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Pourquoi l’être humain sent de moins en moins bien les odeurs (et pourquoi ça n’est pas grave)

Publié le 02 novembre 2016 par Adamantium

L’intérêt rencontré par le post sur les causes de l’odeur de la terre après la pluie m’a encouragé à continuer à explorer ce que la science savait sur différents sujets tournant autour de l’olfaction. Je me suis intéressé cette fois à l’odorat humain et aux raisons qui expliquent sa faible performance.

Si vous vous trouvez dans un aéroport, il est probable que vous croisiez des policiers accompagnés de chiens dressés à renifler les voyageurs et leurs bagages à la recherche de drogues ou d’explosifs. La police fait appel aux chiens car leur odorat est 100 000 fois plus performant que celui de l’homme et qu’ils peuvent détecter des odeurs que vous et moi sommes totalement incapables de percevoir .

Comparé à de nombreuses autres espèces animales, l’espèce humaine est probablement celle dont l’odorat est le moins bon. Partant de ce constat, certains chercheurs se sont demandés si l’être humain avait toujours eu un odorat médiocre ou bien si ses capacités olfactives s’étaient dégradées au fil du temps.

D’une façon simplifiée, l’évolution fonctionne de la façon suivante : les organismes vivants présentent des caractéristiques qui sont déterminées par les gènes, mais de temps en temps une mutation se produit dans le codage génétique. Si cette mutation rend l’organisme moins capable de survivre, elle ne sera pas transmise à la prochaine génération – car celle-ci n’existera probablement jamais. Mais si cette mutation a un effet positif sur la survie et / ou la reproduction de l’organisme, alors elle se répètera à la prochaine génération et à celles qui suivront. Ces mutations s’additionnent sur des millions d’années, faisant évoluer progressivement les espèces.

Stages in human evolution

Cependant, il arrive aussi que certaine mutation nous rendent moins performants mais que cet affaiblissement ne compromette pas nos chances de survie ni notre capacité à nous reproduire. Selon les scientifiques, c’est probablement ce qui s’est produit avec notre sens de l’odorat.

La théorie qui prévaut est la suivante : alors que nous avons progressivement cessé de marcher à quatre pattes pour nous tenir verticalement, certains de nos sens sont devenus plus importants : avoir des pattes qui se sont transformées en mains nous a par exemple permis d’avoir une meilleure sensibilité tactile. De la même façon, nous tenir debout nous a donné la possibilité d’observer une plus vaste partie de notre environnement, donnant ainsi une importance prépondérante à notre vision.

Le raisonnement inverse est le même : selon les spécialistes, nous avons progressivement abandonné certaines capacités au cours de notre évolution parce qu’elles étaient devenues moins nécessaires à notre survie. Le fait de se tenir plus éloigné du sol a ainsi rendu notre sens de l’odorat moins indispensable, par exemple pour la recherche de nourriture.

La preuve de cette affirmation se trouve dans notre cerveau, comme l’explique cet article de 2013 du site National Geographic intitulé « The smell of Evolution » :

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« Les êtres humains sont capables de distinguer des odeurs différentes, en partie grâce au grand nombre de gènes de réception olfactive que nos neurones peuvent utiliser. Jusqu’à présent, les scientifiques ont identifié 390 gènes différents dans le génome humain qui « contiennent » des récepteurs olfactifs.  Mais ils ont découvert que le génome humain contenait également 468 gènes de réception olfactive que les neurones ne savent pas utiliser comme récepteurs. On les désigne sous le terme de pseudogènes. Bien que leur séquence soit extrêmement semblable à celle des gènes de réception olfactive, ces pseudogènes ont subi des mutations qui font que les neurones sont incapables de traduire leur séquence pour en faire une protéine » (le véhicule de l’information des neurones).

Notre cerveau possède donc un grand nombre de récepteurs olfactifs, mais il en utilise moins de la moitié. Prenons l’exemple du récepteur olfactif OR7D4. Ce récepteur est capable de détecter l’androsténone, une odeur émise par les porcs mâles non castrés. Communément appelée « odeur de verrat », elle est perçue comme déplaisante par les individus qui la remarquent, à tel point qu’ils refuseront de manger de la viande sur laquelle ils la perçoivent même si celle-ci est parfaitement consommable. Mais c’est une odeur que tous les humains ne sont pas capables de percevoir – en tout cas pas à notre époque actuelle.

En 2015, une équipe de chercheurs dirigée par le Dr Kara Hoover a mené une étude sur « l’ADN qui code OR7D4 chez 2200 personnes de 43 populations à travers le monde, la plupart d’entre elle faisant partie de groupes autochtones ». On sait grâce aux prélèvements sur des fossiles que nos ancêtres possédaient ce récepteur olfactif, et c’est aussi le cas actuellement pour la plupart des groupes humains autochtones qui ont été testés en Afrique, berceau de l’humanité. Mais la même étude a également montré que ce récepteur olfactif tendait à être moins présent chez les populations vivant dans l’hémisphère nord.

Selon ces chercheurs, cette différence dans la présence de OR7D4 serait due au fait que les porcs rencontrés par les populations vivant dans l’hémisphère nord étaient domestiqués. Manger ces porcs était donc plus sûr d’un point de vue sanitaire et renoncer à ces sources de calories aurait été une erreur pour la survie de l’espèce. Cette fonction de répulsion en réponse à la présence d’androstérone aurait donc été progressivement « désactivée » chez les populations humaines de l’hémisphère nord.

On sait donc que l’homme a eu jadis un odorat qui était probablement aussi développé que celui des autres mammifères. Mais au fur et à mesure qu’il se redressait, l’évolution a progressivement rendu inutiles une partie des capteurs olfactifs de son cerveau au profit d’autres fonctions cérébrales plus nécessaires à son nouveau mode de vie.

L’odorat étant de moins en moins indispensable à la survie de l’être humain, on peut donc prédire qu’il va continuer à se détériorer. Et si l’évolution est bien faite, plus il prendra le métro aux heures de pointe, plus cela sera le cas.

Hervé Mathieu



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