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Quand des Blancs et des Noirs deviennent voisins

Publié le 29 avril 2013 par Kilorama

Une partie de l'avenir de " la nation arc-en-ciel " tant rêvée se joue sans doute là. Dans ces quartiers résidentiels qui bourgeonnent dans les banlieues des grandes villes sud-africaines et dont la population est désormais mixte.

La plupart du temps, ce sont des Noirs, nouveaux membres d'une classe moyenne en croissance, qui migrent des townships vers les banlieues plus riches et majoritairement blanches.

Mais il y a aussi des Blancs, des Indiens, des Métis, aux revenus modestes mais en quête de meilleurs conditions de logement, qui se retrouvent à vivre dans des nouveaux quartiers construits à proximité des banlieues noires. On y trouve des logements sociaux attribués gratuitement (RDP) et des petites maisons bon marché.

C'est le cas par exemple du complexe de Chief Mogale, près de Krugersdorp, au sud de Johannesburg dans lequel ont emménagé en 2011 quinze familles blanches. Au sud de Soweto, ce sont aussi dix-huit familles indiennes qui se sont installées dans le nouveau quartier majoritairement noire de Lehae.

Carreaux cassés et insultes

Depuis deux décennies, la politique sud-africaine du logement vise à corriger les inégalités héritées de la géographie ségrégationniste de l'apartheid (les Noirs en périphérie, les Blancs dans le centre). Mais le gouvernement n'a jamais explicitement requis un niveau de mixité dans ces nouveaux ensembles résidentiels.

Ce qui s'est passé à Chief Mogale et Lehae résulte d'initiatives particulières prises par les autorités locales. Les premiers effets de cette politique délibérée d'intégration " multiraciale " ont été décrits dans une étude qui a été publiée par la Fondation Ahmed Kathrada.

Les premiers jours des nouveaux venus n'ont pas forcément été facile. Une partie des habitants a accusé les Blancs et les Indiens d'avoir été privilégiés pour obtenir leur logement social, alors que d'autres Noirs qui vivent dans le township à proximité prennent leur mal en patience depuis plusieurs années.

A Lehae, des maisons d'Indiens ont eu les carreaux cassés. Leurs propriétaires étaient appelés des " makulas " (une insulte désignant les Indiens). Pour les Métis, c'était " maboesmans ". Mais au fil du temps, les invectives et le ressentiment ont disparu.

Quand des Blancs et des Noirs deviennent voisins
Les complexes résidentiels avec des appartements à prix modéré se multiplient autour des grandes villes sud-africaines

Ces quartiers deviennent-ils des îlots " arc-en-ciel " ? Le poids des habitudes liées notamment à la ségrégation raciale et spatiale de longue date entre les groupes est encore lourd. Les habitants vont le dimanche dans leurs églises, font leurs courses et sortent avec leurs amis dans les quartiers où ils vivaient précédemment.

Mais un sentiment de vivre ensemble commence à émerger. Il se construit par exemple sur des sujets d'inquiétude communs comme le crime. Lors d'un meeting de l'association du quartier chargée de faire des rondes en soirée, la majorité noire des participants à l'assemblée accepte de parler en anglais (et non dans une langue africaine) et il est décidé qu'il y aura deux Blancs parmi les cinq volontaires.

Les habitants blancs ont toutefois le sentiment de devoir faire plus d'efforts pour être acceptés. Certains d'entre eux s'engagent dans des activités associatives locales pour accélérer le processus d'intégration. D'autres décident même de prendre leur carte à l'ANC, le parti au pouvoir.

Chacun doit repenser son rapport à l'autre. Il se crée une " ouverture sans précédent ". " Ce qui a changé est que les revendications d'être un 'Afrikaner' ou d'être un 'Noir' ne signifient plus nécessairement des positions sociales antagonistes ".

La " liberté " pour mener sa propre vie

La population a des niveaux de revenus similaires, et entre voisins, on reconnait que l'on a partagé " la même lutte " : obtenir enfin un logement dans un lieu " propre ", " silencieux ", " sécurisé " et où l'on se sent " à la maison ".

La plupart des acquéreurs de logements dans les complexes résidentiels estiment y gagner " la liberté ". Intervenant fin janvier à l'Institut français d'Afrique du Sud ( IFAS) à Johannesburg, le chercheur Ivor Chipkin, qui a collaboré à cette étude, rappelait que " les jeunes Afrikaners quittent délibérément les quartiers ouvriers de leurs parents pour aller vers ces endroits plus 'modernes' " .

" Les jeunes Noirs regrettent quant à eux qu'il n'y ait pas dans ces lieux le même esprit de communauté et la même convivialité que dans le township, mais jamais ils n'y retourneront ! " raconte l' ancien étudiant de l'École normale supérieure.

" Là-bas, tout le monde regardait ce qu'ils achetaient, de membres de leurs familles au chômage venaient leur demander de l'aide et de l'argent [...] ces jeunes ne veulent pas couper les ponts avec leurs familles mais ils veulent renégocier ces obligations de solidarité pour pouvoir aussi mener leur propre vie ".


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