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16 août 1914 : ils partent tous !

Publié le 16 août 2014 par Billiskaya

C’est terrible. Dans mes amis, tous ou presque partent ou sont partis. On compte ceux qui appartiennent déjà à la grande famille des militaires comme Charles ( de Gaulle ) affecté comme lieutenant, chef de section au 33ème régiment d’infanterie qui quitte Arras pour la frontière belge – il est actuellement à Dinant, je crois –  ou Louis ( Ferdinand Destouches), maréchal des logis au 12ème régiment des cuirassiers de Rambouillet. Pour ces derniers, il n’y a guère de surprise, ils s’étaient préparés de longue date à l’épreuve du feu, à ce moment où leur condition de guerrier au service de la patrie  allait prendre tout son sens.

Mais il y a aussi les proches qui quittent tout pour rejoindre une institution qu’ils connaissent mal, pour aller vers un monde – celui de la poudre et des combats – que leur vie de civil ne leur laissait que peu entrevoir.

Mon autre ami Charles (Peguy) fait partie de ceux-là. D’un point de vue intellectuel, il a pensé à la guerre et a écrit sur elle. Je me rappelle encore cette phrase forte, pleine de dégoût pour ses anciens camarades socialistes, devenus pacifistes : « « En temps de guerre celui qui ne se rend pas est mon homme, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne et quel que soit son parti. Il ne se rend point. C’est tout ce qu’on lui demande. Et celui qui se rend est mon ennemi, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, et quel que soit son parti. Et je le hais d’autant plus, et je le méprise d’autant plus, que par le jeu des partis politiques il prétendait s’apparenter à moi ».

On ne peut dire pourtant que sa vie de libraire et de poète le met vraiment en situation d’appréhender la condition de soldat. Je vois encore le visage de Charles Peguy pâlir quand il a mis autour de son cou la chaîne portant sa plaque d’identité militaire, en métal blanc ; cette fameuse et affreuse plaque réglementaire toute froide portée à même la peau et destinée à l’identifier avec certitude s’il devait mourir.

Avant de partir au front, ils ont tous prévus de venir me saluer affectueusement. Je raconterai dans ce journal ces rencontres et la correspondance dont ils commencent à m’abreuver.

Il ne faut pas manquer de citer aussi les étourdis oublieux comme Paul ( Valéry). L’écrivain qui n’a pas produit depuis longtemps s’est fait transmettre en urgence son livret militaire par sa bonne alors qu’il prend ses vacances dans le sud. Il va découvrir qu’il s’inquiète pour rien et qu’il n’est pas immédiatement mobilisable (je viens de m’en assurer) !

Enfin, on peut aussi distinguer les «  éclopés », ceux dont la santé empêche un appel sous les drapeaux. Il y a Georges (Mandel), ami de Clemenceau comme moi et qui regrette d’être physiquement inapte et se voit donc réformé  ou Marcel (Proust), malade chronique, lui aussi incapable de prendre l’uniforme.

Ce dernier, toujours d’un optimisme riant, vient de m’envoyer une lettre, on ne peut plus alarmiste, sur les combats qui commencent. Il pense que des «  millions d’hommes vont être massacrés dans une guerre des mondes comparable à celle de Wells ».

Charles Peguy - à droite - en uniforme d'officier.

Charles Peguy – à droite – en uniforme d’officier.

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