Lors du Congrès annuel de la section canadienne de l’Institut international des télécommunications, le président du CRTC a admis avoir été surpris d’apprendre en septembre dernier la fermeture de Shomi.
Intitulé Saisir la balle au bond, le discours de Jean-Pierre Blais s’est concentré longuement sur le pari risqué que représente désormais les nouvelles technologies, tant pour les entreprises qui œuvres dans le domaine des télécommunications que pour l’organisme responsable de réglementer cette industrie. Citant les célèbres paroles du journaliste américain Robert Quillen formulées en 1924, Blais a rappelé que «le progrès implique toujours des risques. Vous ne pouvez voler le deuxième but en gardant votre pied sur le premier».
Il a bien entendu profité de l’occasion pour défendre le mandat du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes qu’il préside depuis 2012, en rappelant notamment les divers changements mis en œuvre par l’organisme au cours des quatre dernières années. Le président du CRTC espère ainsi que, par ces diverses initiatives, les Canadiens «nous font un peu plus confiance qu’il y a quatre ans».
En partageant sa pensée sur les changements avec lesquels doit composer le marché de la télédiffusion, Blais a affirmé avoir été sous le choc d’apprendre en septembre dernier la décision de Rogers et Shaw de mettre un terme au service de vidéo sur demande Shomi.
«Je ne peux m’empêcher d’être surpris lorsque des joueurs importants jettent l’éponge par rapport à une plateforme qui représente l’avenir du contenu, seulement deux ans après son lancement.»
«Loin de moi l’idée de vouloir critiquer les décisions de gens d’affaires aguerris, mais je ne peux m’empêcher d’être surpris lorsque des joueurs importants jettent l’éponge par rapport à une plateforme qui représente l’avenir du contenu, seulement deux ans après son lancement», a-t-il affirmé. «Je me demande s’ils ne sont pas trop habitués à recevoir un loyer mensuel de leurs abonnés dans un écosystème protégé, alors qu’ils devraient se retrousser les manches et bâtir une entreprise sans protection et libre d’intervention réglementaire.»
Malgré que le bassin d’utilisateurs de Shomi s’était rapproché de la barre de 900 000 abonnés, le directeur général de Shomi, David Asch, a admis que l’entreprise était plus difficile à exploiter que ce que les deux partenaires avaient anticipé.
Concrètement, Shomi n’a tout simplement jamais été rentable. Selon le Globe and Mail, Rogers a enregistré une perte liée à Shomi de 140 millions de dollars au troisième trimestre, tandis que Shaw évalue que sa perte s’élèverait à 120 millions de dollars lors du dépôt de son prochain bilan trimestriel. Un montant qui s’ajoute à la dépréciation de 51 millions de dollars sur la valeur de Shomi annoncé par Shaw plus tôt cette année.
De son côté, Bell a annoncé plus tôt ce mois-ci que CraveTV, son service ayant aussi pour objectif de rivaliser Netflix, avait franchi le cap du million d’abonnés. Cette étape importante est toutefois toujours loin derrière le géant américain, dont le bassin d’utilisateurs au Canada est évalué à 5 millions d’abonnés selon la firme torontoise Solutions Research Group.
Interrogé sur le sujet après son discours, Blais a rappelé à quel point «il y a beaucoup d’échecs en affaires», et que si chaque entreprise devait fermer au moment où elle doit composer avec des pertes, «vous ne voudriez jamais démarrer une nouvelle entreprise au Canada».
«Malheureusement, c’est le monde dans lequel nous vivons dans le secteur des communications. Il est sans frontière, soumis à une forte concurrence internationale, et perdre de l’argent en fait partie», a-t-il conclu.
À noter que le mandat de Jean-Pierre Blais au sein du CRTC se terminera en juin 2017.