pendant une réunion, etc. Et si à la fin du premier épisode elle nous fait clairement comprendre qu’elle cherche à se faire renvoyer, reste qu’elle s’acquitte de sa tâche admirablement bien. Pourtant, dès le second épisode, elle s’assagit et ses sautes d’humeur sont relayées au second plan derrière les enquêtes.

Conviction (2016) : des cas à réévaluer

Celles-ci se terminent toutes sur une note positive puisque comme par hasard, tous ceux dont elle désire revisiter les dossiers s’avèrent innocents au bout du compte. Bien qu’il soit question d’une seconde enquête, le résultat est le même : le véritable coupable est trouvé et les gens faussement accusés sont libérés. Une plus-value à la série aurait été de s’attarder aux répercussions politiques de telles enquêtes. C’est qu’ici, l’on remet carrément le travail des policiers en doute. Incompétence ? Manque de budget pour approfondir les crimes ? Pressions « d’en haut » afin de régler les affaires au plus vite ? Jamais ces questions ne sont abordées au cours des épisodes et l’image du policier américain dans les séries placé sur un piédestal comme étant le garant de la justice est sauf à travers l’équipe de Hayes. De toute façon s’aventurer dans cette voie aurait cassé le moule « procédural » pour lequel Conviction a été créé ; là justement où est la demande.

Conviction (2016) : des cas à réévaluer

Un paysage de plus en plus compliqué 

Mis à part Speechless du côté comédie et Designated Survivor, peu de séries fiction créent l’engouement cette année sur ABC. Ayant récemment annoncé qu’elle réduisait de 13 à 10 épisodes sa nouveauté Notorious, d’autres semblent carrément sur le respirateur artificiel comme Agents of S.H.I.E.L.D. ou toute la programmation du dimanche soir avec Once Upon a Time, Secrets and Lies et Quantico. En même temps, on nous sort toutes sortes de statistiques comme quoi les séries de la chaîne sont immensément populaires en rattrapage (par exemple, l’auditoire de How To Get Away with Murder augmenterait de 118 %, idem pour Quantico à 125 %). Soit, mais pendant ce temps, en direct, elles récoltent un taux de moins de 1 % chez les 18-49 ans. Les usages changent, mais comment générer les profits appropriés ? ABC a beau doubler un auditoire avec les enregistrements, à quoi bon si devant la concurrence, elle demeure constamment le second choix dans l’offre pour les téléspectateurs présents en direct ?

L’autre aspect est évoqué par un fort intéressant article dans le Hollywood Reporter où l’on évoque un marché sériel européen en pleine ébullition, si bien que les acheteurs du vieux continent délaissent peu à peu les « marques » américaines. Ce que ces différents diffuseurs ont souvent manifesté était qu’ils étaient en manque de procéduraux pour remplir adéquatement leurs grilles : un apanage tout américain, mais l’industrie là-bas s’est tournée vers un mode de narration misant davantage sur le long terme. Conviction illustre bien ce dilemme : après 6 épisodes, la série compte une faible moyenne de 4,27 millions de téléspectateurs avec un taux de 0,93 chez les 18-49 ans. En même temps, la série a été vendue dans plusieurs marchés européens qui y trouvaient leur compte. Est-ce possible de satisfaire les deux marchés ? D’un autre côté, les séries procédurales créent moins « l’événement » propre à inciter les gens à suivre en direct comme This is Us par exemple. Voilà le beau casse-tête auquel toute l’industrie est confrontée…


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