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La nature des choses, de Marianne Brun

Publié le 22 octobre 2016 par Francisrichard @francisrichard
La nature des choses, de Marianne Brun

L'été de 1982 venait de commencer. Les autocars roulaient sans encombre, le Tour de France partait le lendemain depuis la Suisse, la demi-finale catastrophique entre la France et l'Allemagne de l'Ouest durant la Coupe du monde de football n'avait pas encore eu lieu, le groupe Blondie était soudé, Patrick Dewaere toujours en vie, le Sida n'existait pas, Internet non plus, ni E.T., ni même Thriller

Gabrielle, Gaby, née le 6 mars 1973, a neuf ans, presque et demi. Ce 1er juillet au soir, sa vie bascule. Sa mère, Adélaïde, Adé, décide de quitter le domicile conjugal, en l'emmenant avec elle, ainsi que sa tortue Dynamite, et emportant meubles et bagages. Lors d'un appel téléphonique, à 21 heures 21 - Gaby a regardé les aiguilles de son radio-réveil à ce moment-là - sa mère a traité son père, Michel, de salaud, avant de s'évanouir.

Gaby et sa mère partent de l'appartement de Pully, 26 avenue du Général Guisan, pour s'installer dans un petit appartement de l'ouest de Lausanne. Le frère de sa mère, Eric, Riton, qui les a aidées à déménager, y est concierge d'un immeuble situé dans une impasse, près des abattoirs de la ville. C'est dans cet immeuble qu'elle va être confrontée à La nature des choses, dont elle a été préservée jusque-là.

Dès son arrivée, Gaby n'a qu'une idée: retourner voir son père. Mais comment faire? En attendant elle fait connaissance avec les commerçants et les gens du quartier, mais surtout avec les occupants du dernier et quatrième étage de leur nouvel immeuble décati, un vieux couple, Jonas et Solange, en dépit de la prévention qu'elle a à l'égard des vieux, un genre à part, qui n'est pas dans la suite logique de l'évolution des adultes:

Les vieux, ça puait, c'était lent, c'était toujours sur le point de mourir ou de se casser une jambe. On ne pouvait pas leur faire confiance. De vraies bombes à retardement. Et ils étaient sournois: ils pinçaient les enfants pour les faire sursauter, mais ils étaient les seuls à trouver ça drôle.

Ce sont pourtant Solange et surtout Jonas qui vont initier Gaby à la vraie vie, qui est bien plus surprenante que celle décrite dans les livres, dont ils ne possèdent d'ailleurs aucun exemplaire chez eux: Les livres, tu en as lu un, tu les a tous lus... dit Solange. Comme Solange, malade et peu valide, s'inquiète de faire faire du souci à Jonas, celui-ci lui répond: C'est dans la nature des choses, Solange. Tu ferais pareil pour moi. Alors, n'en parlons plus.

Au cours de cet été 1982, qui semble bien éloigné dans le temps, tant il s'est passé de changements dans bien des domaines depuis, Gaby va vivre quatre fois quelque chose d'exceptionnel. Cela va lui ouvrir les yeux sur des réalités bien humaines dont jeune enfant encore elle ne soupçonne pas l'existence. Ce qui ne veut pas dire qu'elle comprenne pour autant la nature profonde des choses, mais elle en prend au moins conscience:

Quand on est enfant, on ressent les choses, c'est quand on est adulte qu'on les comprend, mais le mal est fait, lui a dit un jour Solange. 

Ce roman de Marianne Brun, qui est inspiré d'un sujet original de Tania Zambrano Ovalle et tiré d'un scénario coécrit par celle-ci et par celle-là, restitue donc à la fois une époque révolue (un bon vieux Solex y joue ainsi un rôle de choix) et pose les questions essentielles de la condition humaine. Et c'est surtout Solange qui y apporte des réponses. Ne dit-elle pas, par exemple, que pour savoir aimer il faut avoir souffert suffisamment?

Francis Richard

La nature des choses, Marianne Brun, 280 pages L'Âge d'Homme

Livre précédent chez le même éditeur:

L'accident (2014)


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