Une alimentation équilibrée fait partie des facteurs majeurs d’un mode de vie sain et d’une bonne santé physique, mais la recherche est de plus en plus prolixe sur les effets du régime alimentaire sur la santé mentale. De toutes récentes études ont en particulier révélé le rôle du microbiote intestinal, lui-même partiellement dépendant de notre alimentation, sur le mental. Cette édition spéciale de la revue Clinical Psychological Science est passionnante à plus d’un égard, d’abord parce qu’elle met en exergue le peu d’intérêt jusqu’à ces derniers mois de la recherche en santé mentale sur ces effets possibles de l’alimentation, ensuite parce qu’elle illustre à l’aide d’une série d’études les apports de la nutrition dans la prise en charge clinique de troubles psychologiques bien spécifiques.
Des décennies de recherche ont documenté l’importance d’une bonne nutrition dans la prévention et le traitement de l’inflammation et du stress, des processus physiologiques qui sont intimement liés à la santé mentale, tout autant que physique. Si la connexion est donc claire, l’alimentation et le métabolisme ne sont que rarement dans le champ des études qui examinent les aspects du bien-être psychologique. C’est la réflexion du psychologue Alan Kazdin de Yale qui parle (1) » d’un gros morceau « , omis par la recherche. Il existe néanmoins quelques études, un peu isolées qui explorent ce nouveau domaine en pleine émergence écrivent les experts de cette édition hors normes (2).
5 études montrent ici tout le spectre des effets possibles du régime alimentaire, sur 4 pathologies, la dépression, le TDAH, les TOC et l’insomnie.
Alimentation et dépression : les chercheurs de l’Instituto de Salud Carlos III (Madrid) et de l’Université de Navarre (Pampelune) rappellent ainsi les résultats associés à un mode de vie globalement méditerranéen incluant le régime méditerranéen mais aussi l’activité physique et sociale (3). A partir des données de 11.800 participants, ils constatent, à nouveau, que ces différentes variables prédisent indépendamment un risque plus faible de dépression. L’étude souligne ainsi l’importance d’examiner les effets combinés des facteurs nutritionnels et des autres facteurs de mode de vie sur les résultats en santé mentale.
Dans une autre étude, des chercheurs de L’Inserm et du Centre Hospitalier Universitaire de Nimes, de l’University College London et de l’University of South Carolina, constatent chez 4.246 adultes dépressifs suivis durant 5 ans que les régimes à aliments pro-inflammatoires sont associés à un risque accru de symptômes dépressifs, mais seulement chez les femmes (7).
Alimentation et TDAH : les chercheurs de la China Medical University, après examen des données nutritionnelles de 21 enfants atteints du TDAH et de 21 enfants exempts de TDAH, identifient des relations complexes entre le régime alimentaire des enfants, les symptômes physiques et les performances cognitives (4). Si les apports d’acides gras essentiels apparaissent similaires entre les 2 groupes, les enfants à TDAH semblent en être déficients et plus cette déficience est élevée, plus marqués sont les symptômes de TDAH. Faudrait-il donc regarder de plus près la nutrition des enfants atteints de TDAH ?
Alimentation et TOC : les chercheurs de l’Université de Wollongong et de la Deakin University (Australie) examinent les effets d’un traitement par NAC (N-acétyl-cystéine), un compodé issus des protéines de notre alimentation, chez 44 participants vs placebo (5). Si globalement le traitement ne fait aucune différence dans la réduction des symptômes du TOC, les analyses de sous-groupes indiquent que les participants plus jeunes et ceux qui ont été diagnostiqués plus récemment, répondent significativement au composé.
Alimentation et insomnie : les chercheurs de l’Université de Canterbury (Nouvelle Zélande) explorent les effets des micronutriments à large spectre, vitamines et minéraux dans la prise en charge de l’insomnie (6). Un essai de 8 semaines mené sur 14 adultes insomniaques montre qu’un supplément de micronutriments combinés apporte une réduction des symptômes de l’insomnie, avec une amélioration de l’humeur, une baisse du stress et de l’anxiété. Les participants étaient conscients du traitement et d’autres essais devront confirmer ces résultats.
N’oublions pas enfin l’épilepsie et son régime cétogène…
Bref, une édition spéciale qui ouvre déjà les champs des possibles. De nombreuses recherches restent à mener, le champ est immense et notre compréhension des effets de l’intestinal sur le mental encore très limitée.
Sources: Clinical Psychological Science Special Series on Nutrition and Mental Health November, 2016
1. doi: 10.1177/2167702616651051 Editor’s Introduction Special Series on Nutrition and Mental Health
2. doi: 10.1177/2167702616641050 Nutrition and Mental Health
3. doi: 10.1177/2167702616638651 The Association Between the Mediterranean Lifestyle and Depression
4. doi: 10.1177/2167702616637820 Delay Aversion, Temporal Processing, and N-3 Fatty Acids Intake in Children With Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder (ADHD)
5. doi: 10.1177/2167702616639864 Participant Characteristics as Modifiers of Response to N-Acetyl Cysteine (NAC) in Obsessive-Compulsive Disorder
6. doi: 10.1177/2167702616631740 Effect of Micronutrients on Insomnia in Adults A Multiple-Baseline Study
7. doi: 10.1177/2167702616645777 Dietary Inflammatory Index and Recurrence of Depressive Symptoms Results From the Whitehall II Study