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Le monde merveilleux de la « mobilité connectée »

Publié le 30 octobre 2016 par Jef06

Le monde merveilleux de la « mobilité connectée »Tout le monde a un smartphone. Tout le monde l’utilise pour se déplacer. D’ailleurs, tout le monde a téléchargé les dizaines d’applications miraculeuses visant à optimiser son trajet, qu’on soit en train, en bus, en voiture, à vélo ou à pied. Bien entendu, les smartphones ne sont jamais déchargés, et le réseau toujours excellent.

Le monde merveilleux de la « mobilité connectée » est vanté à longueur de journée, sur les réseaux et en ligne, par les créateurs d’applications, les services de marketing et des agences de publicité. L’hyperconnexion, remède magique à tous les maux des voyageurs du quotidien ?

Le monde merveilleux de la « mobilité connectée »
Idées reçues. La réalité est beaucoup moins flamboyante, comme le montre « l’Observatoire des mobilités digitales », publié début octobre par Netexplo, consultant en numérique, et Keolis, opérateur de transports publics. Ces deux entreprises ont demandé à TNS Sofres d’interroger 2700 personnes de 13 à 85 ans, « par envoi postal afin d’éviter le biais d’une enquête exclusivement online ».

Résultat : en matière de connexion, « il existe beaucoup de certitudes et d’idées reçues », observe Frédéric Baverez, directeur exécutif de Keolis pour la France. Lorsqu’on évoque la « fracture numérique », on oppose inévitablement des jeunes urbains surinformés à des ruraux âgés et déconnectés. Or, la palette des usages est beaucoup plus large.

A partir des réponses des sondés concernant leur rapport au numérique et leur manière de se déplacer, les enquêteurs ont construit trois grandes catégories sociologiques : les « digi’mobiles » (31%), les « connectés » (39%) et les « offlines » (30%), chacun des trois groupes étant divisé en deux masses de taille inégale (les résultats complets ici). Chacun s’amusera à se reconnaître, ou à identifier des proches. Mais on constatera surtout que les solutions miraculeuses de « mobilité connectée » ne s’adressent qu’à une petite minorité de la population.

Le monde merveilleux de la « mobilité connectée »
Les « digi’mobiles » (31%). Ils sont « suréquipés en numérique et grands utilisateurs du Web mobile », mais certains encore davantage que d’autres. Les « autonomes » (21%), actifs et bien intégrés dans la société, sont « toujours en recherche de performance et de rapidité », souligne Éric Chareyron, directeur de la prospective de Keolis. En revanche, ils se montrent « peu utilisateurs des transports publics, très attachés à leur voiture ».

Les « hyperactifs » (10%) montent à l’inverse volontiers dans les tramways, les bus et même les autocars interurbains, les fameux « cars Macron ». « On trouve parmi eux beaucoup d’étudiants, et la moitié vivent en Ile-de-France », précise Éric Chareyron. Ils utilisent massivement les fameuses applis d’aide au transport. Et contre toute attente, 29% d’entre eux ont plus de 50 ans et même 14% plus de 60 ans.

Le monde merveilleux de la « mobilité connectée »
Les « connectés » (39%). Ils disposent bien sûr d’un abonnement à Internet et souvent d’un smartphone, mais leur rapport à la toile demeure purement fonctionnel. Parmi eux, les « suiveurs » (14%), utilisateurs réguliers des transports publics, se sont équipés « avec un retard de 2 à 5 ans après les digi-mobiles et éprouvent une peur de déclassement technologique ».

Quant aux « web-assis » (25%), ils « ont bien intégré le Web, mais à domicile », indique le directeur de la prospective de Keolis. S’ils possèdent un smartphone, ils se méfient des « digital gadgets », se tiennent à l’écart des réseaux sociaux et n’ont téléchargé aucune application. Leur mobilité est souvent contrainte, ils ne disposent pas, là où ils vivent, d’une bonne desserte en transports publics et « sont peu ouverts au changement ».

Le monde merveilleux de la « mobilité connectée »
Les « offlines » (30%). Peu équipés et peu utilisateurs d’Internet, ils se déplacent peu, et seulement en cas de nécessité. Parmi eux, les « isolés » (20%) habitent des villes moyennes ou des territoires ruraux, affichent des revenus modestes et ont peu l’occasion d’emprunter les transports en commun. On notera que 15% d’entre eux ont moins de 24 ans. Les fragiles (10%) « connaissent de vraies difficultés », souligne Éric Chareyron. Leur équipement se résume au « 1.0 » et ils n’utilisent même pas le GPS.

Au fond, seule la catégorie des « hyperactifs » correspond parfaitement à la clientèle rêvée des concepteurs des applications mobiles, qu’elles soient déployées par des inévitables « start-ups innovantes », les collectivités ou les transporteurs eux-mêmes. Mais ils ne représentent que 10% de la population.

Sur ce thème: En France, 8 millions de pauvres peinent à se déplacer quotidiennement (juillet 2014)

Confusion gauche-droite. Les autres, lorsqu’ils prennent un train, montent dans un bus ou réservent un vélo en libre-service, tâtonnent plus ou moins entre des instructions déchiffrées sur place, des horaires récupérés en ligne et les explications des agents. On les voit hésiter devant un distributeur de billets de train, craignant de se tromper en touchant malencontreusement de leur doigt un écran indocile.

Face à ces embarras, Keolis plaide pour la multiplication des canaux de communication. « Un mobilier urbain intelligent, un environnement bavard, de simples bornes indiquant combien de minutes on va attendre le prochain bus », détaille Éric Chareyron. Même la multiplication des smartphones ou l’amélioration des réseaux mobiles ne changera rien à certains réflexes. « Une personne sur deux confond sa droite et sa gauche dans un endroit qu’elle ne connaît pas », note le responsable.

Le monde merveilleux de la « mobilité connectée »
Olivier Razemon,  sur Twitter, Facebook et Instagram.

Chiffres, sondages et enquêtes:

Les transports publics, un remède contre le stress (octobre 2014)

Les chiffres qui expliquent pourquoi Uber cartonne (septembre 2015)

Les transports à Paris en 20 chiffres (février 2016)

Making of : une première version de cet article a été publiée dans le fil de l’agence DSI, destinée aux journaux d’annonces légales.

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