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De Sceaux au Cameroun, l’itinéraire du père Vandenbeusch

Publié le 20 novembre 2013 par Ethiqueemois
Le père Vandenbeusch, en juillet 2011. (Elodie Ratsimbazafy pour Lemonde.fr)

Le père Vandenbeusch, en juillet 2011. (Elodie Ratsimbazafy pour Lemonde.fr)

« Heureux comme un curé à Sceaux« , avait titré Le Monde en juillet 2011, après une longue rencontre, en son église, avec le père Georges Vandenbeusch. Enlevé jeudi 14 novembre dans le nord du Cameroun, celui qui était alors curé de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Sceaux (Hauts-de-Seine), se disait heureux d’être prêtre, « un métier magnifique », d’avoir exercé durant neuf ans sa mission à Sceaux, où la pratique religieuse demeurait vive. Et heureux, surtout, de son départ prochain au Cameroun qu’il semblait avoir ardemment souhaité.

Affable, énergique et déterminé, tout en dégageant une grande sérénité, le père Vandenbeusch s’apprêtait alors à partir, à la fin août, dans l’extrême nord du Cameroun, « pour trois ou six ans », avait-il précisé. Entre-temps, ce prêtre diocésain entendait « passer le témoin » à son successeur à la paroisse, le père Jean-Grégoire Houlon, en emmenant avec lui une cinquantaine de jeunes aux JMJ de Madrid. Il décrivait son futur lieu de vie au Cameroun comme « une zone rurale de petite montagne au climat sahélien, chaud et sec ».

Les conditions seraient difficiles, savait-il, sans que cela ne l’arrête. « J’ai demandé à partir, et l’évêque m’a dit qu’il y songeait aussi pour moi. Aujourd’hui, on parle de mondialisation, mais l’église la pratique depuis longtemps avec ses missionnaires ! Une communauté catholique qui ne serait pas attentive à ce qui se passe dans les autres communautés catholiques du monde s’appauvrirait. L’église doit être à la fois locale et universelle. »

« UN CURÉ ‘TRÈS PRO' »

Le père Vandenbeusch, 42 ans, avait côtoyé à l’église du quartier populaire des Blagis, seconde église de Sceaux, un vicaire originaire de Centre-Afrique. Il avait beaucoup parlé de ce continent avec lui, de même qu’avec un prêtre venu du Cameroun, qui officiait à Colombes. « Quelque chose de l’évangile nous invite à vivre cela, à partir, assurait le père Vandenbeusch. Pour accueillir chez nous les chrétiens et les nombreux prêtres qui viennent d’Afrique, et pour qui c’est compliqué, nous devons comprendre la réalité de leur vie là-bas. » Peut-être souhaitait-il aussi exercer sa mission en des lieux moins accueillants pour un prêtre que les Hauts-de-Seine…

Après quatre années à Rueil-Malmaison, il était, depuis 2002, le curé de l’église du très huppé centre-ville de Sceaux, l’une des communes les plus privilégiées du deuxième département le plus riche de France. Une commune où, à ses dires, le catholicisme n’allait « pas trop mal », où les Chrétiens étaient « une minorité assez importante ». Où son église faisait le plein, tous les dimanches à 11 heures. « C’est la sociologie privilégiée de la ville qui veut cela », analysait-il, lucide. Ses paroissiens à fort bagage d’études supérieures, dont beaucoup de dirigeants, le poussaient, avait-il confié, à peaufiner son homélie en y intégrant des questions éthiques. De cette ville au cadre de vie très privilégié, dont il aimait particulièrement le parc, allant y courir tous les midis, il lui avait néanmoins semblé « sain » de partir pour « ne pas s’encrouter », ne pas se laisser happer par « la force de l’habitude ». « Au bout d’un moment, on ne s’interroge plus assez sur ce qu’on fait « .

REGARD BIENVEILLANT SUR LES MUSULMANS


Il était prêt à quitter sa jolie église du XVe siècle (à façade XIXe), avec reliquaire et cendres du duc du Maine, « sympathique, puisque l’hiver la température ne descend pas en deçà de 11 degrés ». Ce curé des banlieues chics était acquis aux bienfaits de l’ouverture culturelle. « Il était très enthousiaste à l’idée de découvrir autre chose, des gens avec d’autres priorités que les Scéens », se souvient le maire (centriste) Philippe Laurent, qui le décrit comme un homme réservé et très cultivé, d’une grande rigueur morale et intellectuelle, « qui ne s’en laissait pas compter, qui avait conscience de représenter une institution, l’Eglise ». « Un curé ‘très pro’, m’étais-je dit à son arrivée. »

Un curé portant un regard bienveillant sur les musulmans. Réclamant pour eux des « lieux de culte dignes ». Soulignant leur influence parfois bénéfique sur de jeunes chrétiens à la foi plus honteuse. « A l’aumônerie de Sceaux, il y a environ 250 collégiens et lycéens qui disent souvent que les parents les obligent, déplorait-il. C’est ‘la honte’ d’être chrétien. C’est stigmatisant. Paradoxalement, ce qui les aide, ce sont les copains juifs ou musulmans qui assument d’être pratiquants. Cela les interroge. Ils échangent entre eux. Ils sont plus respectueux et curieux les uns des autres qu’on ne le pense. Je connais un jeune que son copain musulman priant cinq fois par jour a relancé dans une vie de prière. » En Afrique, il pensait s’enrichir dans son « métier » de prêtre. « Nous avons intérêt à puiser des ressources et de l’intelligence dans ces façons culturellement différentes d’accueillir le Christ. »

Tous les trois mois, depuis le Cameroun, le père Vandenbeusch envoyait une lettre à ses anciens paroissiens. L’une des lectrices, Marielle Blanchier, mère de douze enfants et animatrice des équipes de spiritualité conjugale, le décrit, tenant à employer le présent, comme « un prêtre comme il se doit ». « Humain, très à l’écoute, disponible pour tous. Il est génial parce qu’il parle de choses concrètes dans ses sermons. » Avec d’autres, elle l’avait revu, il y a un an, lors d’un passage en France. « Il n’avait qu’une envie : repartir au plus vite. Il était très content de vivre des choses si différentes, des célébrations d’une matinée entière, des baptêmes par centaines à Pâques. »

Mais où qu’il soit exercé, ce métier de prêtre lui semblait « magnifique ». « Pourquoi ne parle-t-on que de ses difficultés ?, interrogeait-il en 2011. On va dans les familles, on est invité, on voit naître, grandir, on accompagne dans la joie et les épreuves, jusqu’à la mort, on est dans la vie des gens, ils nous ouvrent leur cœur. » A Sceaux, l’homme était discret, insistant constamment sur le travail de son équipe d’animation paroissiale, et des chrétiens de Sceaux engagés auprès des familles défavorisées. Mais il tenait à ce que les cloches continuent de sonner bien fort, toutes les heures de 8 heures à 19 heures, ainsi que pour les messes, ce qui n’était pas forcément apprécié du voisinage. « Elles sont, croyait-il, le signe que l’église n’est pas qu’un bâtiment mais une assemblée. Il y a là une communauté vivante qui pourra vous accompagner à un moment difficile de votre vie ».


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