Quiquengrogne et autres moulins de Charenton (2/2)

Publié le 18 décembre 2016 par Albrecht

Les moulins de Saint Maurice

Plan d’Andriveau et Goujon, 1852

En continuant à remonter la Marne vers Saint Maurice, on passe par le Moulin Rouge, dont nous n’avons pas de représentation ancienne, pour aboutir au moulin de Gravelle.

Gravelle vue d’aval
1830, Gallica Gravelle vue d’amont
1830, Gallica

Ce moulin, dont il ne reste rien,  est facile à identifier : un chemin d’accès couvert en pente, une pièce surélevée à l’autre bout, deux fenêtres dans le toit vue de l’aval, et une fenêtre côté amont. [1]

Le Moulin des Corbeaux
Photographie vue d’amont, fin XIXème Google Earth

En poursuivant un peu plus loin, on trouve cet imposant moulin à trois arches.

Il existe encore de nos jours, redécoré dans les années 70 par le directeur de Knoll France,  Yves Vidal.

Les moulins de Maison Alfort

Traversons maintenant la Marne pour revenir vers l’aval, en suivant la rive gauche, vers le moulin de Charentonneau.

Moulin de Charentonneau,
Gravure de Marchand, Cécile Maréchal, fin XVIIIème siècle Vue du moulin de Charenton
Cassas ( Louis François), 1776, collection particulière

Ce moulin à grains ressemblait semble-t-il beaucoup au moulin de Gravelle. Construit sous Louis XV et  lié au château de Charentonneau [1]  , il a brûlé en 1880.

Le Moulin brûlé à Maisons-Alfort
Cézanne, 1894, collection privée Carte postale 1900

Pour terminer en beauté, voici le plus spectaculaire des moulins des environs de Charenton, un moulin à eau très visible depuis la route longeant le fleuve, et dont nous avons de nombreuses représentations depuis l’aval : le Moulin Neuf

Moulin de Charenton vu de côté, XVIIème siècle, Gallica Moulin de Charenton vu de l’aval, XVIIème siècle, Gallica

Paysage au moulin, avec lavandières et pêcheur dans sa barque
Hubert Robert, collection privée A Charenton, le 21 septembre 1725, François Silvestre,  Gallica


Moulin à eau de Charentonneau
Alexandre Pau de Saint-Martin, vers 1789,   Victoria and Albert Museum

Ce tableau semble être une reconstruction de fantaisie (voir le château à quatre tours à l’arrière plan) qui emprunte au Moulin Neuf ses piles et son toit, mais en le faisant pivoter d’un quart de tour (comparer avec le dessin d’Hubert Robert).

Le Moulin neuf à Charenton, 1829, Gallica Le Moulin de Charenton, Augustin Enfantin, début XIXème, Gallica

Le moulin à eau sur le pont de Charenton
Francois-Louis-Thomas Francia Le moulin à eau sur le pont de Charenton
Thomas Girtin, 1802, illustration de la série « A Selection of Twenty of the most Picturesque Views in Paris, and its environs »

Moulin au bord d’une rivière
Jean Baptiste Oudry  

La Marne aujourd’hui, à l’emplacement du moulin neuf [3]

 Dernier coup d’oeil en arrière, à trois cent mètres et à trois siècles de distance, sur cette extraordinaire bâtisse….

… dont le souvenir n’a pas totalement disparu.

Le moulin à roue latérale

Le moulin de Charenton
Alexandre Pau de Saint-Martin, 1797, Musée de Sceaux Un moulin à eau, un homme sur un pont, un chien au premier plan
Dessin de Hubert Robert, Collection privée

 Il y avait probablement à Charenton un moulin à roue latérale, s’il faut en croire ces deux témoignages. Trop banal ou trop petit, il ne figure en tout cas nulle part sur les plans de l’époque. Il nous donne l’occasion de parcourir les nombreux tableaux où Boucher a représenté un tel moulin. L’un d’entre eux est-il celui de Charenton ?

Le moulin de Quiquengrogne à Charenton
Boucher, 1750-1760, Musée d’Orléans

Ce moulin de pure fantaisie ne porte le nom de  Quiquengrogne que par habitude : on ne voit aucune roue, ni pendante ni latérale. A remarquer le chien qui aboie en bas sur la berge, la servante qui puise de l’eau tandis que la meunière la regarde depuis la porte, le cerceau nuptial suspendu au-dessus : nous retrouverons dans d’autres tableaux tous ces éléments décoratifs.

Paysage avec un moulin
Boucher, 1740 Kansas City, The Nelson-Atkins Museum of Art Paysage avec un moulin
Boucher, 1743, Barnard Castle, The Bowes Museum, Co. Durham

Dans ces deux oeuvres, le moulin fait face à un temple antique en ruine, comme pour opposer la vie humble des pales de bois à l‘immobilité du cercle de colonnes.



Le moulin à eau
Boucher, 1765, Collection particulière

Ici, dans le même ordre d’idée, c’est une tour abandonnée qui contraste avec la vie bucolique du moulin.

Le pigeonnier,Boucher, 1750,  Collection privée Le moulin à eau
Boucher, 1750,  Collection privée

 Boucher reprend ici l’idée de son pendant de 1737 : associer un colombier et un moulin. Mais au lieu du si caractéristique moulin de la Chaussée, il choisit un modèle parfaitement anonyme. Noter le second moulin qui, dans le pendant de gauche, redonde le pendant de droite : nous retrouverons plus loin ce procédé de composition.

Moulin a Charenton
Boucher, 1750-60,  Mairie de Charenton L’Hiver (série des Quatre saisons)
Boucher, 1755, Frick Collection, New York.

 Parfois ces deux thèmes décoratifs sont associés dans le même tableau. Dans l’Hiver, le colombier vide et la roue couverte de neige, immobile,  font contraste avec le cygne doré et le traineau qui glisse.

Le Moulin
Boucher, 1751, Louvre Le Pont
Boucher, 1751, Louvre

 Dans ces deux dessus de porte réalisés pour la chambre à coucher du cardinal de Soubise, le thème du moulin est maintenant associé à celui du pont. On retrouve un second pont qui, dans le pendant de gauche, assure la transition avec celui de droite. Et une seconde maison qui, dans le tableau de droite, rappelle la silhouette du moulin. En contrebas, une femme et son enfant ; sur le pont un homme avec un bâton ; dans les deux panneaux un chien aboie, vers le bas où vers le haut.

Ainsi la composition suggère qu’il s’agit d’un même paysage sous deux points de vue  décalés,  tandis que les détails prouvent que les deux maisons, les deux ponts et les personnages sont différents : ainsi  sont satisfaits à la fois  le besoin de continuité et le goût pour la variété.


Paysage avec un moulin
Boucher, 1755,  National Gallery Paysage avec un moulin
Boucher, 1761, Collection particulière

 Pour épuiser toutes les combinaisons, Boucher a aussi représenté les deux thèmes dans un seul tableau.  Tels des santons dans une crèche, les personnages effectuent des tâches interchangeables : le vacher qui passe sur le pont, la femme au seau, celle qui regarde depuis le pas de la porte, la lavandière, le pêcheur à la ligne…


Moulin à eau,
Juliard, collection particulière

Il est amusant de voir que d’autres peintres, face à la demande insatiable de moulins, prolongent la combinatoire. Ainsi Juliard, tout en recopiant le modèle de la National Gallery, rajoute le chien qui aboie  et le cercle nuptial au dessus de la porte : plus Boucher que Boucher lui-même !


Références :

[1] On peut trouver sur la base Mérimée d’autres images du moulin de Gravelle (http://www.culture.gouv.fr/documentation/memoire/HTML/IVR11/IA00060758/index.htm)

[2] On peut trouver sur la base Merimée quelques représentations du moulin de Charentonneau au XIXème siècle, avant son incendie.
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/merimee_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_1=cmer1&VALUE_1=maisons%20alfort&FIELD_2=cmer4&VALUE_2=&FIELD_3=cmer5&VALUE_3=&FIELD_4=AUTR&VALUE_4=&FIELD_5=TOUT&VALUE_5=&FIELD_6=titre%20courant&VALUE_6=&FIELD_7=date%20protection&VALUE_7=&FIELD_8=DOSURLP&VALUE_8=%20&NUMBER=74&GRP=0&REQ=%28%28maisons%20alfort%29%20%3aLOCA%2cPLOC%2cINSEE%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=9&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=100&MAX3=100&DOM=Tous [3] A l’aplomb de la rue de l’Amiral Courbet (anciennement Rue du Moulin Neuf)