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Euro 2016. Le football, c’est comme l’amour

Par Trottoirbleu

Dans un couple, pour que l’histoire soit belle, il faut un équilibre. Des connivences, mais aussi des goûts et des styles différents, pour apprendre de l’autre et que l’autre apprenne de soi. Une relation déséquilibrée, de type complexes contre assurance, ne donne jamais une véritable histoire d’amour, pas plus qu’une fusion. Sans doute peut-il y avoir du désir, y compris dans les disputes, de l’excitation même pour celui qui se sent le moins aimé dans sa recherche à vouloir se donner raison, et sans doute des moments de panique ou de lassitude (les deux sont une faiblesse) pour celui qui aime moins, survolant la relation quand il est à bout d’argument. Mais, inévitablement, au bout d’un temps, le plus fort peut craquer et inversement le plus faible peut penser avoir gagné la partie, une partie seulement.

Dessin de Davide Bonazzi.

Dessin de Davide Bonazzi.

En football, c’est la même chose. Deux équipes se respectant aiment à se retrouver dans l’intimité (la phase finale) pour toujours mieux éclaircir la dernière mise à jour de l’autre, avec l’autre. Un détail du maquillage ? L’ajustement de la cravate ? Mais jamais se vêtir à se ressembler tout à fait. Ainsi de l’Allemagne et de l’Italie qui, au lieu d’en découdre hier, ont joué plus que des prolongations, avec les langueurs et à-coups d’un tango durant lequel chacune des deux équipes a appris de l’autre et mené l’autre. L’Italie a fait sienne une forme de jeu direct très allemand, tandis que l’Allemagne a défendu d’une façon réaliste, très italienne. Mais dans les deux cas, ce n’était qu’un hommage. Et cela a donné un match très intéressant dans lequel personne n’a vraiment dominé l’autre, et ces deux équipes sont appelées à continuer leur belle histoire au plus haut niveau du football mondial. Dans ce jeu de miroir proche de la volonté d’être aimé de celui qui est en face, de s’en approcher le plus possible, jusqu’à sentir sa cheville, son souffle, le frôlement de la balle sous un avant-bras de gardien, il paraissait évident que ces deux-là voulaient se revoir, et se reverront, pour se séduire à nouveau et écrire leur roman qui couvrira bientôt un siècle de sport.

Il y a des équipes qui ne font l’amour qu’au ballon. Comme la Belgique adolescente qui s’est vue belle dans les yeux de Gallois soumis avant que, dès que le diable a baissé la garde, le dragon ne fasse feu pour l’emporter d’une répartie qui ne l’emmènera pas plus loin que ce réflexe de survie. Même chose entre l’Islande et l’Angleterre. Le désintérêt de cette dernière pour son partenaire l’a amenée à se laisser gifler par sa fausse distance, en fait un dilettantisme coupable. Et les Islandais, qui ont leur fierté, sans une once d’éducation, ont fermé la porte en laissant les clés à l’intérieur pour aller convoler ailleurs, alors que les Anglais leur ont tout appris.

Cet Euro, sans doute parce qu’il a été incrémenté (quatre équipes de plus que d’habitude) a manqué d’histoires d’amour fortes. Croatie et Portugal ont bien dansé, et devraient reprendre rendez-vous après ces préliminaires. Mais pour le plaisir charnel, il nous reste à monter les escaliers avec la France, voir si elle se tiendra bien cambrée, non pas contre l’Islande pour un French kiss d’un soir, mais avec l’Allemagne en demie pour reprendre le fil d’un flirt torride qui ne demande qu’à se matérialiser par une voluptueuse victoire tricolore. Car, encore une fois, aimer profondément, réciproquement, c’est aussi afficher l’ambition du couple lui-même. Une histoire où les deux amants forcent mutuellement l’émerveillement, deviennent dépendants en même temps que libres de s’exprimer chacun de leur voix singulière. Après, la finale sera la finale. Le Portugal, dans son costume de témoin idéal qui va si bien à Ronaldo, cherchera à se fiancer pour commencer une idylle qui le fuit depuis… trop longtemps pour ne pas penser que cette équipe ne jalouse pas maladivement l’admiration que l’on voue au Brésil de ce côté-ci de l’Atlantique. Peut-être, pas sûr.

Quoiqu’il en soit, dommage que ce championnat d’Europe soit d’ores et déjà privé d’apothéose. Les ébats reprendront dans deux ans à la Coupe du monde. D’ici là, le couple France-Allemagne, très gainsbourien, s’aimera lui non plus à notre grande satisfaction, il ne nous reste plus que ce romantisme-là pour aller au bout d’une compétition ralentie par des équipes charmantes mais sans grande substance. C’est sans doute pour cela que l’on loue leurs supporters à longueur de colonnes et d’antenne plutôt que leurs manières de cadets. Car pour s’aimer, à deux, il faut accepter de se voir vieillir, et de ce point de vue, l’Italie était la plus belle des maîtresses pour l’Espagne éconduite mais surtout pour l’Allemagne, émue de l’avoir enfin surprise là où elle s’y attendait le moins. D’un neuvième pénalty qui brille déjà comme une alliance. Histoire à suivre.

Olivier Villepreux


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