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À quoi mène le droit public ?

Publié le 06 août 2013 par Jlhuss

Voilà bien une question qui m'a été souvent posée et cela malgré mes efforts répétés pour y apporter une réponse convaincante (voir notamment, sur ce blog, l'article " Les TD de strat' : pourquoi, comment " ). C'est une situation d'autant plus insatisfaisante qu'il s'agit généralement d'étudiants qui avouent être tiraillés entre leur intérêt pour la matière (si, si !) et la nécessité de trouver (plus ou moins rapidement) un travail.

Nous serons d'accord, je crois, pour dire que, généralement, si une question vous est reposée inlassablement, c'est soit que votre réponse n'est pas pertinente, soit que votre interlocuteur n'est pas prêt à entendre la réponse que vous lui proposez (soit encore un peu des deux...).

Or, si je veux bien croire que la réponse que j'ai apportée jusque là n'était pas tout à fait pertinente, il me semble quand même qu'il y a une vraie crainte chez nos étudiants à l'endroit du droit public, une crainte qui va au-delà de la question de l'apprentissage et une crainte qui n'est peut-être pas le résultat des seules " vacheries " de nos collègues et néanmoins amis privatistes...

Quoi qu'il en soit, procédons par étapes et si possible en adoptant le mode de pensée de nos chères têtes blondes :

    Objectif : travailler immédiatement (après L3)
Une fois le diplôme de Licence obtenu, il vous sera encore difficile de faire valoir que vous êtes un spécialiste du droit public ou même tout simplement que vous êtes un juriste. Soyons honnêtes, que pensez-vous être en mesure de " produire " après seulement trois années passées à l'Université ? Des textes juridiques (contrats, circulaires, etc.) ? C'est très peu probable. Des analyses juridiques (études de cas, synthèses de jurisprudence ou de législation, etc.) ? Je n'y crois pas vraiment. N'oubliez pas qu'on ne vous demandera pas de simplement " essayer ", mais qu'il faudra que vous fassiez gagner de l'argent à votre employeur (ou simplement que vous évitiez de lui en faire perdre...). Et pourriez-vous enseigner ou former d'autres salariés, voire d'autres étudiants ? Pas si simple, n'est-ce pas ?

Alors peut-être pourrait-on envisager pour vous un métier pour lequel vos compétences juridiques (certes relatives) se marieraient avantageusement avec d'autres compétences que vous pourriez acquérir ultérieurement (i.e. " sur le tas ") :

  • Délégué(e) à la tutelle (même si, à l'évidence, vos compétences en droit privé vous seront infiniment plus utiles !)
  • Conseiller Pôle emploi (sans rire ! on vient tout juste de me le suggérer... le temps que je termine ma thèse !)
    Quelle réalité du bassin d'emploi ?
À moins de disposer du réseau professionnel d'un proche (parent, ami, enseignant...), cette stratégie me semble particulièrement hasardeuse si vous visez un emploi purement juridique. En d'autres termes, les cabinets juridiques, les offices notariaux, les associations, les entreprises ou encore les organismes publics ne verront sans doute pas en vous un juriste suffisamment autonome et efficace. Or, si le temps où l'on était formé en interne n'est pas complètement révolu dans le domaine du droit, il est désormais réservé à un tout petit groupe de gens " connectés ". Les privatistes bénéficient-ils de possibilités d'insertion plus favorables ? J'en doute très fortement.

Vous trouverez ici , c'est-à-dire sur le célèbre blog Droit administratif (article de François Gilbert, aujourd'hui avocat au Barreau de Paris), une liste presque exhaustive des masters 2 intéressant les publicistes suivie d'informations et remarques fort intéressantes laissées par divers lecteurs de ce blog (dont bon nombre de maîtres de conférence et de professeurs d'université...). Hélas, cette liste date un peu (août 2006) et il vous faudra donc vérifier que le master 2 qui vous intéresse existe toujours !

Dans le document pdf qui suit (il faut cliquer sur le lien rouge), je me suis efforcé de recenser les débouchés que les responsables des masters (plus ou moins orientés vers le droit public) proposés par quelques grandes universités françaises prétendent pouvoir vous offrir. Je précise que j'ai utilisé pour ce travail les fiches descriptives officielles des masters concernés. Prenez bien le temps de tout lire car c'est un panorama assez complet qui vous est proposé.

Les débouchés supposés des masters

Maintenant que vous avez pris connaissance de ce document, voyons ce qu'il cache. Je n'irai pas par quatre chemins : la plupart des fiches descriptives mises en ligne sur les sites des universités retenues ici frôlent la malhonnêteté.

D'abord parce qu'elles font une large place à des débouchés immédiats dans le secteur public comme dans le secteur privé, parfois d'ailleurs à de hauts niveaux de responsabilité. Cette perspective me semble parfaitement invraisemblable et l'on comprend pourquoi il n'est pas dans l'intérêt de ces établissements publics d'enseignement supérieur d'être capables de vous renseigner sur les emplois réellement exercés par leurs anciens étudiants. Disons-le clairement : les quelques entreprises qui ont les moyens de recruter des juristes frais émoulus des établissements d'enseignement supérieur ne se tournent pas vers les universités mais assurément vers les " grandes écoles ". Quant à prétendre que nos étudiants deviendront des agents publics contractuels, c'est occulter honteusement le principe selon lequel les personnes publiques recrutent par concours (voir infra les répertoires des métiers de la fonction publique). Je rappelle qu'il s'agit d'une obligation juridique régulièrement réaffirmée par le législateur et ne connaissant que des limites très encadrées et en tous les cas insusceptibles de permettre l' " absorption " de tous nos diplômés, à moins qu'ils ne se résolvent à devenir des agents d'entretien ou encore des agents d'animation... Seuls les tout meilleurs et ceux qui bénéficient de solides appuis (politiques) conservent quelques chances d'y arriver. Pour les sceptiques et les curieux, je conseille la lecture d'un ouvrage de référence que nous devons aux magistrats Georges-Daniel Marillia et Pascale Pelletier ( Les agents non titulaires des trois fonctions publiques, Berger-Levrault, 2007). Vous pouvez également vous rendre sur le site internet de la Bourse interministérielle de l'emploi public : ici.

Ensuite parce qu'elles mentionnent un certain nombre d'emplois sans préciser qu'ils ne sont en réalité accessibles qu'après avoir passé un concours de la fonction publique ou un examen différent de celui qui viendra sanctionner l'obtention du master lui-même et le plus souvent très sélectif.

Enfin parce qu'elles prétendent que les étudiants pourront se préparer efficacement aux concours de la fonction publique (spécialement les concours de catégorie A), à l'examen d'entrée au CRFPA (pour devenir avocat) ou encore à l'enseignement supérieur et à la recherche alors que les masters concernés sont bien trop spécialisés. Rappelons ici le proverbe selon lequel il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. Je précise, à ce sujet, que dans le cadre de la formation dispensée par les CRFPA, il peut être intéressant d'obtenir au titre du " Projet Pédagogique Individuel " et afin de se spécialiser un (nouveau) master 2 professionnel.

Au total, faut-il se fier aux chiffres avancés par le site Studyrama.com ?

Initialement, j'avais placé cet objectif avant celui consistant à intégrer un master. Mais, à l'évidence, très rares sont ceux qui réussissent ces concours sans avoir obtenu au préalable un master.

Pour commencer, je vous suggère de consulter les répertoires des métiers des trois fonctions publiques : ici ! Et pour une sélection des métiers concernant plus particulièrement les juristes, voyez le document ci-après :

Extraits des répertoires des métiers de la fonction publiqueN.B. : Pour l'instant, ce document porte uniquement sur la fonction publique territoriale.

Maintenant, dans le document pdf qui suit (il faut cliquer sur le lien rouge), j'ai cherché à vous rappeler quelles étaient les épreuves propres (mais en réalité souvent communes) aux différents concours susceptibles d'intéresser les spécialistes du droit public. J'ai en outre essayé de vous donner des indications concernant le caractère plus ou moins sélectif de ces concours. Enfin, j'ai mis en exergue les matières (ou disciplines) auxquelles vous devrez (ou " vous auriez dû ") prêter la plus grande attention dès le début de votre cursus universitaire, voire dès vos études secondaires !

Réussir les examens et concours après un masterN.B. : Pour l'instant, ce document porte sur 7 concours (Attaché territorial, Administrateur territorial, ENA, Officier de police, Commissaire de police, Attaché d'administration hospitalière, Directeur d'hôpital) et 1 examen (examen d'entrée au CRFPA).

Si vous avez lu attentivement ce qui précède, vous aurez remarqué que certains concours paraissent très semblables, du moins si l'on considère les épreuves qu'ils font subir aux candidats. On remarque également que ce qui fait la différence entre un concours de catégorie n et un concours de catégorie n+1, c'est surtout le nombre des épreuves (et donc des compétences exigées des candidats). En d'autres termes, les concours de catégorie n+1 reprennent les épreuves de catégorie n et en ajoutent d'autres. Dès lors, il semble possible d'établir un socle de matières absolument incontournables pour les candidats issus des masters juridiques (de droit public) et désirant se présenter à des concours menant aux corps de catégorie A ; un socle que chacun complètera en fonction de ses capacités :

Répartition des disciplines

Voyons maintenant où vous trouverez les enseignements requis pour avoir des chances sérieuses de réussite à certains (au moins) de ces concours. (à suivre)

Au-delà des matières, c'est à la nature des exercices demandés qu'il faut s'attacher.

(document à venir)

Très rapidement, il apparaît que la dissertation écrase littéralement les autres exercices auxquels les candidats issus des universités ont pu être confrontés au cours de leurs études (cas pratique et commentaire de décision de justice, voire commentaire de texte juridique ou encore commentaire de texte doctrinal). Or, je crois pouvoir dire que l'immense majorité des enseignants sévissant en Licence de droit continuent de privilégier les exercices pratiques au détriment de la dissertation juridique. Par ailleurs, les étudiants qui projettent de passer des concours administratifs cèdent trop souvent à la facilité - du moins le croient-ils - en choisissant les épreuves pratiques lorsqu'ils passent les examens universitaires. Enfin, les sujets de dissertation juridique que l'on retrouve dans les annales des concours administratifs surprennent souvent nos étudiants, particulièrement lorsque ces sujets semblent leur demander de prendre position, d'émettre un jugement de valeur, d'évaluer l'efficacité économique, sociale ou encore politique du droit positif. C'est que nos étudiants engrangent plus volontiers des connaissances (très) techniques qu'ils ne prennent le temps de s'interroger sur les finalités du droit en général et du droit positif en particulier. Or, dans les services administratifs des personnes publiques comme dans ceux des personnes privées, c'est ce qui distingue le chef des exécutants...

    Objectif : devenir enseignant-chercheur

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