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J'ai découvert la plume de : Wajdi Mouawad avec "Littoral"

Par Lesalondeslettres @Salon_Lettres

Partie 1 du cycle Le Sang des Promesses

J'ai découvert la plume de : Wajdi Mouawad avec

"LE CHEVALIER. Cours, Wilfrid, va, vole, suis ce chemin inusité qui conduit au gouffre, et saute ! Saute dans le gouffre ! Laisse les chemins, car tous les chemins mènent à la terre, le gouffre, seul, conduit au rêve. Saute, Wilfrid, saute !"

En apprenant la mort de son père inconnu, l'orphelin Wilfrid décide de lui offrir une sépulture dans son pays natal. Mais ce coin du monde est dévasté par les horreurs de la guerre, ses cimetières sont pleins, et les proches de cet homme rejettent sa dépouille. A travers les rencontres douloureuses qu'il fera à cette occasion, Wilfrid entreprend de retrouver le fondement même de son existence et de son identité.

Né au Liban, Wajdi Mouawad a vécu à Paris, puis longtemps à Montréal avant de revenir en France. Littoral est le premier volet de sa tétralogie Le Sang des promesses, cycle de théâtre tragique en mode majeur, largement accueillie à l'aube du XXIe siècle.


Je suis contente d'étendre ma culture avec la lecture d'un dramaturge libanais, le premier sans doute, et pas n'importe qui. En effet, le titre Littoral ne vous dit peut-être rien mais si je vous dit Incendies, peut-être que cela vous remémore cette pièce de théâtre dont on a beaucoup entendu parler. Je n'ai malheureusement pas vu la pièce mais j'ai eu des échos sur l'histoire car ce livre a souvent été au programme des classes de premières pour le baccalauréat de français. Je savais donc que le thème tourne autour de la parenté et que c'est une histoire violente.

Alors qu'il était très occupé - une occupation bien spécifique - Wilfrid apprend que son père est mort : "Dringallovenezvotrepèreestmort". C'est ainsi que démarre la pièce. La perte de cet être est l'élément phare du récit. J'ai cru au début que la pièce serait plutôt réaliste, mais le réalisme va vers le fantastique. Ainsi, un mort n'est pas toujours parti, un tué n'est pas forcément mort... La pièce part sur une base, la perte d'un père, mais le récit nous en apprend plus par la suite sur la relation entre Wilfrid et ce père.

J'ai été ravie par deux procédés utilisés dans le récit qui enrichissent considérablement la pièce : tout d'abord il y a un réalisateur et en lisant cette pièce de théâtre, on se retrouve alors sur un plateau de tournage - fictif. Ce procédé revient surtout au début de la pièce. Ensuite, Wilfrid se retrouve parfois devant un juge, ce qui est banal en soi, mais cela donne du charme au récit.

Récemment, j'en ai profité pour lire des pièces de théâtre, notamment d'auteurs inconnus, et j'ai été très déçue par la découverte des dramaturges John Fosse et Valère Novarina, entre autres. Pourtant, la donne a changé avec Wajdi Mouawad. J'ai trouvé de magnifiques éléments dans son écriture théâtrale, ce que je recherche avant tout. Vous savez, le petit effet qui fait toute la différence. Pour être précise, j'ai notamment aimé la scène 7 oùWilfrid est à la fois "dans deux bureaux et un magasin à la fois" dit la didascalie, ce que je trouve surprenant. Le rendu est superbe et donne toute la place à une mise en scène. Il y a également, scène 8, une confusion dans l'endroit où se trouvent les personnages. L'oncle Émile affirme être dans l'appartement de Wilfrid puis au salon funéraire, comme les autres. C'est très amusant comme situation, je n'avais vu cela auparavant. Pour enterrer son père, Wilfrid se rend dans un pays qui n'a pas de nom. Cela m'a donc davantage interpellé que si une localisation - fictive ou imaginaire - avait été précisément désigné. Il s'agit d'un pays sombre, en proie à une guerre et où les bombes fusent, où les soldats commettent les pires atrocités sur les civils et où les morts s'entassent. Il n'y a pas un habitant qui n'ait perdu quelqu'un.

Le ton est donc très particulier, avec un petit humour. Les personnages ont du répondant, ce que j'adore, comme dans cette réplique-ci :

"WILFRID. Mon père est mort, chevalier Guiromelan.
LE CHEVALIER. C'est une chose que tout bon père doit faire avant son fils."


Comme si la mort se décidait ! Il y aussi de nombreux gros mots (notamment au début de la pièce). J'ai accroché à l'écriture de la pièce. D'ailleurs, puisqu'il faut rendre à César ce qui est à César, Wajdi Mouawad partage l' idée originale de cette pièce avec Isabelle Leblanc, qui a imaginé et incarné sur scène le personnage de Simone.

Constamment attentive aux prénoms, j'ai pu remarquer une très grande diversité dans ceux qui ont été choisis. Choisi, en effet, pour porter un message : la mère de Wilfrid, Jeanne, est ainsi mariée à Ismail. Ce prénom de Wilfrid a résonné dans mes oreilles car je ne l'apprécie guère et cela est étonnant comme choix pour une pièce de théâtre. Ce prénom populaire ne correspond pas à l'image que j'avais de la pièce avant de la lire. Les oncles et tantes de Wilfrid portent tous d'anciens prénoms français : Michel, Marie, Émile, François, Lucie. Il y a des prénoms orientaux et atypiques, tels que Amé ou Sabbé, et le fameux personnage du Chevalier Guiromelan. Je suis satisfaite par ce choix de prénom - la prénominologie me passionnant.

=> En somme, une belle écriture théâtrale, une histoire sur la famille qui ne pouvait que me parler et qui ne peut que me donner envie de se plonger dans les autres pièces du cycle. Un dramaturge à suivre !

Cycle Le Sang des Promesses :

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