Après plusieurs mois de tractations, le dialogue politique et civil en RDC a accouché d’un accord entre les parties : les élections sont reportées à avril 2018 et dans l’intervalle Kabila se maintien au pouvoir jusqu’à ce que son successeur prête serment. Les seules concessions faites aux membres de l’opposition, pour ceux qui y ont participé, semblent être relatif au calendrier électoral et sur un très malsain partage de « gâteau » (formation d’un nouveau gouvernement avec un premier ministre issu des rangs de l’opposition). Un aboutissement prévisible, qui n’est en rien différent de l’échec qu’avait prédit bon nombre d’observateurs.
Les per diem et leurs effets pervers
Malgré les réticences des instigateurs du dialogue national, certains membres de l’opposition et de la société civile ont tenu coûte que coûte, à y prendre part. Sans vouloir remettre en cause leur fibre patriotique, les per diem journaliers à l’attention de tous les participants semblent y être pour beaucoup. En attirant avec de l’argent, le gouvernement s’est assuré d’un quorum minimum de participation des différentes composantes de la société, à un dialogue peu attractif. Des leaders de la société civile congolaise, avaient d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme dès le mois de juillet et avaient proposé la suppression pure et simple de ces incitations financières.
L’autel de l’intérêt personnel
Dans ce contexte, malheureusement, les opposants signataires de l’accord, ont plus recherché leurs propres intérêts qu’autre chose. Pour exemple, suite à cet accord, Vital Kamerhe, opposant en vue, s’est positionné comme futur premier ministre du futur gouvernement d’union nationale. Au lieu de défendre le respect de la constitution, il a pensé à son propre parcours.
Absence de garantie crédible
Rappelons que l’accord stipule le maintien de Kabila au pouvoir et le report des élections à avril 2018. Au delà du fait que l’application de cette disposition, constitue un viol flagrant de la constitution, il faut noter que l’accord ne précise nulle part, que celui-ci ne se représentera pas aux prochaines élections comme le lui interdit la constitution. Pour rappel, le clergé catholique a préféré se retirer du dialogue, pour ne pas cautionner un autre mandat pour Kabila. Une crainte justifiée car il avait déjà essayé de modifier des dispositions de la constitution pour arriver à cette fin. Alors, en repoussant les élections, cet accord ne fait que déplacer le réel problème, à plus tard.
Un accord sans base juridique
Bien que la constitution ne mentionne pas de conduite spécifique en cas d’incapacité des appareils étatiques à organiser les élections, les négociants se sont engouffrés dans cette brèche hors la loi en prenant des décisions terriblement stratégiques : maintien du président en poste après décembre 2016 ; nomination d’un premier ministre, issu de l’opposition signataire, avant le 7 novembre 2016. Or le respect de la loi fondamentale voudrait que le premier ministre soit de la majorité présidentielle, du moins jusqu’au 19 décembre 2016 (article 78 de la constitution). Par ailleurs, la formation d’un nouveau gouvernement dans un délai de 21 jours après la signature de l'accord ramène à la date du 07 novembre 2016, alors que le dernier mandat de Joseph Kabila et de sa Majorité présidentielle court jusqu'au 19 décembre 2016. Ces exemples expriment la profondeur du flou juridique. Les multiples discours sur la nécessité que l’accord se fasse dans les limites de la loi sont donc restés de vides déclarations dont on peut douter de la sincérité. En effet, acceptant des négociations hors cadre juridique, les négociateurs envoient un signal fort et clair au président et aux éventuels futurs dictateurs : aucune ligne n’est infranchissable. Ils donnent surtout à Kabila, avec cette prolongation de mandat, l’opportunité de réaliser son souhait de rester au pouvoir.
Ainsi, plutôt que cet accord vicié, la meilleure solution aurait été un autre dialogue, réellement inclusif, avec cette coalition des partis de l’opposition, comme proposé par l’église catholique. Pour cela, il faudrait que le gouvernement soit prêt à remplir un certain nombre de conditions préalables dont le respect de la constitution. Il est vrai que sur le continent, les textes fondamentaux sont fréquemment piétinés, cela ne disculpe nullement la RDC dont le contexte conflictuel devrait d’autant plus inciter à se référer au droit.
ESSIS Césaire Regis, Activiste-citoyen. Le 7 novembre 2016