Magazine Séries

Eyewitness (2016) : la version américaine

Publié le 27 novembre 2016 par Jfcd @enseriestv

Eyewitness est une nouvelle série de 10 épisodes diffusée depuis la mi-octobre sur les ondes d’USA Network. L’action se déroule dans le petit village de Tivoli à proximité de New York alors que deux adolescents, Philip (Tyler Young) et Lukas (James Paxton) sont témoins d’un meurtre brutal impliquant des motards.  Seulement, ils n’osent divulguer ce qu’ils ont vu en raison du lien homosexuel qui les a réunis sur le lieu du crime. Pendant que l’enquête entre la police et le FBI avance à pas de tortues, l’un des survivants est justement à la recherche de ces témoins. Remake de la série norvégo-suédoise Øyevitne (diffusée sur Arte à l’automne 2015), Eyewitness a toutes les raisons de plaire au public de la chaîne : autant du côté de l’enquête que pour le volet personnel. Mais de là à se démarquer de ses contemporaines, pas tout à fait.

Eyewitness (2016) : la version américaine

La nuit/ le jour et jeu des comparaisons

L’adolescence est un passage qui peut s’avérer plus ardu pour certains, ce qui est le cas de Lukas et Philip. La mère de ce dernier est en cure de désintoxication et il est hébergé chez les Torrance : Gabe (Gil Bellows) et Helen (Julianne Nicholson) qui est aussi shérif de la ville. Si Philip assume depuis un bon bout de temps son homosexualité, il n’en est pas de même pour Lukas qui a une petite amie (Mercedes Morris) qu’il fait semblant d’aimer. Pour le moment, il vit seul avec son père Bo (Aidan Devine) que l’on soupçonne à juste titre d’être homophobe, d’où son entêtement à ne rien dévoiler à la police. Pendant ce temps, l’enquête continue pour Helen qui avec l’agente du FBI Kamilah Davis (Tattiawna Jones) ont dans leur mire Mithat Milonkovic (Alex Karziz), un baron de la drogue qui pourrait être relié au règlement de compte auquel ont assisté les adolescents. Mais pour le moment, ce que personne ne sait est que sa fille de 17 ans Bella (Katie Douglas) a un amant beaucoup plus vieux qu’elle : Ryan Kane (Warren Christie), lequel est le seul survivant et qui recherche Philip et Lukas. Par contre, c’est aussi lui qui est responsable de cette enquête menée par le FBI…

Dans le cas de la version européenne, tout comme dans l’américaine, on éprouve toujours le même scepticisme à l’égard de la prémisse. Certes, le fait que des témoins refusent de dire la vérité à la police pour une raison personnelle a quelque chose d’intéressant, mais dans ce cas-ci, il est difficile d’adhérer pleinement à la réticence de Lukas et de Philip à se confier à la police. Pourquoi ne pas tout simplement dire qu’ils prenaient une bière ensemble lorsque le drame est survenu au lieu de devoir avouer qu’ils éprouvent une attraction l’un envers l’autre ? En même temps, dans les trois premiers épisodes, on met davantage l’emphase sur les sentiments des deux jeunes hommes, alors qu’aux débuts de la version nordique, c’est comme si on évitait le sujet. C’est en effet tout à l’avantage du remake puisque ça contribue à donner beaucoup plus de profondeur aux protagonistes et malgré les sautes d’humeur quelque peu exagérées de Lukas, la découverte de son homosexualité dans une période aussi turbulente qu’est l’adolescence et qui plus est dans un milieu rural n’a quasiment jamais été abordé dans une série américaine.

Eyewitness (2016) : la version américaine

Dans la colonne des moins, on ne peut passer sous silence l’éclairage qui est la signature de la série d’origine et de son adaptation. Dans Øyevitne, les couleurs sont d’une intensité qu’il est difficile de ne pas remarquer. Tantôt on a le bleu qui domine l’écran, ce qui crée un effet très froid, mais on a aussi droit à d’autres compositions, notamment lorsqu’il fait nuit où c’est l’orangé et le brun qui dominent. En fait, toutes ces couleurs privilégiées évoquent la terre; la campagne ce qui en même temps accentue l’effet d’isolement. Dans Eyewitness, c’est le bleu opaque qui envahi tous les plans au point où ça frôle le ridicule puisque même la journée la plus ensoleillée a l’air faussement pluvieuse. Sinon, ce sont quelques personnages qui diffèrent de la première fiction à la seconde : Gabe et Helen par exemple arrivent aisément à la cheville de leurs pendants de la version nordique, tandis que Mithat dans le remake américain n’en impose pas du tout, ayant davantage l’air d’un petit escroc que d’un puissant chef respecté et craint.

L’utilité du remake

En règle générale, les remakes qui sont arrivés aux États-Unis ces dernières années n’ont pas trouvé preneur au sein de la population, que l’on pense à The Returned sur A&E (adaptation des Revenants de Canal+) ou à Gracepoint de Fox (Broadchurch, ITV). Dans les deux cas, c’est peut-être la recréation identique à la première qui pose problème (quelquefois plan par plan dans le cas de Fox). En effet, dans ce cas-ci, aussi bien se demander pourquoi ne tout simplement pas diffuser l’originale doublée ou sous-titrée (avec des audiences à la Sundance, il est vrai). Au contraire, les séries qui ont le mieux fonctionné comme Ugly Betty (ABC), Homeland (Showtime), House of Cards (Netflix) et même The Bridge (sur FX, du moins pour deux saisons), c’est que l’on a « américanisé » son contenu.

Eyewitness (2016) : la version américaine

Pour en revenir à Eyewitness, il faudrait la classer dans la première catégorie. Le peu de gens qui ont vu la version norvégo-suédoise n’auront certainement pas la motivation nécessaire de suivre le remake parce que justement trop similaire. Sur USA Network, on a beau nous offrir 10 épisodes au lieu de 6 dans la version originale, ce qui laisse présager des variantes, l’exemple de Broadchurch (8 ép.) / Gracepoint (10 ép.) en ce sens n’a rien de motivant.

Au moins le créateur de la série Adi Hasak a une vision à long terme quant à Eyewitness qui pourrait peut-être aller au-delà de sa création d’origine : transformer la série en anthologie. En effet, chaque saison mettrait en scène une nouvelle enquête avec de nouveaux témoins forcés de garder le silence sur le crime perpétré. Si dans le cas d’American Crime ou d’American Horror Story le concept semble fonctionner, il ne faut pas oublier non plus des exemples comme True Detective et Secrets & Lies où l’auditoire n’a tout simplement pas répondu à l’appel. Dans le cas d’Eyewitness, le premier épisode a intéressé 765 000 téléspectateurs en direct avec un taux de 0,2 chez les 18-49 ans et à la mi-saison, la moyenne est de 632 000 avec un taux cependant stable à 0,18. C’est une performance assez décevante pour USA Network et l’on doute que le projet d’Hasak se concrétise.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jfcd 558 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine