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La vie imaginaire d’un chef d’entreprise suisse en 2017

Publié le 24 novembre 2016 par David Talerman
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La vie d'un chef d'entreprise en Suisse en 2017

Nous sommes fin 2017 : le Parlement suisse a élaboré il y a quelques mois une loi conforme aux attentes exprimées par la votation de février 2014 sur la limitation de l’immigration. La loi votée par le Parlement suisse a fait tomber les accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne.
Michel est à la tête d’une PME de 150 personnes spécialisée dans la fabrication d’appareillages médicaux de haute technicité dans le Jura bernois. La société génère 90% de son chiffre d’affaires à l’exportation. Ce matin il a un meeting avec Alain, son responsable RH pour le recrutement de 2 ingénieurs.
Aprèsavoir échangé sur le climat des affaires autour d’un café, les 2 hommes rentrent dans le vif du sujet. Le bureau d’étude et la chaîne de production se plaignent de problèmes répétés qui ne peuvent être réglés que par un spécialiste, et ils ont besoin de développer un nouveau produit pour une commande spéciale d’un gros client : en clair, ils ont besoin d’ingénieurs.

Le recrutement de talents devient très compliqué

Seulement voilà, le directeur RH est bien ennuyé : après la publication d’annonces sur JobUp.ch et LinkedIn, la pêche a été bien maigre : les rares candidats « locaux » à avoir répondu ne sont pas assez qualifiés pour le poste. Le recrutement d’un candidat étranger est envisagé mais il faut déposer un dossier à l’administration fédérale, justifier les problèmes de recrutement, et surtout, il faudra en tous les cas justifier de 6 mois de recherches infructueuses, et on aura la réponse de l’administration au mieux 4 mois après le dépôt du dossier. Il ne se passera donc rien pendant plusieurs mois de toute façon.
Et puis se pose le problème des quotas de permis : si on rate le 1er wagon, il faudra attendre un trimestre pour les nouveaux quotas.

Une nouvelle loi sur l’immigration qui profite surtout aux grosses structures

« Il faut dire que ce système profite surtout aux multinationales et grosses PME qui ont les moyens de se payer des avocats qui font les demandes de permis de travail et qui facturent à prix d’or. Nous, on ne peut pas. » Commente le DRH. Et puis il faut dire que les différentes votations en défaveur des étrangers ont clairement donné une image négative de la Suisse, ce qui fait qu’il est aujourd’hui beaucoup plus difficile qu’avant de recruter des talents, qui préfèrent des contrées où ils se sentent désirés et appréciés en tant qu’étranger.

Investir dans la formation des salariés : la seule issue possible

Autre possibilité avancée par le professionnel RH : investir dans la formation d’un des salariés de la société, mais il ne sera pas opérationnel avant plusieurs mois, avec bien sûr le risque de le voir partir à la concurrence. C’est aujourd’hui probablement la meilleure des solutions à envisager, et celle qui est probablement la pus pérenne.

Les taxes douanières et les formalités qui asphyxient les exportations

Une fois le meeting fini, Michel enchaîne une autre séance avec son chef des ventes. Les nouvelles ne sont pas bonnes ce matin : leur principal concurrent allemand vient de leur prendre un de leurs gros clients français : malgré des produits objectivement de meilleure qualité, le client, lassé par les difficultés douanières et les taxes liées à l’importation de produits suisses depuis la chute des accords bilatéraux, a décidé de tester un autre fournisseur de la zone euro. Pas forcément beaucoup moins chers mais beaucoup plus simple. Globalement, si les chiffres de ventes restent bons, et si la demande est bien là, la société de Michel ne peut pour autant pas y répondre de manière satisfaisante, faute de ressources.

L’implantation des entreprises suisse dans l’UE, solution pour limiter l’impact de la fin des accords bilatéraux

Au lunch, Michel mange avec Marc, son Chief Financial Officer. Selon Marc, la société est anormalement exposée au risque de change : pour remporter les appels d’offres de certains marchés étrangers, la société a dû accepter de prendre à son compte le risque de change et donc de facturer en euros, compte tenu de la cherté du franc suisse par rapport à l’euro et au dollar. Sur certains dossiers, elle s’est donc constitué un stock d’euros et de dollars, qu’elle doit changer. La création d’une filiale dans un pays de l’Union européenne est donc envisagée compte tenu des montants en jeu. C’est un gros investissement, mais cela va dans le sens de l’histoire et permettrait d’éviter une partie des problèmes induits par la fin des accords bilatéraux.

Le départ de certains centres de recherche a handicapé le pouvoir d’innovation des entreprises suisses

Juste après le lunch, Michel doit discuter avec la personne responsable de leur programme de recherche avec l’EPFL. La société à en effet demandé à une équipe d’élaborer un nouveau dispositif de recherche de micro-marquage sur puces. Pour qu’il soit totalement opérationnel, il faudrait développer davantage le programme de recherche, mais l’EPFL, depuis le départ massif de nombreux centres de recherches (sans les subventions de l’UE, les centres de recherche et les chercheurs ont dû s’exiler dans un pays de l’UE), n’a plus les moyens de suivre, et n’attire d’ailleurs plus franchement les meilleurs profils qui préfèrent partir aux États-Unis ou dans des pays d’Asie. Pour faire aboutir son programme de recherche, il va falloir batailler dur.

Une pénurie de main d’oeuvre qui a un effet négatif sur le personnel en place

A 17 heures, Michel a rendez-vous avec l’un de ces cadres, Étienne, qui a annoncé son départ. Il va tenter de comprendre ses motivation et tenter de le conserver, car Étienne est un élément important de l’équipe.
Après quelques échanges de courtoisie, Étienne est invité à rentrer dans le vif du sujet, et explique les raisons de son départ : trop de pression due à un manque d’effectifs (il manque dans son équipe au moins 15% d’effectif), et l’appel du pied d’un gros client pour le recruter à un meilleur salaire.
Apres un échange entre les deux hommes, Alain, le DRH, est invité à se joindre à la discussion. Michel explique clairement qu’il souhaite le conserver, et lui propose de basculer une partie des activités qui lui posent problème vers un autre collaborateur, pour l’alléger. Côté salaire, il ne peut pas faire grand chose en revanche. Étienne les remercie et promet de réfléchir et de revenir vers eux en début de semaine pour donner sa décision.

Au final, rien n’a vraiment changé, c’est juste un peu plus long, coûteux et compliqué

Le soir chez lui avec ses amis, Michel se laisse aller à quelques confidences : finalement, la fin des accords bilatéraux n’a pas changé grand chose, sa société s’en sortira de toute façon. C’est juste beaucoup plus compliqué pour le recrutement, plus long, et plus coûteux de manière générale puisque tant le recrutement que les différentes démarches administratives pour les exportations et les taxes douanières sont plus coûteuses.


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