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David Guttenfelder : « J’essaye de regarder la Corée du Nord dans les yeux »

Publié le 10 mars 2014 par Manstrau

Le photojournaliste David Guttenfelder travaille pour Associated Press (AP) en tant que responsable de la couverture photographique de l'agence sur le continent asiatique.

Après avoir gagné plusieurs prix au World Press Photo, il s'est également fait connaître en 2013 pour avoir publié de nombreuses images de la Corée du Nord sur son compte Instagram (@dguttenfelder).

Présent au festival South by Southwest à Austin (Texas), il est intervenu, dimanche 9 mars, dans une conférence intitulée Instagramming the news, consacrée à l'utilisation du réseau social comme outil de reportage. Il y a donné des précisions sur sa manière de travailler en Corée du Nord, pays où les journalistes étrangers sont, d'habitude, sévèrement contrôlés.

" Les autorités de la Corée du Nord contrôlent tout, elles idéalisent l'image de leur pays. J'essaye avec mon compte Instagram de combattre ça et de regarder le peuple nord-coréen directement dans les yeux. (...) Mon travail est assez simple : ouvrir une fenêtre sur un lieu dont les gens ne peuvent pas voir grand chose d'habitude. Je suis une des rares personnes à avoir la capacité de faire. " " Dans ce pays, on doit toujours avoir la permission pour écrire quoi que ce soit, ou pour faire une reportage. Ils ont leur idée sur la manière dont on doit rendre compte de la Corée du Nord dans les médias occidentaux. Mais cette censure ne s'applique pas à ce que je fais avec mon iPhone, sans que je sache vraiment pourquoi. Ce n'est pas un média traditionnel. Ils me laissent tranquille. "

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" J'ai été un photojournaliste toute ma vie, et j'ai toujours vu des moments " normaux " dont on ne rend pas compte habituellement dans les flux d'agences. Avant les smartphones, je ne prenais que très rarement ces moments en photo. " " En mars 2013, la Corée du Nord a ouvert la 3G. J'ai alors pu prendre mon smartphone (systématiquement confisqué à la frontière avant ça) pour prendre et poster des photos que je faisais dans la rue, de personnes que je voyais tous les jours, de moments dont je me disais qu'il fallait les immortaliser. Il y a toujours des petits moments banals, qui ne sont pas spectaculaires, mais qui sont des pièces du puzzle nord-coréen. "

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" Le smartphone me permet d'être discret et de capturer ces moments. Ça a révolutionné la manière dont je travaillais. Ma priorité reste les photos que je prends avec mon réflex pour AP. Mais mon smartphone est devenu mon deuxième boitier. Sur le terrain, je navigue entre les deux, et je dois choisir quel bon moment va avec quel appareil. " " La première fois où j'ai cherché à géolocaliser une photo, il n'y avait rien qui était mentionné sur la carte d'Instagram. J'ai en quelque sorte "découvert" de nombreux endroits en Corée du Nord pour la première fois, et leur ai donné des noms en anglais. On se sent comme des explorateurs qui placent pour la première fois des drapeaux sur une carte. " " Je voyais au départ mon compte comme un simple espace de publication de mes images, qui me permettait plus de liberté et de créativité que dans mon travail habituel. Je n'ai pas besoin d'attendre qu'elle soit publiée et validée par AP. C'est immédiatement en ligne, et je suis le seul à décider ce que je publie sur Instagram. " " Mais le plus intéressant pour moi, c'est la connexion immédiate avec les personnes qui se sont abonnées à mon compte [plus de 296 000 actuellement]. J'ai une visibilité énorme. Je ne m'attendais pas à ce que ça prenne cette dimension. Et c'est devenu la partie la plus importante de mon travail de photographe, grâce aux partages et aux dialogues que mes images créent chez les gens qui me suivent. "

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" Aujourd'hui, en comparaison avec toutes les personnes qui postent des photos de leur vie sur Instagram, les photojournalistes sont une minorité. Mais ce qu'ils font est très important. (...) Après le passage du typhon Haiyan aux Philippines, où je suis allé au moment de la catastrophe, on m'a demandé : " Pourquoi avoir posté des photos sur Instagram ? " " " La raison pour laquelle les photojournalistes sont sur le terrain quand il y a des catastrophes naturelles, c'est qu'il y a une urgence et un besoin de montrer la nature des dégâts au maximum de personnes. Des photos des lieux permettent d'évaluer s'il faut envoyer de l'aide, et quel type de mobilisation est nécessaire. " " Avec AP, la publication d'images de telles catastrophes dans le flux de l'agence est toujours très rapide. Mais avec Instagram, c'était encore plus rapide, et les réactions ont été encore plus immédiates. Quand j'ai publié des photos prises aux Philippines, il y a eu énormément d'habitants locaux qui ont commencé à me suivre et à commenter mes images, à parler entre eux. Beaucoup me remerciaient d'avoir quitté la Corée du Nord pour raconter ce qu'il se passait chez eux. "

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" Il y a eu notamment un moment où j'ai posté la photo d'un bébé en détresse, en expliquant qu'il allait avoir besoin d'oxygène pour survivre, ce qui était compliqué car il n'y avait plus d'électricité. Énormément de personnes ont répondu dans les commentaires, et se sont organisés pour faire parvenir un générateur sur place le lendemain matin. Il y a eu beaucoup de compassion. Mais malheureusement, il était trop tard. " Signaler ce contenu comme inapproprié

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