En Hommage à
Nacéra Aknak Khan
Alain Giffard
Charles Rojzman.
La révolution de 1917 s’est close avec la chute du mur de Berlin.
Berlin sort à peine de son camion fou à la veille de Noël.
Les fous de Dieu ricanent encore sur les ruines fumantes d’Alep.
C’est pourtant d’Alep que vient le savon le plus doux.
Cette douceur due au réchauffement qui nous inquiète tant.
Cette inquiétude qui a pour nom Trump et autres MLP, l’échec de Mateo Renzi, le CETA, les multiples impuissances de nos démocraties qui se figent devant les bruits de bottes.
Ces guerres qui font pourtant encore moins de morts que les suicides.
Ces déprimes qui nous mettent à distance des beautés du Monde.
Ces beautés qui nous font encore rêver d’un temps plus harmonieux.
Et de dialogues plus féconds au sein d’une démocratie renouvelée.
Notre époque se caractérise par l’irruption massive du numérique. C’est bien le numérique, le triomphe de la discrétisation du continu, qui facilite le passage du coq à l’âne, le syncrétisme, qui éloigne des respirations essentielles pour digérer, ce qui contribue à réduire les dialogues pour se prosterner devant les sondages. Tout est fait pour accroitre la capacité à ce que chacun lâche, sur le Web, ce qu’il ressent, sans véritable gestion de la capacité de digestion de l’autre.
Le numérique c’est le refus de la perte, dû à la copie analogique ainsi que la mise à disposition immédiate de la multiplicité et donc quelque part, une tentative désespérée d’abolir la mort en engendrant la profusion.
Le numérique a pour fonction de rassurer en permanence que nous ne serons pas perdus grâce au GPS, que nous aurons toujours quelqu’un à qui parler à l’autre bout de la planète…
Nous disposons pourtant de nombreuses sagesses pour acquérir un puissant sentiment d’existence.
La question n’est pas celle de « Que faire » qui a engendré la révolution bolchévique, mais bien
Que devons nous savoir pour pouvoir parvenir à ce que nous voulons être ?
J’ose espérer que nous pourrions être d’accord sur les quelques propositions suivantes :
- Nous voudrions être une espèce, moins prétentieuse, moins suicidaire, plus attentive, empathique aux multiples formes d’intelligence du vivant, plus susceptible de coopérer pour élaborer les réponses appropriées aux défis gigantesques qui s’offrent à nous.
- Nous avons besoin de nous connaître avec plus d’acuité. Nous avons plus besoin de mieux savoir les conséquences de nos actes sur les autres, les modalités de réduction des violences en conflits et des conflits en échanges féconds. Nous avons besoin de reconnaître le caractère essentiel du cycle confiance, lucidité, risque, incertitude et de notre spécificité d’espèce capable d’interconnecter le possible, le visible et les fluctuations. Ce que nous avons appelé la voie de la simplexité (chapitre d’un ouvrage à paraître : Réinvestir l’Humain)
- Nous pourrons alors inscrire au plan local et au plan global les dispositifs adéquats, car nous aurons cessé de discuter de la méthode appropriée, qui s’imposera comme la plus puissante pour auto-réguler, c’est celle du dialogue, les yeux dans les yeux, pour identifier nos points d’accord avant tout traitement des désaccords.
Nous pourrons peut-être ainsi relativiser les deux mythes majeurs de notre civilisation: Prométhée, celui qui « pense avant », mais qui fait l’erreur binaire de donner la bonne viande aux hommes, nous sort du cru en nous plongeant dans la victimisation éternelle, et celui de Pandore ( « le don de tout », très Web !) qui, en refermant la jarre nous laisse l’illusion de pouvoir échapper à notre destin.