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Nice : après le drame, le cafouillage

Publié le 18 juillet 2016 par Framcisco

Quelques heures après l'attentat au camion fou sur la Promenade de Nice, en pleine nuit, François Hollande s'est adressé à la Nation pour faire connaître les décisions qu'il avait prises.

Nice : après le drame, le cafouillage
Si c'était pour nous rassurer, c'est raté. Car il est pour le moins inquiétant de voir le chef de l'État réagir ainsi à un événement, aussi dramatique soit-il, sans prendre le recul que lui imposent ses responsabilités. Cela ressemble trop à de l'affolement.

" Nous continuerons à frapper ceux qui, justement, nous attaquent sur notre propre sol, dans leur repaire ! " déclame-t-il. Et il annonce de nouvelles (?) mesures, comme renouveler l'état d'urgence, alors qu'il venait de dire que la dernière loi antiterroriste le rendait inutile, et renforcer l'action militaire en Syrie et en Irak. Il est à peine 4 heures du matin. Le drame a eu lieu à 22 h 45.

Petit flou le vendredi, lorsque les premiers éléments de l'enquête laissent à penser que le terroriste n'est pas un loup solitaire, mais plutôt un barjot solitaire, sous soins psychiatriques, qui aurait décidé de " sublimer " son suicide.

Lors d'une conférence de presse, François Molins, le procureur de Paris, prend d'ailleurs des gants pour nous dire que l'attentat n'a pas été revendiqué et que l'individu abattu par la police n'était pas radicalisé et qu'il est inconnu des services de renseignement. Puis il donne son identité, laquelle avait d'ailleurs déjà fuité dans la presse.

Ce qui va permettre à l'État islamique d'effectuer les vérifications nécessaires, afin de revendiquer l'attentat. 36 heures plus tard, Mohamed Machin est ainsi devenu un soldat du califat. ( Je reste persuadé qu'il faut anonymiser les terroristes pour éviter que naissent des disciples.)

En attendant, les enquêteurs rament pour le relier formellement à Daesh.

On pourrait se dire que ce cafouillage est pain bénit pour l'opposition... Hélas, ses éminents représentants, au lieu d'appuyer là où ça fait mal, se discréditent tout seuls ! Frédéric Lefebvre envisage l'instauration de l'état de siège, Henri Guaino estime qu'un lance-roquettes aurait permis d'immobiliser le camion fou et Christian Estrosi s'étonne que le gouvernement n'ait pas pris les mesures pour l'empêcher d'accéder à la promenade des Anglais. L'ancien maire de Nice, aujourd'hui président de région, est plus dans son rôle lorsqu'il se plaint de la faiblesse des effectifs de la police nationale. Pas du tout, lui répond Bernard Cazeneuve, il y avait 64 policiers ce soir-là. La moitié répond Estrosi. Etc.

Je serais bien intervenu dans la discussion pour rappeler qu'il y en avait plus de 2000 lors de la manif circulaire de la Bastille, au mois de juin dernier, mais on ne m'a pas demandé mon avis. Peu importe d'ailleurs, cela n'aurait rien changé, le camion serait passé quand même.

Alain Juppé estime, lui, qu'il faut passer à la vitesse supérieure en matière de lutte contre le terrorisme. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'actuel président ne l'a pas attendu. D'ailleurs, dans un étrange communiqué commun destiné à répondre aux critiques de Nicolas Sarkozy, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur ne disent pas autre chose : " aucun gouvernement n'a fait autant jusqu'à présent pour lutter contre le terrorisme ". Avec les résultats que l'on connaît.

On ne peut cependant parler de terrorisme sans évoquer les guerres menées par la France au-delà des frontières : janvier 2013, opération Serval, au Mali ; décembre, opération Sangaris, en République centrafricaine ; suivie de l'opération Barkhane, qui vise à défaire les djihadistes éparpillés au Sahel. En septembre 2014, la France rejoint la coalition pour combattre Daesh en Irak, c'est l'opération Chammal. Puis, malgré sa répulsion envers Bachar el-Assad (qu'il voulait bombarder en août 2013), François Hollande engage les forces françaises en Syrie.

Alain Juppé, celui qui semble tenir la corde pour 2017, sans condamner ces " théâtres d'opération extérieure ", estime que ce n'est pas de cette manière que l'on va éradiquer la menace intérieure.

C'est en fait le seul élément de réflexion que j'ai trouvé dans ce bouzin politique post-attentat.

Car si le terrorisme est une guerre, c'est avant tout une guerre psychologique, et il faut bien reconnaître que sur ce terrain, Daesh a gagné la première manche : faire monter la peur pour désorganiser notre pays.

Afin d'éviter que l'État islamique ne continue à faire des émules, il faut donc agir sur les esprits. Certes, il est moins spectaculaire de faire jaillir une idée que de dégainer une arme, mais il est temps d'arrêter le spectacle. Il est temps de cesser de faire de la politique sur le dos des victimes.

En tout cas, ce n'est pas en instituant l'état de siège, en plaçant des tanks sur la promenade des Anglais ou en mettant sous pression les machines du porte-avions Charles-de-Gaulle que l'on va changer les choses. Mais plutôt en tirant des leçons de nos erreurs passées et en faisant chauffer nos petites cellules grises.

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