A chaque rencontre, chaque histoire aussi courte soit-elle, je laisse un peu de coeur, un peu de chair, un peu d'âme.
Le narrateur d'Une histoire d'amours raconte ses amours. Le pluriel n'est pas fortuit. Il a entre trente et quarante ans, et il a déjà de nombreuses amours à son compteur. Ce ne sont toutefois pas celles que vous croyez. Car ce n'est pas un homme couvert de femmes.
On l'a cru longtemps hétéro, parce qu'adolescent il traînait avec de belles filles qui lui confiaient leurs secrets: Elles et moi, on était déjà copines. Il snobait même les mecs, c'est tout dire. Parce qu'il lui manquait l'espèce de masculinité qu'ils avaient eux et qu'il leur enviait.
Un jour il a découvert le milieu gay. Il a pu enfin faire tout ce qu'il avait toujours voulu faire: j'ai toujours voulu plaire, j'ai toujours voulu du sexe, j'ai toujours voulu des émotions, j'ai toujours voulu tout. Aujourd'hui, ça lui est facilité par les applications de rencontre sur smartphone.
Il a beau faire, il tombe d'amour, un plan sur trois. Dans ces cas-là il lui est possible de construire par peur d'être seul, puis de déconstruire pour se retrouver seul, extrêmement seul. Comme il est possible d'effacer son profil sur une application, puis de la réactiver...
Parmi les êtres humains, qu'ils soient hétéros ou homos, il y a ceux qui sont voués à l'amour singulier et ceux qui le sont aux amours plurielles. Dans un cas comme dans l'autre, cependant, tout a toujours une fin et tout peut indéfiniment recommencer.
Ce qui est sûr, c'est qu'on est terrorisé d'admettre que ce qu'on veut vraiment, c'est aimer... N'est-ce pas mission impossible? Ne vaut-il pas mieux avoir de plus modestes ambitions, vouloir juste être bien et faire alors ce qu'il faut pour l'être, avec ou sans mesure?
Francis Richard
Une histoire d'amours, Mathieu Chevrier, 88 pages BSN Press
(Vernissage à Payot Lausanne le 1er décembre 2016)