[Le premier épisode est ici]
Fin de l'épisode précédent :
Avec lui, j'étais quelqu'un, en tout cas. Qu'on reconnaissait dans la rue et dont certains anciens se souvenaient, maintenant que l'histoire faisait son chemin. Je n'étais pas arrivé là par hasard. Travail thérapeutique, on m'avait dit à l'hôpital. Plus simplement, j'étais revenu sur les lieux de mon enfance. Enfin… Un des lieux. L'espoir médical était que je retrouve mes souvenirs. Le professeur Meyer avait une théorie : tout allait me revenir à un moment donné. J'étais revenu sur mes terres, en quelque sorte. Pour ouvrir la porte de mon jardin secret. Comme Martha. Mais elle, c'était pour une autre raison. Elle avait tué son voisin.
…/…
Martha était du genre hirsute. Une coupe de cheveux qui ne ressemblait à rien. Des habits bizarres, trouvés ça et là. Une démarche mélange de tranquillité et de méfiance. Pour tout dire, elle était comme elle buvait ses cafés, et ses bières certains soirs, et ses verres de vins les mêmes soirs. Des doigts fins qui saisissaient prestemment la tasse ou le verre. Une pause. De nouveau un geste rapide vers la bouche. Re-pause. C'était agaçant ou émouvant, selon les moments, toujours étonnant. Elle découpait en tranches mon regard, parfois, le décrétait interloqué, disait sans sourire que c'est le temps justement qui l'avait décalée, et puis quand c'était dit, elle se taisait. Puis souriait. Enfin. C'était peut-être un sourire. Peut-être pas. Quand elle parlait, c'était pareil. Une phrase fusait. Un silence infusait. Une autre phrase. Ce goutte à goutte me convenait particulièrement bien. Tout m'arrivait par bribes. Et si ce n'était pas mon histoire, ni celle de Pierrot, c'en était une autre et elle me travaillait suffisamment pour que j'y pense un peu tout le temps, en fait.
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