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15 ans, l’âge pénal de raison

Publié le 22 septembre 2016 par Framcisco

Plusieurs adolescents d'une quinzaine d'années ont été arrêtés ces derniers jours pour s'être laissés embobiner par des partisans du djihad armé, au point, pour certains, paraît-il, d'être à deux doigts de " passer à l'acte ". Les enquêtes antiterroristes étant secrètes, nous sommes tenus de croire ce que l'on nous raconte, néanmoins, il est difficile de ne pas s'interroger : un délit d'intention peut-il s'appliquer à un enfant ?

La scène médiatique du terrorisme offre une tentation forte de vouloir y jouer un rôle. On en a un bon exemple avec ces ados qui ont " scénarisé " l'alerte bidon dans une église du quartier des Halles de Paris. Comment faire la différence entre l'intention malicieuse et l'intention pernicieuse ? Au lieu de déclarer que l'État se portera partie civile, le ministre de l'Intérieur n'aurait-il pas été plus inspiré de dire que cet événement a été un excellent exercice pour ses services parisiens ! Leur rapidité d'intervention a en effet démontré que l'on peut compter sur eux.

Manuel Valls, lui, a promis des " sanctions exemplaires " contre ces garnements. Euh !...

15 ans, l’âge pénal de raison
La justice des mineurs est sérieusement encadrée et s'il y a un domaine où les magistrats montrent leur indépendance, c'est bien celui-là. On peut d'ailleurs tirer un coup de chapeau à ces femmes et à ces hommes, qui, à huis-clos, loin des feux médiatiques, devant un enfant, un adolescent, doivent trancher : faut-il le protéger de son entourage, lui donner une nouvelle chance, le sanctionner... ?

Selon la Chancellerie, 3,6 % des mineurs de 10 à 17 ans seraient aujourd'hui mis en cause dans des affaires pénales. Pourquoi retenir cette tranche d'âge ? Avant dix ans, on estime que l'enfant n'a pas la capacité de discernement. Il n'est pas jugé responsable de ses actes. Entre 10 et 18 ans, il peut faire l'objet de " sanctions éducatives " et à partir de 13 ans, éventuellement, d'une condamnation. Une peine ajustée à son âge. Pour faire simple, on peut dire qu'entre 16 et 18 ans, il est à moitié responsable de ses actes.

Bien sûr, cette période déterminante dans la vie d'un homme, là où chacun d'entre nous a joué son avenir, parfois à la roulette russe - même si devenu grand, on refuse de s'en souvenir - doit être prise en charge par les parents. Mais quelquefois, c'est mission impossible. Aussi, en cas de défaillance, il appartient à la société de les remplacer.

En 2014, près de la moitié des mineurs qui sont passés devant le juge des enfants ont entre 15 et 16 ans. Sur les 52 881 mineurs âgés de 10 à 17 ans qui ont été jugés, un grand nombre, plus de 21 000, ont reçu une simple admonestation ( Les chiffres-clés de la Justice 2015). D'autres ont fait l'objet de mesures de protection judiciaire, d'une sanction éducative, d'un stage de citoyenneté..., d'une amende ou d'une peine de prison avec sursis simple ou avec mise à l'épreuve.

Moins de 1 sur 9 a écopé d'une peine de prison ferme. Et cette peine privative de liberté n'a pas été prise dans le but d'être exemplaire, mais dans l'intérêt d'un jeune garçon (le plus souvent) ou d'une jeune fille, avec l'espoir de lui donner une chance de s'en sortir.

Autrefois, il y a bien longtemps, l'enfant était considéré par le juge comme un adulte vis-à-vis duquel on pouvait toutefois faire preuve d'une certaine indulgence, sans plus. Un petit homme. Il n'y avait guère que le très jeune enfant, de moins de sept ans, qui bénéficiait d'une irresponsabilité pénale. Puis les choses ont évolué. Au XVIII e siècle, la majorité pénale oscillait autour de quinze ans, même si l'âge était souvent fonction de l'apparence physique. Le code pénal de 1810 la porte à seize ans. Un siècle plus tard, elle passe à 18 ans.

Mais après la guerre, la dernière, alors que tout est à reconstruire et que de nombreuses familles ont été disloquées, des enfants, parfois très jeunes, se retrouvent livrés à eux-mêmes. Bon nombre glissent dans la délinquance. Les autorités prennent alors le problème à bras-le-corps, et dans le bon sens : ces jeunes sont la France de demain ! C'est dans cet esprit constructif que naît l'ordonnance du 2 février 1945. Notre pays se dote alors d'une véritable justice des mineurs axée sur des sanctions plus éducatives que répressives. Peut-être certains octogénaires en ont-ils profité ! Mais s'en souviennent-ils encore ? Toute la philosophie de ce texte avait alors été parfaitement résumée par le magistrat Jean Chazal : " Lorsqu'un enfant vole un vélo, ce n'est pas au vélo qu'il faut s'intéresser, mais à l'enfant. "

Ce texte fondateur restera pratiquement tel quel pendant cinquante ans.

Ces vingt dernières années, l'ordonnance de 1945 a été retouchée à maintes reprises, à l'horizon de deux logiques différentes. Ceux pour qui les tranches d'âge atténuant la responsabilité pénale ne sont plus adaptées à notre société : les enfants seraient plus mûrs qu'avant. À seize ans, par exemple, on est un jeune adulte. Tandis que d'autres maintiennent que le discernement d'un mineur évolue en fonction de son âge et que les seuils de responsabilité progressifs prévus par la loi doivent être maintenus en l'état. D'où un va-et-vient permanent. Si dans la période de l'après-guerre, l'espoir était dans l'homme, il faut bien reconnaître que dans notre présent, le vélo est devenu plus important que l'enfant.

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