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498ème semaine politique: pourquoi il ne faut pas voter à la primaire de droite

Publié le 19 novembre 2016 par Juan
498ème semaine politique: pourquoi il ne faut pas voter à la primaire de droite

Dimanche 20 novembre 2016, sept candidats à la "primaire de la droite et du centre" sont départagés lors d'un premier tour. La campagne fut épuisante, pour les citoyens surtout. Cette primaire de droite censée désigner le champion qui terrassera l'extrême droite que les sondeurs promettent déjà qualifiée au second tour de l'élection présidentielle a été une épreuve pour la République et le vivre-ensemble. 

Il ne manquait pourtant que Marine Le Pen et Emmanuel Macron pour qu'elle soit réellement complète.


La droite a déjà gagné. 
En effet, François Hollande a redressé les comptes du pays. Ou presque. Et s'il n'avait gaspillé une quarantaine de milliards injustifiée en exonérations de cotisations sociales sans contre-parties d'emplois auprès des grandes entreprises du pays, le redressement serait encore plus net. Jugez plutôt.
Le déficit budgétaire est attendu à 3,3% en 2016, contre 3,8% en 2015; on espère même tomber sous la barre des 3% l'an prochain, un "record" depuis 2007. L’endettement public qui stresse nos gouvernants et les éditocrates libéraux culmine à 96,5% du produit intérieur brut. Mais sa progression, inévitable tant que l'exécution du budget public annuel ne dégage aucun excédent, est sans commune mesure avec l'explosion connue sous le quinquennat précédent. L'Assurance maladie, qu'une génération d'assurés sociaux n'avait connu qu'en déficit, est quasiment à l'équilibre. 400 millions de pertes cette année, une broutille.
Nicolas Sarkozy avait laissé le pays quasiment ruiné, Hollande a redressé les finances. Quelques-uns, au début nombreux mais rapidement de plus en plus rares, ont cru que Hollande en profiterait ensuite pour "redistribuer" les fruits de cet effort général. Il n'en fut rien, bien au contraire. La défiscalisation de l'économie a bénéficié aux entreprises. Et à chaque loi de finances depuis 2013, Hollande, Sapin ou Valls théatralisent l'annonce d'un nouvelle aumône d'une baisse d'impôt ou d'une ristourne fiscale qui, à chaque fois, concerne "des millions de Français modestes" pour, à chaque fois, un ou deux milliards d'euros. 41 milliards d'exonérations inefficaces pour les uns, 2 milliards "d'effort" pour les autres. Chacun fera la comparaison.
Dans cette primaire de droite, les surenchères d'économies, qui se réaliseront toutes aux détriments de celles et ceux qui ont besoin des services publics, oscillent entre la boucherie version Fillon ("500.000 suppressions de postes de fonctionnaires") et "l'amputation raisonnable" version Juppé ou Sarko (200 à 300 000 suppressions de postes). Faudrait-il rappeler que lorsque le duo Sarkozy/Fillon s'est attaché à ne plus remplacer un départ à la retraite sur deux, même dans les forces de sécurité alors que la menace terroriste ne cessait de monter, la baisse nette sur le quinquennat ne porta "que" sur 144 000 postes ?
Lors de la primaire de la droite, nous avons pourtant entendu combien les 7 candidats voulaient faire "mieux" que François Hollande.
La droite joue contre les "médias"
C'est la dernière hypocrisie de cette campagne, celle la plus habituelle. L'ancien monarque, ancien champion de la curiosité médiatique, n'a cessé comme en 2012 d'attaquer "les médias". On ne sait s'il désignait Auto-Moto, le Quotidien de Yann Barthès sur TMC/TF1, le Petit Journal de Cyril Eldin sur Canal+ version Bolloré, le Figaro dirigé par son ami Dassault, ou Elkabach du groupe Lagardere.
Attaquer les "médias" est la dernière parade de ces titulaires de l'ordre établi qui refusent la contestation. L'incroyable silence de ces candidats sur la plus longue grève de l'audiovisuel français, de surcroît dans une chaîne privée et pour des raisons éthiques et non salariales, en dit long sur le paysage médiatique qu'ils affectionnent.
Interrogé sur l'incroyable accusation qu'il aurait reçu 5 millions en liquide de la part de la Libye pour le financement de sa campagne de 2007, Sarkozy s'indigne, s'offense, et insulte le journaliste qui ose. David Pujadas, pourtant, n'est pas révolutionnaire.
La droite a déjà perdu. 
Le plus effarant dans ce concours de beauté version coloscopie conservato-libérale est son anachronisme total avec la situation du pays. De quoi parle-t-on ? D'un pays avec 12 millions de foyers qui terminent le mois avec une dizaine d'euros. D'un pays soumis à des règles (et une corruption) européennes au niveau central dont aucun candidat ne parle. D'un pays où 5 millions de foyers, de toutes origines et nationalités, vivent avec moins de 840 euros par mois, quand le prix au mètre carré en Ile-de-France est de 15 euros par mois, et le transport public, pour les plus pauvres, à 16 euros par mois.
"6 % des ménages ne peuvent maintenir leur logement à bonne température, 17 % ont un logement bruyant et un tiers ne peut pas se payer une semaine de vacances au moins une fois dans l’année." Observatoire des inégalités.
Aucun des 7 programmes présentés lors de cette primaire "de la droite et du centre" ne prend le sujet à bras le corps. Les diversions, en revanche, sont nombreuses: on désigne le clandestin, l'immigré, le musulman, le fonctionnaire, la "bien-pensance" .
L'ex-favori des sondages de cette primaire, Alain Juppé, n'est pas en reste. Si l'on tente une comparaison américaine, Juppé est assez proche d'Hillary Clinton, François Fillon ressemble à Ted Cruz, Sarkozy s'est calé sur Trump.

Cette droite est la plus réactionnaire que la France ait connu depuis 1944.  Il faut relire le programme de Fillon, dont les saillies ultra-thatchériennes ne sont pas nouvelles, pour réaliser ce qu'un ex-gaulliste est capable de défendre aujourd'hui: supprimer l'essentiel du Code du Travail et la rémunération des heures supplémentaires au-delà de 35 heures dans le privé; reculer à 65 ans l'âge de la retraite et supprimer tous les régimes spéciaux. Et créer un nouveau motif de licenciement, la "réorganisation".
Même Nathalie Kosciusko-Morizet, qui tente l'exercice de la modernité "numérique-gaga", synonyme de nouvelles précarités qu'elle ne voit pas, ni ne comprend, est effroyablement réactionnaire. NKM est sympathique de comprendre que les homosexuels mariés ne méritent pas le bucher en place publique, c'est tout.
Nous sommes en 2016, et nous avons entendu Nicolas Sarkozy expliquer lors du troisième débat de cette primaire primaire qu'il fallait supprimer l'aide médicale gratuite d'urgence pour les clandestins pour financer une augmentation (marginale) des petites retraites.
Nous sommes en 2016, et nous avons entendu François Fillon expliquer à Sablé, en août dernier, que "la France, c’est la fille ainée de l’Eglise et le pays des philosophes des Lumières." La fille aîné de l'Eglise...  Nous sommes en 2016, et nous avons entendu François Fillon expliquer, toujours à Sablé, en août dernier, que "Sans liberté il y aura toujours plus de pauvres et toujours plus d’injustice sociale."
 Nous sommes en 2016, et nous avons entendu Nicolas Sarkozy, défenseur du bouclier fiscal, de la suppression de l'ISF, expliquer que "jamais une personne qui bénéficie de l’assistanat ne devrait gagner plus de 75% du SMIC": 5 millions de personnes gagnent justement moins de 75% du SMIC.
Nous sommes en 2016, et nous avons entendu Jean-Frédéric Poisson oublier que Martinique et Guadeloupe étaient en France, ou expliquer que Clinton était "soumise au lobby sioniste".
Nous sommes en 2016, et nous avons entendu Bruno Le Maire promouvoir l'apprentissage en entreprise dès l'âge de 12 ans. Le travail des enfants a été aboli en France juste avant la première guerre mondiale, dont on célèbre le triste centenaire depuis 2014.
Bref, voici  la Réaction, un immense retour en arrière, plus d'un siècle auparavant ou dans les heures les plus sombres de notre pays.
Au final, le trio de tête que les sondeurs annoncent depuis quelques jours comprend un invité surprise, François Fillon, l'ancien esclave consentant à Matignon de Nicolas Sarkozy pendant 5 ans (un record sous la Vème République). Le duel de dimanche, sauf bourrage d'urnes si habituel mais impromptu en Sarkofrance, pourrait opposer Fillon à Sarkozy.
Que la politique sait être cruelle.
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Il n'est pas sûr, encore moins sûr qu'il y a quelques semaines, que le candidat qui sortira vainqueur mais éreinté de cette primaire à droite puisse l'emporter en mai 2017 contre Marine Le Pen. Entre les "raisonnables" hors sol et ultra-libéraux et les furibards qui légitiment le discours de l'extrême droite, le choix de ces 20 et 27 novembre est détestable pour qui aimerait encore défendre une droite républicaine.
Ces candidats n'ont pas réussi à être en phase avec une réalité simple du pays, la souffrance, la précarité, l'incertitude.
Entre Sarkozy qui laboure le terrain Lepeniste, Fillon qui veut incarner Thatcher matinée de Boutin et Juppé qui sera effacé comme Clinton aux Etats-Unis, la droite semble avoir déjà perdu.
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Post-Scriptum: Emmanuel Macron s'est déclaré à candidat solitaire à la Présidentielle de 2017. Seul dans un atelier d'apprentis mécano de Bobigny qu'il avait pris soin de faire vider avant sa déclaration très giscardienne.
Il a refusé de participer à la primaire de droite et du centre.
Allez comprendre.



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