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Les ordres de grandeur, de Julien Sansonnens

Publié le 06 novembre 2016 par Francisrichard @francisrichard
Les ordres de grandeur, de Julien Sansonnens

Le roman policier est, comme tous les genres romanesques, un genre libre. C'est ce qui en fait le charme. L'auteur dispose d'une grande latitude pour mener son intrigue. L'intrigue ne comporte même pas toujours d'énigme criminelle, mais, quand c'est le cas, il est de bon ton de ne découvrir qu'à la fin qui a commis le crime, quand et pourquoi. 

Les ordres de grandeur relève de cette dernière catégorie. Le titre du polar de Julien Sansonnens serait connoté approximation si ordre était mis au singulier, mais, comme il l'est au pluriel, il prend un tout autre sens. Et, comme la loi du genre le veut, ce sens n'apparaît complètement qu'après avoir lu jusqu'au bout ce fort volume.

L'histoire commence par le récit clinique du viol d'une jeune femme de vingt-quatre ans, qui vient de passer une belle soirée avec des potes de fac au bord d'un lac. Elle regagne sa voiture, seule dans la nuit, un peu éméchée, quand un homme l'agresse. Quelques minutes plus tôt, elle était encore auprès du mec avec lequel elle partage sa vie depuis deux ans.

Au moment de l'attentat contre Charlie Hebdo, Alexis Roch est présentateur du journal d'une chaîne privée de télévision genevoise. Il l'est devenu grâce à son carnet d'adresses dans les milieux économiques, mais grâce aussi à sa jeunesse, à sa phrase décomplexée, à son élégance très urbaine, à son ambition et à son physique rassurant de séducteur.

Michel Fouroux est parti un jour pour l'Ardèche. Il est devenu patron d'une petite entreprise de coutellerie, du traditionnel, de la qualité françaiseIl vit avec sa compagne, Manon Astier, dans l'ancienne ferme familiale de cette dernière. Où elle élève des chiens, des bouviers bernois. Il croit en ce mois de novembre 2014 qu'il a enfin la vie dont il rêvait.

Quels liens entre ces trois personnages? C'est ce que Juliens Sansonnens dévoile peu à peu. Peu à peu, parce que, par exemple, il ne livre pas tout de suite le nom de la victime du viol ni la date à laquelle il a été commis; parce que, surtout, il prend un malin plaisir à faire le récit de leurs existences parallèles sans révéler avant longtemps quand elles se sont croisées.

L'auteur brouille volontiers les pistes. Les récits, qui se déroulent dans des temps et des lieux différents, sont agrémentés de retour sur le passé des protagonistes. Ce qui permet de comprendre ce qu'ils sont devenus. L'auteur se fait aussi peintre minutieux, tout en nuances, des moeurs helvétiques, de jadis et naguère, dans les milieux politiques et audiovisuels.

Ce polar bien construit n'est donc pas un roman policier à énigme de plus. Au-delà de clins d'oeil facétieux que fait l'auteur à ceux qui les comprennent, il est satire de notre époque où, souvent, la grandeur n'est qu'apparence et obéit à des ordres inavouables, et où, souvent, les convictions ne sont que paravents pour dissimuler des demandes à satisfaire.

Francis Richard 

Les ordres de grandeur, Juliens Sansonnens, 424 pages Éditions de l'Aire

Livre précédent:

Jours adverses Éditions Mon Village (2014)


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