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La tête dans le sable, de Catherine Fuchs

Publié le 29 décembre 2016 par Francisrichard @francisrichard
La tête dans le sable, de Catherine Fuchs

Tous, à des degrés divers, nous fermons les yeux, qu'on appelle ça divertissement ou schizophrénie. Tous, nous construisons nos vies sur une bonne dose d'oubli et des fuites répétées.

Bref, nous nous mettons tous La tête dans le sable, comme, dit-on, le font les autruches. Pour oublier ou fuir la réalité. Face aux maux qui affligent le monde, de fait, il y a deux attitudes possibles: soit dénoncer ceux dont on considère qu'ils en sont responsables, soit agir à son échelle pour les atténuer à défaut de les faire disparaître.

Dans le roman de Catherine Fuchs, Carmen Berger relève de la première attitude. Elle travaille pour une ONG, Terra Nostra, dont elle est la rédactrice en chef de la revue, Recto Verso. Rentrée de vacances, début septembre, elle prépare tout un dossier sur Comiza, une filiale de la multinationale Pormaco, dont le siège est à Zoug.

Carmen Berger est bien une femme de son temps: elle a bientôt la cinquantaine; elle se déplace à vélo dans Genève; Gilles l'a quittée pour une plus jeune; leur fille Ilona est ingérable; l'avenir la préoccupe davantage que le présent; elle a une dent contre les multinationales qui ne recherchent que le profit immédiat et font de l'optimisation fiscale.

Le dossier sur Comiza lui tient à coeur. L'usine d'extraction de minerais de Twabo de cette entreprise se trouve au Zumanga, pays africain dont le pouvoir est corrompu et entretient des relations de connivence avec la firme. Ce qui permet à celle-ci de causer des dommages aux personnes et aux biens, et à l'environnement, en toute impunité.

Pour parfaire son dossier, Terra Nostra a envoyé à Pormaco un questionnaire. L'ONG se rend en délégation à Zoug pour entendre les réponses que la multinationale entend y apporter. Les antagonistes se séparent sans que les uns aient été convaincus par les arguments des autres. La séance de discussions se termine cependant par une réception.

Au cours de cette réception, un des cadres de Pormaco, Michael Preskow a remarqué Carmen Berger. C'est peu de dire que ce fringant quadragénaire est attiré par elle. A Genève, il lui fait une cour assidue, à laquelle elle n'est pas insensible, mais dont elle se défend parce qu'il appartient au camp ennemi et qu'il a une tout autre conception des choses.

Michael Preskow vit dans le présent, roule Mercedes décapotable, est membre d'un club de tennis huppé, a son couvert mis dans les meilleurs restaurants de la ville, pense qu'il faut prendre la nature comme elle est, laisser suffisamment de liberté aux gens pour que les choses finissent par s'équilibrer: le commerce bien compris favorise les intérêts de tous.

Parallèlement à une histoire de catastrophe écologique, dans tous les acceptions du terme, inspirée de cas réels, dénoncée par une ONG et ses correspondants sur le terrain, se déroule donc une histoire entre un homme et une femme que tout oppose. Cette histoire, racontée avec une grande finesse psychologique, est empoisonnée par l'autre... 

Francis Richard

La tête dans le sable, Catherine Fuchs, 256 pages Bernard Campiche Editeur


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