Depuis jeudi et la décision du Conseil d’Etat de maintenir l’interdiction du spectacle nantais de Dieudonné, des dizaines de milliers d’internautes ont consulté l’article « Arno Klarsfeld a été nommé au Conseil d’Etat ». Alors que cet article, publié en 2010, est vieux de plus de trois ans, il a été pendant plusieurs heures un des articles les plus lus sur Le Monde.fr.
Pour un site d’info en continu, il est très inhabituel qu’un article aussi ancien soit aussi populaire. D’où viennent toutes ces visites ? 8 nouveaux lecteurs sur 10 ont été amenés à lire cet article via un lien posté sur les réseaux sociaux, le reste provenant de posts et d’articles sur des forums ainsi que sur des sites proches de l’extrême-droite.
Pour en savoir plus sur la question, voici l’article du Monde sur le sujet: http://t.co/7JkJLrFmYo
— LesIndignésDuPAF (@IndignEsDuPAF) January 9, 2014
Ces derniers reprochent au Conseil d’Etat sa partialité dans le traitement du litige entre l’humoriste et le préfet de Loire-Atlantique. En effet, M. Klarsfeld est un opposant déclaré de Dieudonné. Jeudi encore, il se félicitait sur i>Télé de l’ordonnance du Conseil confirmant l’annulation du spectacle.
Arno Klarsfeld a-t-il eu son mot à dire dans l’affaire Dieudonné ?
Rappelons d’abord comment M. Klarsfeld a été nommé au sein de plus haute juridiction administrative française. Les conseillers d’Etat sont un corps de fonctionnaires dans lequel il est possible d’entrer par deux principaux biais : l’Ecole nationale d’administration (ENA), à condition de figurer dans les mieux classés à la sortie des deux ans d’étude, et le « tour extérieur », qui permet au gouvernement de nommer des personnalités qualifiées ou des membres de l’administration. C’est par ce biais qu’Arno Klarsfeld, avocat de profession, a été nommé en conseil des ministres le 27 octobre 2010 – sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Arno Klarsfeld exerce actuellement au sein de la septième sous-section du contentieux (la partie du Conseil d’Etat qui traite des litiges).
Parmi les litiges, les audiences en référé, comme celle qu’a tenu le Conseil d’Etat le 9 janvier sur le spectacle de Dieudonné, sont un peu particulières. Elles sont présidées par un juge unique (article L523-1 du Code de justice administrative), choisi en fonction des disponibilités parmi un « pool » de 10 juges au sein du Conseil. Arno Klarsfeld ne s’est pas prononcé sur le cas Dieudonné, précise-t-on au sein de la haute juridiction : « ça n’aurait pas pu se produire » précise-t-on même, puisqu’Arno Klarsfeld ne fait tout simplement pas partie de cette équipe.
La formation du Conseil d’Etat en référé – Conseil d’Etat
Quand bien même le Conseil devait se prononcer sur le fond (et non sur la forme comme c’est le cas dans une audience de référé) sur l’affaire Dieudonné, et donc en formation collégiale, avec plusieurs juges issus des différentes sous-section du contentieux, M. Klarsfeld ne pourrait toujours pas siéger. En raison d’abord des règles de déontologie internes, dites « de déport », qui empêchent de siéger les membres du Conseil ayant un intérêt dans une affaire, ici une préférence exprimée dans les médias. Deuxièmement, parce qu’en formation collégiale, les parties (et donc, éventuellement, celle de Dieudonné) peuvent demander à un magistrat siégeant de se retirer.
Il n’en reste pas moins que le magistrat qui a signé l’ordonnance confirmant l’annulation du spectacle de Dieudonné, arrière-petit-fils de Alfred Dreyfus, est violemment critiqué sur les réseaux sociaux, et notamment sur la page Facebook de Dieudonné, parfois bien loin des limites de la loi, où il fait l’objet d’insultes antisémites.