Magazine Société

Congo : l’armée de tous les droits

Publié le 21 novembre 2016 par Dress @lamouka_blog

L’amour de la patrie est un fardeau lourd à porter, vous savez pourquoi ? Parce que tous ses faits et gestes nous tracassent, c’est un peu comme un enfant que vous n’aimez pas, ces déboires ne vous offusqueront point, par contre un enfant sur qui vous misez tout, sur qui vous avez fondé tout espoir vous inquiète au moindre dérapage.

 
On est au Congo, patrie qui m’a vu naître et grandir, pourtant j’ai de plus en plus du mal à parler de tous ses travers, pas par manque de pertinence ou d’intérêt mais plutôt par manque de force, de courage.
Le sujet principal de cet article est la police congolaise, mais tout part de la gestion politique de ce corps, je m’explique :
L’armée (en dehors des hauts cadres et officiers) est l’un des métiers les plus rétrogradant de cette République qui est mienne, c’est un fourre tout, une solution qu’on adopte parce qu’on a épuisé tous ses plans, toutes ses options, parce qu’on a plus d’issue de sortie, parce qu’on a plus de choix, on n’intègre pas l’armée par souci de protéger ses concitoyens, je parle en conséquence de cause, je parle là d’une réalité que je connais, 99% des personnes que j’ai côtoyées sur le sujet me disent y être allés parce qu’ils n’avaient plus de choix et pour la plupart le niveau d’étude est très bas ou dans le pire des cas inexistant.

 
Ce métier qui devrait être noble est aujourd’hui des plus dérisoires .
J’ai récemment en compagnie de Miss Congolités assisté à des scènes des plus troublantes pour la fervente adepte de « respect de la dignité humaine » que je suis et j’en suis encore toute chamboulée.
Il y a à peine quelques jours je sortais de mon stage, fatiguée dans un bus quand on tombe elle et moi sur un embouteillage surprise, la raison ? Un taximen et un Monsieur (dans une Rav 4) viennent d’avoir une collision et s’imputent mutuellement tort jusqu’à en arriver aux mains, une BJ de passage (comme toujours) tombe sur la scène, ils descendent comme des cascadeurs face à l’adrénaline et embarquent sans demander ce qui se passe le taximen et le jette sous leur ranges sous ce banc et remontent dans le véhicule.

Oui, on est au Congo, qu’est un taximen devant un Monsieur posé dans sa voiture personnelle?

Quelques jours auparavant, rentrée d’une petite séance de travail nous voilà dans un bus à Mikalou un des quartiers les plus populaires de la capitale, la circulation très comprimée, les routes trop étroites, les contrôleurs sont parfois obligé de « ramasser en route » une expression qui explique le fait de ne pas s’arrêter aux arrêts appropriés et prendre les clients le long de la route.
En prenant une fille à un de ces arrêts, une BJ était juste derrière nous. Causant avec mon amie je vois une scène à la Jack Bauer ; des militaires descendant en cascade de leur BJ, arrêtent le bus sans demander quoi que ce soit embarquent le contrôleur l’enfournent sous leur pieds, sous cette BJ. Une scène susceptible de vous choquer ? Détendez-vous c’est monnaie courante ici au Congo.

 
Ces deux scènes que je viens de vous expliquer ne devraient normalement pas choquer des congolais, car habitué à ces scénarios à tout bout de champs.
Le congolais ne connaît pas son droit, d’où cette petite phrase « l’ignorance tue à petit feu.
On se contente de tout politiser et de se consoler en se disant qu’on ne peut rien faire, la police étant celle de la Présidence de la République.
Soyons à présent sérieux et analysons :

Un problème de mentalité

Vous ne pouvez pas organiser des formations avec pour principales cibles des jeunes qui n’ont plus aucune issue ; l’armée est la sécurité d’un peuple, l’armée rassure, elle n’est pas là pour terroriser. En allant dans les petits villages pêcher des jeunes qui n’ont certainement reçu aucune éducation, aucune formation, qui n’ont aucune notion du respect de droit ou de civilités revient à former des tueurs, des macho à la gâchette facile et surtout des Hommes qui croient être au centre du monde parce qu’ils ont une arme.

C’est quelque chose à prendre au sérieux, des dossiers à examiner parce que dans tout ce scénario, les répercussions directes sont subies par la pauvre population, oui nous le peuple.

Crédit: Dave Tendresse

Crédit: Dave Tendresse

L’armée ou la police de tous les droits

Très franchement, j’ignore ce qui se passe lors de ses formations, mais on a une armée qui se place au-dessus de la loi, une armée qui croit détenir tout pouvoir, en bref une armée de tous les droits, une armée qui croit qu’aucun Congolais n’a le droit de la dicter quoi que ce soit.
Une altercation avec un policier, un militaire n’est pas envisageable là où je vis, ils ont raison sur tout pour tout et contre tout.
D’où viendrait le tort chez un policier ? Quel droit à un civil de lui parler ou de hausser le ton ?

 
Oui je ne suis certainement pas ce chauffeur qu’on a embarqué, je ne suis certainement pas ce contrôleur qu’on a jeté sous un banc sale et crasseux mais je suis une fille de la patrie, je suis congolaise avant tout, je subie moi aussi les travers de cette société, je fais partie de ce système.
Mais le plus triste c’est le silence des gens biens, j’ai nommé mes compatriotes, ceux-là qui après avoir mangé un bout de pain croient avoir résolu tous les problèmes du Congo, croient que tout va bien. Ceux-là qui pensent que nous, oui nous qui pouvons manger du pain ou payer un bus n’avons pas le droit de parler parce que soit disant nous vivons bien et que la parole devrait être laissée à eux qui subissent directement les oppressions

mais seulement ont-ils les moyens qu’il faut ? La force qu’il faut ? Les mots adéquats ?

Si tout le monde ne parlait que de ce qui lui touche de près, qu’en sera-t-il de ces autres parties qui ne savent pas parler ? Qui parlera pour eux ?
J’ai choisi de prêter ma plume, mes mots à ceux-là qui n’ont plus assez de force, en espérant que quand je serai fatiguée d’autres personnes seront ma voix.
Quand on dénonce on est l’ennemi, voilà la logique des choses ici, pourtant la dénonciation quand elle est constructive ne peut qu’être bénéfique pour les deux parties, cette logique ne semble pas encore être comprise ici.
Je suis au Congo, l’armée est ce qu’elle est, elle est l’armée de tous les droits, tendez moi la main, j’ai osé tendre la mienne à ces jeunes sous les pieds, sous des ranges, je l’ai fait parce qu’ils ont des droits qui n’ont pas à être bafoués aussi tranquillement.

 
« On est au Congo » ne signifie pas être dans la jungle. Dans la société il existe des droits et des devoirs ; sachons les respecter, policiers autant que civils.

Dave

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Dress 4753 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine