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L'enterrement de Marie-Magdeleine, suivi de C'était Flore et Dick, d'Alain Toullec

Publié le 25 octobre 2016 par Francisrichard @francisrichard
L'enterrement de Marie-Magdeleine, suivi de C'était Flore et Dick, d'Alain Toullec

Une fois n'est pas coutume, un recueil de nouvelles ne porte pas un titre commun à celles qui le composent. Les trois du recueil d'Alain Toullec ont pourtant un point commun: elles portent toutes trois un prénom de femme, qui se retrouvent en première de couverture, dans leur ordre d'apparition.

On ne peut pas dire que les trois héroïnes de ces nouvelles soient des demi-portions, surtout la dernière qui ne l'est vraiment pas, au sens propre comme au figuré. Car il faut préciser que Dick est le diminutif de Dominique, ce prénom ambigu, en l'occurrence féminin mais qui pourrait être tout aussi bien masculin...

Dans L'enterrement de Marie-Magdeleine, l'héroïne n'est toutefois pas celle du titre. A l'occasion des funérailles de la vieille dame prénommée ainsi, le narrateur, qui a perdu - l'a-t-il jamais eue? - la foi de son enfance, la rencontre après s'être posé des questions existentielles suscitées par cette mort.

En fait il répond à ses questions existentielles par d'autres qui sont du genre ironique, tant il est vrai qu'il n'y a pas de réponses définitives possibles et que chacun se fait sa religion, quitte à ne pas en adopter une toute faite, car toutes les religions promettent le paradis, mais diffèrent sur les modalités pour y parvenir.

Cela ne signifie pas qu'il se laisse embrigader par les gardiens du nouveau temple qu'est l'État et par ceux qui en vivent, tels que les associations éclairées ou les écologistes conscients, ou bourrer le crâne avec les prétendues valeurs qu'ils défendent telles que l'incontournable solidarité, l'indiscutable solidarité.

A l'église, son regard croise par trois fois celui d'une belle fille, d'une inconnue aux cheveux châtains bouclés, coiffée d'un béret jaune. Et c'est au cimetière qu'il sent sa présence: Forte, brûlante et glaçante à la fois, indispensable, essentielle, rien de divin, une sensation bien charnelle, avec un parfum entêtant un peu camphré qui surnageait...

Dans C'était Flore, le narrateur rencontre ladite Flore au golf de Saint-Briac qui est en fait celui de Dinard. Flore ne fait que du practice, mais il admire sa technique, son swing, et son physique: c'est une femme élancée, aux formes fermes et déliées. Mais Flore n'aime pas du tout qu'on la regarde...    

Après des premiers échanges peu amènes, ils font connaissance, enfin, si l'on peut dire. Parce que Flore ne se livre pas vraiment, garde ses distances. Sa vie peut se résumer en quelques mots: Éducation bourgeoise, Sainte Marie, le golf, le Racing, des cours de dessin, de piano et de danse aussi, les rallyes, le mariage, le divorce.

Flore n'aime pas qu'on la regarde et, quand ils deviennent plus intimes, elle fixe les règles: Donnez-moi du plaisir, je veux tout, mais je vous interdis de regarder, défense de toucher autrement qu'avec les doigts. Regardez avec les mains. Vous allez faire ça à l'aveugle. A partir de maintenant nos regards ne se croiseront plus...

Un beau jour disparaît Flore, cette femme libre, adepte de l'échec créateur, qui affichait dans son regard noir et le rictus de la lèvre un mélange de mépris et de dégoût à l'idée [qu'il] puisse apprécier la nudité. Les vacances en Bretagne sont en effet terminées pour elle. Et le narrateur pense ne la revoir jamais...

Dick est la DAF, Directrice des Affaires financières, de l'entreprise dirigée par Pat'rond, dont l'adjoint est Monsieur Melville (sic). Dick vient d'avoir une petite fille. C'est Madame Je Sais Tout. Et c'est elle qui porte la culotte. Son mini mari, Jean-Phil, doit filer doux. Et ses collègues ne pas la contredire, pour éviter des éclats.

Toutefois Dick ne sera plus jamais comme avant: Le seul point remarquable c'est qu'après l'accouchement, sa taille resta longtemps identique à celle atteinte à l'issue du neuvième mois: elle ne décrut jamais. Après une courte période de stabilisation, elle reprit de l'ampleur progressivement...    

Cette reprise d'ampleur progressive donne le prétexte à l'auteur de raconter une histoire délirante et burlesque aux multiples, et improbables, rebondissements, une histoire qui se termine en satire hilarante et non conformiste des soi-disant défenseurs de la nature, dont il convient de restaurer à tout prix le bon sens.  

Dans trois registres différents, Alain Toullec met en scène des personnages qui sont des insoumis à l'égard du monde qui les entoure. Ce faisant, il est bien entendu à rebours du prêt-à-penser d'aujourd'hui. Même si ses récits sont plutôt noirs, la liberté d'esprit qui les anime s'avère lumineuse pour ceux qui apprécient cette dernière.

Francis Richard

L'enterrement de Marie-Magdeleine, suivi de C'était Flore et Dick, d'Alain C. Toullec, 144 pages Edilivre


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