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[Cinemania 2016] Médecin de campagne – Acte militendre

Par Julien Leray @Hallu_Cine

Médecin de campagne est un film gentil. Bienveillant, pour être plus précis. Une histoire pétrie de bons sentiments, politique certes, mais portée naïvement.

Attention ! Ne prenez pas ça pour de l’ironie mal placée. Au contraire, Médecin de campagne, c’est à noter, est un film qui sait se faire aimer. À la condition (essentielle) de laisser son cynisme de côté.

C’est vrai, le syndrome « téléfilm TF1 » n’est jamais bien loin. Sans être dans Joséphine, ange gardien, n’exagérons rien. Même si l’esthétique de service public ne manquera pas de laisser sceptique.

Sans compter qu’eu égard au sujet traité, on aurait tout de même pu s’attendre à davantage de grinçant, à un peu plus de radicalité.

La problématique des déserts médicaux, du vieillissement de campagnes délaissées au profit d’une urbanité toujours plus marquée, du droit à mourir chez soi en toute dignité plutôt qu’au sein d’un hôpital totalement esseulé : l’occasion était belle de réaliser un vrai beau film populaire, politique et engagé.

De ce point de vue, Thomas Lilti (Hyppocrate) a choisi une voie empreinte de facilité (sans être dénuée d’intérêt) en produisant un film certes à propos, mais à la profondeur thématique faisant cruellement défaut.

Si Jean-Pierre Werner, le médecin incarné par François Cluzet, est un personnage au potentiel certain, écrit, dépeint, et incarné avec soin, sa complexité se voit très vite étouffée par l’irruption de celui de Nathalie Delezia (Marianne Denicourt, à la prestation nettement en deçà), figure féminine au classicisme un peu étonnant (les femmes de plus de quarante ans sur grand écran, ce n’est pourtant pas – malheureusement – si courant), n’existant que pour apporter bienveillance, réconfort, support.

Tragique (après tout, Werner est atteint d’une tumeur au cerveau), la situation de ce dernier sera toujours contrebalancée, relativisée par la pureté de sa collègue, volontaire, combative, que l’on ne peut qu’aimer. Bref, on sent bien que dans pareil contexte, il ne pourra rien lui arriver.

Or en tant que métaphore personnifiée d’un exercice de la médecine ayant tendance à être négligé, clairement en danger de disparition, aux nécessaires devoir de modernisation mais dont l’essence se doit d’être préservée (le respect des patients, et l’importance de la proximité), au regard de l’épreuve personnelle qu’il doit affronter, la relative facilité avec laquelle Werner passera au travers ne manquera pas d’interroger.

Aussi, la morale du film, bien que belle (du reste importante), n’en est pas moins trop superficielle pour s’avérer pleinement convaincante.

Pourtant, cette candeur d’ensemble, l’amour de tous les personnages impliqués dans l’histoire a  malgré tout réussi à nous émouvoir.

Et oui ! Derrière notre cœur empli de froideur, force est d’admettre que la carte de l’émotion a joué à plein, nous prenant par surprise surtout par des petits riens.

Reconnaître des personnes que l’on a pu côtoyer, s’identifier à des situations, des lieux emprunts d’une certaine véracité. Surtout, se sentir concerné par un problème de société sur lequel tout le monde devrait se pencher.

Médecin de formation, Thomas Lilti (et ça se sent) y a injecté beaucoup de lui, moins dans la représentation de la dite profession que dans l’empathie qu’il a su insuffler à son récit.

Parfaitement relayé par un François Cluzet à sa main, au ton juste et au jeu fin. En fait, c’est aussi simple que ça : on y croit. On croit à son rôle, ses doutes, sa passion, ses colères, ses combats.

Tout comme à la vie de la ville de Thorigny-sur-Marne, dont Lilti a su capter l’atmosphère, pour en retirer un fort sentiment de véracité. En somme, une dimension sociologique très bien travaillée.

Cela peut paraître anecdotique, mais tout l’intérêt du film se trouve-là : celui d’être porté par un sentiment familier réellement touchant, surtout par des personnages d’une grande humanité.

Et ça, malgré tout le cynisme qui peut d’ordinaire nous caractériser, on ne l’aurait franchement pas anticipé.

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