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De Rio à Pompadour, une semaine à cheval

Par Trottoirbleu
L'équipe de France concours complet médaillée à Rio.

L’équipe de France de concours complet médaillée à Rio.

La précipitation des événements est telle dans la retransmission des J0 de Rio que le service public de télévision semble lui-même courir pour un record : celui de la tranche de sport par minute. De ce fait, miracle, on virevolte d’une discipline l’autre. Après une première et fatigante semaine de chasse à la médaille tricolore dans tous les recoins du programme, il eut été impossible, à ce rythme, de suivre le concours complet d’équitation qui, se déroulant sur trois épreuves, trois jours et de longues séquences, n’aurait supposément pas tenu en alerte le téléspectateur devant son poste. On lui préféra une réalisation tout en changements incessants de disciplines, de cadres et force écrans subdivisés. Or, le suspens fut total, et c’est Equidia, la chaîne du cheval financée par le PMU, qui retransmit en clair l’intégralité de la performance de l’équipe des cavaliers français qui se saisit de la première breloque en or. Ce succès obtenu grâce à la régularité des Français a été marqué par un cross tout à fait original, long, difficile, curieux, spectaculaire, avec des obstacles étroits et des angles vicieux, et méritait bien un après-midi d’attention, puisque, jusqu’à la clôture du concours de saut d’obstacle, rien n’était joué.

L’équitation française, dont l’école est vantée dans le monde entier non sans raison, mais rarement promue au rang de sport national en dépit d’un nombre de licenciés important (la FFE est la 3e fédération sportive derrière le football et le tennis), rappelle ici l’importance d’un secteur contraint à un entre soi au fil du désintérêt progressif manifesté par l’État envers la filière équine. On citera la dissolution des Haras nationaux en 2010, qui eut pour conséquence une hausse importante du prix des saillies ou encore, pour se conformer, sans lutter, aux vœux de la Commission européenne, le passage en 2014 d’un taux de TVA de 7 à 20 %, au prétexte qu’un cheval monté ou destiné à la reproduction ne peut être considéré comme un produit agricole. Ce qui compliquait la vie des centres équestres moins que celle de l’élite, mais enfin… Privé de son cœur de métier (l’élevage et la préservation des races), l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), administration avatar des Haras dont l’ensemble des missions se borne désormais à du conseil, des aides techniques ponctuelles, et à l’enregistrement des papiers des équidés, a appris début 2016 que la Cour des Comptes a préconisé sa suppression cette année après n’avoir, je cite, atteint « aucun de ses objectifs ». Cette formule lapidaire sous-entendait que la transition de ses activités du public vers le privé a coûté davantage d’argent que prévu, en lieu des économies escomptées sur les personnels et sur l’entretien des sites qui se vendent difficilement. Soit un déficit cumulé de 27 millions d’euros de déficit contre 50 millions de subventions pour « accompagner » la filière. Que Qing du Briot, cheval médaillé monté par Thibaut Valette, appartienne à l’IFCE n’y change rien.

Unité de lieu et de temps : pas un mot sur l’IFCE n’a été prononcé par François Hollande le 11 août lors de sa visite à Pompadour (Corrèze), ladite « Cité du cheval », pour l’inauguration d’un luxueux complexe hôtelier, sur le site de l’ancien Club Méd fermé en 2014, juste à côté des bureaux de la direction générale de ce qui reste des Haras nationaux. L’Étoile de Pompadour, c’est son nom, devrait faire la part belle à l’équitation de haut-niveau sous l’impulsion de Najih Najem, homme d’affaire chrétien libanais. La famille Najem, dont un des enfants est cavalier, avait déjà acquis pour 750 000 euros la Jumenterie nationale de La Rivière et des terres attenantes du Domaine de Pompadour pour y installer ses chevaux, après l’échec de la reprise de l’activité de la Jumenterie par un étalonneur privé*. Pressés de vendre ce pan d’histoire de l’élevage français (certains des bâtiments sont classés et à restaurer), rappelons-le, berceau de la race Anglo-Arabe, l’administration et les élus locaux ont trouvé à peu de frais l’occasion d’attirer vers le vieux Club Méd qui ne trouvait pas preneur cet investisseur providentiel, dont la fortune a été acquise dans le BTP et la vente de marbre, notamment dans les monarchies du Golfe persique. Ainsi, doté d’un manège olympique rénové, de boxes, le nouveau propriétaire se fait fort d’installer dans l’ancien centre de vacances populaire, qui a participé à la démocratisation de l’équitation depuis les années 1970, une Académie équestre internationale et a même invité l’équipe de France olympique (qui connaît déjà Pompadour pour y concourir) à y séjourner, voire le Président à y organiser des rencontres politiques internationales. À quelques kilomètres de là, le château de la Marquise de Pompadour et les vastes prés de Chignac, toujours propriété de l’État, collectionnent, eux de très belles pierres fendues et boxes où résonne l’histoire des hommes de chevaux qui les ont habités. Et les huit sabots des deux barbes offerts par Abdelaziz Bouteflika à la République française plus quelques autres pensionnaires moins huppés.

Hippodrome de Pompadour.

Hippodrome de Pompadour.

Ces boxes vides la majeure partie de l’année sont loués épisodiquement, comme ce week-end, avec un CSO (amateur et Pro 1) organisé par la Société de concours hippique de Pompadour. Face aux remparts du château s’étend, magnifiquement vert, l’hippodrome de style anglais dessiné sur un relief naturel pour l’obstacle. Loué lui aussi à l’IFCE par la Société des courses de Pompadour, il est le lieu, également ce week-end, les 14 et 15 août, de deux jours de courses avec, notamment, l’épreuve phare de l’année : le Grand cross country du 15 août. Reconnue par les spécialistes d’une rare technicité, cette course implique les meilleurs jockeys et entraîneurs d’obstacle. Pour l’instant, l’IFCE ne s’est pas résolu à choisir entre le statu quo et une énergique valorisation de l’existant, un décor unique sous-exploité, qui constituerait, tant pour l’hippodrome que pour la carrière de dressage ou la piste de concours hippique, un complément essentiel à la reconstitution du patrimoine vivant de Pompadour. Ce site est le seul avec Saumur (qui abrite l’École nationale d’équitation) à vouloir être conservé par les Haras nationaux, qui à Pompadour ne font que de la gestion. Difficile de prévoir les intentions de cet Institut, aux moyens financiers et humains limités. Une option de développement pourrait être la redéfinition de l’hippodrome comme centre d’entraînement durant l’année, à condition de faciliter l’arrivée de nouveaux entraîneurs, de propriétaires, de mettre à disposition les superbes écuries du Puy Marmont (début du XIXe) et celles du château, proches du champ de course. La Société des courses de Pompadour parvient à organiser une dizaine de réunions par an en été et la région mériterait que l’on mette en adéquation l’ensemble des sites conçus pour le cheval avec son intense activité passée. Avis aux amateurs…

Olivier Villepreux

* Consulter également :

http://abonnes.lemonde.fr/equitation/article/2015/01/08/le-royaume-englouti-de-l-anglo-arabie_4552007_1616658.html

http://www.lescourseshippiquesregionalessudouest.com/hippodromes/pompadour/2016

http://www.pompadour-equestre.com/


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