Magazine Société

La vie sauvage, de Tony O'Neill et David Brülhart

Publié le 20 octobre 2016 par Francisrichard @francisrichard
La vie sauvage, de Tony O'Neill et David Brülhart

C'est une vie sauvage et bien souvent des choses terrifiantes arrivent aux belles personnes sans raison ou considération de ce qui est juste ou non. Il y a autant de probabilités que les gentils perdent et que les méchants gagnent, et rien de tout ça ... pas même une parcelle de ça n'a de sens.

Le livre de Tony O'Neill et de David Brülhart est un roman graphique: Tony, l'écrivain, raconte et David, le graveur, illustre. Mais c'est aussi une fugue poétique en trois mouvements: une élégie pour un boxeur défunt, une ode à la route et une ballade cathodique finale.

Chet Delany est un boxeur professionnel. Ce serait plutôt un gentil, même s'il dispose avec ses mains de véritables armes de poing. Le malheur veut qu'il arrive une chose terrifiante à cette belle personne: lors d'un combat, son adversaire meurt accidentellement.

"Pretty Boy" Diaz, le boxeur mort d'un épanchement cérébral, beau de façon inhabituelle pour un boxeur, n'est pas n'importe qui: c'est certes l'étoile montante de la boxe, dans la catégorie des poids welters, mais c'est surtout le neveu du Vieux Diaz, un syndicaliste fraudeur.

Au cours du combat on a proposé à Chet de se coucher au troisième round moyennant finances pour laisser gagner Pretty Boy. Mais, comme dit plus haut, c'est plutôt une belle personne et il a refusé d'entrer dans la combine. Il a préféré continué le combat.

Dans cette histoire, non seulement le Vieux Diaz a perdu son neveu, mais il a perdu un paquet de fric. Ce sont des choses, dont on ne sait laquelle est la plus importante, que le Vieux Diaz ne pardonne pas. Et Chet ne peut donc espérer de salut que dans la fuite, pour Nowhere.

Alors il part au volant d'une superbe Chrysler New Yorker de 57 pour échapper à un enterrement de classe voyou, grâce à son amie Queenie, dont personne ne se souvient qu'elle était née un jour dans le Bronx à New York sous le nom de Joey Lazzario.

Sur la route Chet s'arrête au Rainbow Grill. Les clients, tout comme le patron, ont de bien mauvaises manières avec Lottie la jeune serveuse, si bien qu'il y met fin en jouant du poing, ce qui décide cette dernière à partir avec lui pour Nowhere.

Pendant que le Vieux Diaz prépare sa vengeance, en mettant même des pratiques vaudoues de son côté, Chet et Lottie roulent indéfiniment. Route faisant, ils font connaissance et... des rencontres dans des lieux aux noms improbables tels que Whoreson ou Eden.

Il s'agit donc d'un "road novel" poétique - la poésie peut y être très crue, mais également très tendre - à travers une Amérique où se mêlent des gentils et des méchants, qui sont tous plus ou moins marginaux, et où se côtoient réalités sauvages et doux fantasmes.

Les gravures qui l'illustrent, loin de nuire à l'imagination du lecteur, lui ouvrent d'autres perspectives, celles de routes infinies, de déserts interminables, de violences suggérées, de corps sensuels. Elles apportent en quelque sorte sa profondeur de champ au texte.

C'est donc un bel objet que ce livre. "Tout ça" n'a-t-il vraiment aucun sens? C'est au lecteur de se faire sa religion sur la question. Quoi qu'il en soit, il ne pourra qu'avoir de la réticence à quitter la route au terme du voyage. Il aura bien l'impression, pour le coup, d'avoir atteint Nowhere...

Francis Richard

La vie sauvage, Tony O'Neill et David Brülhart (traduit de l'américain par Dejan Gacond et Frédérique Longrée), 216 pages Hélice Hélas


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine