Bon, voilà, c’est fait, le premier tour de la primaire « de la droite et du centre » est passé et les journalistes vont pouvoir nous occuper quelques jours avec les résultats. En attendant, l’observateur libéral peut déjà tirer quelques enseignements du scrutin qui vient de se dérouler.
Une excellente nouvelle
Tout d’abord, il serait indécent de ne pas marquer une ou deux secondes de silence à la mémoire de Nicolas Sarkozy, seul président de la Cinquième République à être politiquement mort deux fois en moins de cinq ans.
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Le petit Nicolas, devant la branlée magistrale que lui a infligé son ancien Premier ministre, et devant le score malgré tout supérieur d’un septuagénaire flou et mou, se trouve obligé de reconnaître sa défaite et d’annoncer dans la foulée se retirer (encore, à nouveau, one more time) de la vie politique, ce qui est somme toute une excellente nouvelle pour le pays. Nicolas Sarkozy, cette improbable rock star de la politique, ne devrait pas tenter un deuxième come-back électrique, et devra maintenant se contenter des compils’ et des soirées rétrospectives.
Le mauvais cheval des médias
Ensuite et de façon évidente, on peut noter, en reprenant deux fois des coquillettes au beurre, que le pari des médias sur Juppé est bel et bien perdu : contrairement à tout ce qui a été claironné depuis des mois, il n’est pas arrivé largement en tête.
Oh. Comme c’est dommage ! La crédibilité des faiseurs d’opinion est encore une fois mise à mal !
Certes, les sondages avaient, subitement, senti le petit moment « Brexit » se rapprocher à nouveau : suite à l’élection de Trump, on avait assisté à une remontée spectaculaire de Fillon chez les sondeurs et la multiplication des précautions oratoires chez les chroniqueurs officiels. Deux explications s’opposaient alors, la première voulant que les sondages étaient devenus nettement plus précis (pouf, comme ça), ou la seconde, bien plus réaliste, que les médias et les sondeurs, sentant que leur enfumage pro-Juppéiste risquait de leur exploser au museau, se sont sentis pousser une obligation déontologique de mettre un peu d’eau dans leur vin.
Malheureusement, les mêmes sondeurs et les mêmes chroniqueurs ne pouvaient pas non plus passer d’un quasi-déni de Fillon (au mois de Septembre, François Droopy bénéficiait du même petit commentaire amusé qu’un Copé ou un Le Maire) à la révélation qu’on tenait là un vainqueur potentiel sans passer pour des buses. Rassurez-vous, c’est chose faite : nos sondeurs et nos chroniqueurs sont maintenant officiellement des buses. Alors qu’un peu de lucidité permettait, dès janvier, de comprendre que Juppé était avant tout un candidat pratique pour une gauche aux abois, les médias n’ont pas arrêté de survendre le frétillant septuagénaire en essayant de faire croire à un élan, une véritable ferveur du pays pour un cheval de retour dont les dernières armes en politique nationale réellement opérationnelle remontent à 20 ans.
Bon. Ne soyons pas trop méchants envers les sondages. Au contraire des chroniqueurs, au moins avaient-ils parfois prédit Poisson devant Copé.
Une bonne image des tendances
D’autre part, cette primaire permet de dresser, à gros traits mais bien contrastés, les grandes tendances qui s’ouvrent pour la droite française.
Très manifestement, les tendances étatistes et protectionnistes en diable (« protection » étant le mot-clef de 5 candidats sur 6) ne permettent plus de porter un candidat. La notion de liberté, même si timidement présente chez Fillon, semble jouer en sa faveur. Le « libéral-conservatisme » de Fillon semble ce que veulent les votants de droite.
Cette primaire permet aussi de ramener certains prétendants de la droite à leur juste proportion. Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé, Bruno Le Maire ou Jean-Frédéric Poisson peinent à représenter 7% de l’électorat de droite. Encore une fois, l’audience médiatique accordée, notamment aux deux premiers de cette liste, permet de bien mesurer l’écart, que dis-je, le gouffre qui peut exister entre ceux qui sont les bons clients des plateaux télés et radios et ceux qui votent vraiment pour eux.
L’effroi des socialistes
Une autre observation s’impose : Fillon en tête, c’est, comme je l’esquissais dans un précédent billet, une douloureuse épine dans la stratégie de Hollande, et ce d’autant plus qu’est grand l’écart du premier avec le second dans cette primaire disputée.
Rappelez-vous : pour le président François, les deux larrons qui devaient l’emporter, c’était Juppé et Sarkozy, pas cet insignifiant bidule de Fillon. Ce qui était d’autant mieux dans ses petits calculs que ni l’un, ni l’autre n’ayant réussi à contenir leur égo surdimensionné, Hollande pouvait raisonnablement parier sur une guerre fratricide entre ces deux prétendants, même au-delà des primaires, qui aurait donné au président sortant de réelles chances de se faufiler au premier tour de l’élection.
Bref, pour notre pédalomane compulsif, tout ne se déroule décidément pas comme prévu. Pas de bol.
Et pour les autres socialistes, la situation prend un tour aigre. De tous les candidats, Fillon est en effet celui qui semble assumer le mieux une petite touche de libéralisme. Or, pour le socialoïde moyen, s’il y a bien un péché capital, c’est bien faire preuve de libéralisme, même à dose homéopathique.
Dans la primaire de droite, Juppé constituait alors le choix raisonnable : on savait, pour l’avoir vu faire, qu’il serait facile à faire plier (une ou deux grèves solides, et c’en serait terminé des pieds droits dans des bottes droites, le baissement de pantalon et le retournement de veste étant alors extrêmement rapides). Mais voilà : l’infiltration de quelques militants de gauche dans la primaire de droite n’aura absolument pas suffi à éliminer le vrai danger pour le PS (Fillon, donc) en concentrant les tirs sur Sarkozy (au profit de Juppé) au lieu de rester sagement à l’écart.
On peut donc d’ores et déjà parier sur un véritable déchaînement de tous les médias pour bien faire comprendre à tout le peuple que le Kraken danger Fillon vient de se réveiller et qu’il est plus rugissant que jamais. Attendez-vous à beaucoup d’articles consternants et d’approximations baveuses d’une presse aux abois.
Et maintenant ?
Et maintenant, la primaire, à moins d’être totalement sabotée dans les jours à venir, devrait logiquement désigner Fillon comme candidat naturel de la droite aux prochaines présidentielles. Gageons cependant, la vie politique française étant notoirement réputée pour ses rebondissements pathétiques de médiocrité, que l’une ou l’autre surprises nous attendent au tournant.
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