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La surfeuse Johanne Defay vise toujours plus haut

Publié le 10 juillet 2016 par Jfa

Après sa victoire au Fiji Pro, la Réunionnaise affiche confiance et détermination pour la suite du championnat du monde de surf. En exclusivité pour Libres glisses, celle qui défendra son titre au Van US Open (du 25 au 31 juillet) analyse, avec son coach Simon Paillard, son parcours à Cloudbreak et livre ses objectifs pour la seconde partie de saison. Sincère, sans langue de bois.

©Instagram @johannedefay

©Instagram @johannedefay


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Un message de Johanne s’affiche sur Skype : “On vient de finir l’entraînement. Tu es là encore ? J’ai le temps de passer à la douche ?” Vingt minutes plus tard, la liaison vidéo est établie, pour un entretien qui durera à peine moins d’une heure. Car, malgré un programme chargé, Johanne Defay et Simon Paillard, son coach physique et mental, ne sont pas avares de leur temps. Et c’est tant mieux pour nous !

“Je l’avais déjà dit l’année dernière : si je dois gagner une étape, j’aimerais que ce soit la France… et Fidji”, jubile la Réunionnaise. Objectif atteint dans l’archipel perdu au beau milieu du Pacifique, qui vient d’accueillir sur le spot de Cloudbreak la 5e manche du championnat du monde de surf, considérée comme une des plus belles du circuit professionnel. “Cet événement a un petit goût spécial : avec les filles, on est sur la même île, avec peu de public et des vagues incroyables. Je suis vraiment contente de l’avoir remporté !” Un titre obtenu avec la manière, avec un total de 17,10. C’est qu’on la croirait chez elle à Cloudbreak. Cette gauche de récif qui, selon certains, aurait des airs de Saint-Leu, à la Réunion. “Ce n’est pas vraiment le cas, tranche Johanne, et de toute façon je n’y ai pas surfé depuis un an et demi [la sécurité anti-requin n’est pas encore mise en place à cet endroit de l’île]. Mais j’ai l’habitude de surfer ce type de vague.”

Johanne Defay n'a pas tremblé sur la vague de Cloudbeak, aux Fidji. © WSL/Ed Sloane

Johanne Defay n’a pas tremblé sur la vague de Cloudbeak, aux Fidji. © WSL/Ed Sloane

Il aura quand même fallu passer par les deux tours de repêchage avant de rafler le titre au nez de la championne du monde en titre, l’Hawaïenne Carissa Moore. Johanne l’avoue elle-même : “Clairement, quand on regarde mes séries à trois surfeuses [les tours 1 et 3, non éliminatoires], je ne suis pas toujours bien placée, je n’ai pas forcément les bombes et ça fait tout de suite la différence” Manque de concentration ? excès de stress ? “Les 1er et 2e jours de compétition ont été un peu stressants, concède-t-elle. On n’a pas vraiment pu s’entraîner sur le spot dans les mêmes conditions qu’on a eues pendant la compétition. J’ai mis deux jours à me réapproprier Cloudbreak…” Pour coach Simon, passer par les tours de repêchage n’a pas désavantagé Johanne, au contraire. “Grâce à ça, elle a pu surfer dans toutes les conditions, ce que n’a pas pu faire Carissa, qui n’a surfé qu’un tour sur deux. Ça lui a aussi permis d’affiner sa stratégie. En finale, elle savait ce qu’elle avait à faire.” Il marque une pause avant d’avancer une autre explication. “Johanne fonctionne mieux quand elle est sous pression. Souvent elle attaque les séries à trois un peu à la coule Par contre, quand elle est en woman on woman, elle est quasi imbattable sur une vague comme celle de Cloudbreak. On a senti au fil des tours qu’elle montait en puissance.” On vous laisse juger par vous-mêmes. 


Dans la dernière édition du « Surftalk », sur la chaîne SFR Sport 3, la voix française du championnat du monde de surf Franck Lacaze, avec ses analyses pointues d’ancien surfeur pro et ses savoureux commentaires, ainsi que Nicolas Deuil reviennent sur l’étape des Fidji. © SFR Sport Xtreme


OBJECTIF TOP 5

Le titre de reine de Fidji appartient déjà au passé, il est hors de question de se reposer sur ses lauriers. Passée la célébration de la victoire, c’est l’heure du retour à la maison et de songer à redescendre de son petit nuage. “Il a fallu qu’on recadre un peu les choses, constate Simon. C’était important de fêter son titre, mais cette victoire, ce n’est qu’une étape et notre objectif est ailleurs. Pour commencer, il y a un titre à défendre à Huntington [La Réunionnaise y a signé sa première victoire sur le circuit pro].” Une situation à laquelle la Réunionnaise est confrontée pour la première fois à ce niveau. Johanne semble pourtant aborder cette étape avec sérénité. “Je ne pense pas que ça me stressera. On sait toutes que ce n’est pas parce que tu as gagné une fois que tu vas gagner deux fois. Je m’attends à ce que les filles se méfient de moi et qu’elles mettent des stratégies en place.” Qu’importe : “Quoi qu’il arrive, je donnerai tout !”

Johanne Defay célèbre la première victoire sur le circuit mondial. © WSL/Rowland

Johanne Defay célèbre sa première victoire sur le circuit mondial. © WSL/Rowland

Johanne Defay a déjà atteint la première étape de son objectif annoncé (elle occupe la 5e place), mais elle tient à garder la tête froide. “Oui, j’ai fait un bon début de saison, le meilleur [depuis qu’elle a accédé à l’élite du surf mondial], mais l’objectif final n’est pas encore validé, il faut continuer sur cette lancée.” Se maintenir dans le top 5 est, pour son coach, un minimum qui requiert de ne pas relâcher ses efforts : “L’année dernière, on est complètement passés à côté après Huntington Beach [Vans US Open of Surfing, en Californie]. Elle était 6e et on n’a pas réussi à conserver ce rang-là [Elle avait terminé 8e à la fin de la saison]. C’est une erreur qu’on ne veut pas refaire cette année.” Johanne Defay n’a pas non plus oublié sa seconde moitié de saison 2015 et laisse parler toute sa détermination. “Il faut que je sois dans les quarts de finale à chaque événement et je dois viser toujours plus haut.” Une position que rejoint Simon, qui n’a aucune intention de modifier la stratégie qu’ils ont mise en place. “On n’est pas là pour le podium ou le titre mondial. Il n’est pas question de changer d’orientation en cours de route.”

ENGAGEMENT, AMPLITUDE, VITESSE

Pour remplir le contrat en fin de saison, il lui faudra encore élever son niveau de surf. “Aujourd’hui, les juges sont séduits par ce qu’elle propose, constate Simon, mais il faut qu’elle continue d’évoluer.” A tous les niveaux. “Sur les manœuvres basiques pour commencer, un bottom encore plus fluide, des prises de rail plus engagées, plus d’amplitude sur des petites vagues, de vitesse.” Un travail de préparation auquel s’attachent la surfeuse et son coach à l’aide des vidéos, notamment. “En regardant les images d’Huntington de l’année dernière, on a vu qu’il y avait des vagues sur lesquelles elle aurait pu être mieux notée.” Et elle sait que les juges apprécient la prise de risques que représentent les manœuvres innovantes. On l’avait déjà vue replaquer un “club-sandwich”, une première en compétition de l’élite féminine, elle ne compte pas s’arrêter là. “Les vagues à venir sont des beachbreaks, dans lesquels il va falloir que je sois réactive, plus explosive, que je me crée des occasions. Je travaille pas mal le blow tail, le reverse, le lay back. Sur une vague pourrie comme à Huntington, au final, si tu fais quelque chose qui sort de l’ordinaire, ça peut bien payer. Surtout que c’est encore rare en surf féminin.” Une volonté de sortir de sa zone de confort qu’approuve Simon – “Moi, je suis pour le changement, je n’aime pas du tout qu’elle reste dans ce qu’elle sait faire” – et qui sera utile pour atteindre l’objectif à la fin de la saison : le top 5.

A l'entraînement, c'est le moment de sortir de sa zone de confort, sous l’œil attention de coach Simon. © Instagram @johannedefay

A l’entraînement, c’est le moment de sortir de sa zone de confort, sous l’œil attentif de coach Simon. © Instagram @johannedefay

La préparation mentale est un autre ingrédient incontournable de la réussite. Car, si Johanne ne perd pas de vue son objectif, “parfois c’est dur d’aller tous les jours à l’entraînement, explique Simon. En ce moment, par exemple, on n’a pas les meilleures vagues, parfois on va à l’eau pour surfer des vagues de 30 cm. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’à Huntington la compétition peut être lancée même s’il n’y a pas de vagues. Donc, elle peut être confrontée à des vagues pourries. Voilà ce à quoi elle doit penser quand on va à l’entraînement et qu’il n’y a pas de vagues.” Car la préparation mentale en est un ingrédient incontournable de la réussite. Depuis trois ans qu’ils travaillent sur le sujet, Johanne et Simon sont rodés. “Les bases de la préparation mentale, elle les connaît, explique Simon. Et on continue au quotidien : on parle de la compétition, des objectifs, de son comportement, de son attitude… La bonne attitude, c’est ce qui fait qu’elle gagnera. Chaque jour à l’entraînement, elle construit sa prochaine victoire.” Coach Simon, lui, analyse et décortique sans relâche les moindres mouvements de la surfeuse : “Ce qui m’intéresse, c’est la biomécanique de l’activité. La position du bassin, celle des pieds, la flexion des jambes, l’amplitude qu’on va retrouver dans les bras, l’orientation de la ligne des épaules par rapport à la ligne du bassin…” Il consacre beaucoup de temps non seulement à visionner des vidéos, mais aussi à dialoguer avec son athlète. “Je suis attentif à ce que va me dire Johanne. Moi, j’ai les questions, elle les réponses. A partir de là, on va construire une image mentale, par exemple pour travailler des nouvelles figures, qu’elle va s’approprier, pour la restituer sur l’eau.”

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« On sait qu’on a de la chance de vivre dans un cadre incroyable. Et on l’exploite à fond. » © Instagram @johannedefay

UN NOUVEAU PARTENARIAT

Travailler, tous les jours, sans relâche. Le quotidien de Johanne et Simon est bien rempli, et le repos est rare, entre les séances de crossfit, les exercices de proprioception, à quoi s’ajoute la pratique du VTT et de la course à pied, du skate sans oublier, bien sûr, les sessions de surf. Et quand les vagues sont inexistantes, la planche de Johanne se retrouve… dans la piscine. “On l’attache et on alterne phases de rame, de sprint, en variant le rythme. On ajoute des temps d’apnée pour essayer de mettre l’organisme dans la même situation de stress que lors d’une série un peu engagée.” Bienvenue au royaume de la débrouille. Car contourner les problèmes, ils savent faire. Sans sponsor majeur, Johanne avait été contrainte de lancer une campagne de crowdfunding pour financer sa saison 2015. L’industrie du surf ne semble toujours pas avoir trouvé le moyen d’aider Johanne, et ce en dépit de résultats faisant d’elle la meilleure surfeuse française de l’histoire de l’élite féminine. Heureusement, plusieurs marques d’autres secteurs ont placé leur confiance en elle. Un nouveau partenariat a été officialisé le 9 juillet, et c’est Superdry dont le nom a été dévoilé. Un partenariat “à taille humaine” qui leur correspond. “Il n’y a pas que le chèque, il y a aussi les relations qu’on entretient avec les partenaires”, justifie coach Paillard.

La Réunionnaise est devenue l'ambassadrice de la gamme surfwear de Superdry. © Imaz press Réunion

La Réunionnaise est devenue l’ambassadrice de la gamme surfwear de Superdry. © Imaz press Réunion

Johanne et Simon, avec l’aide de leur entourage et des partenaires, mettent toutes les chances de leur côté pour atteindre un jour le sommet. La machine est en marche. Johanne se familiarise avec son tout nouveau statut de championne citée en exemple par les jeunes générations de surfeuses, apprend à gérer les nombreuses sollicitations dues à sa popularité grandissante. Sans jamais s’éloigner du chemin qu’elle s’est tracé. Quant à Simon, il ne laisse pas de place au doute : “Pour la seconde partie de la saison, elle sera là pour en mettre plein les yeux !” A coups de reverse ? On en salive d’avance.


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