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Dernier journal (pas vraiment) décalé de 2016, à Saint Jean-de-Luz

Publié le 31 décembre 2016 par Francisrichard @francisrichard
Crépuscule du soir, le 27 décembre 2016

Crépuscule du soir, le 27 décembre 2016

27 décembre 2016

Tôt ce matin, passé minuit, je suis arrivé à Saint Jean-de-Luz, ville qui m'a vu renaître à la vie début avril 1951, après deux tentatives avortées de lui fausser compagnie: le jour de ma naissance, celui de la Saint Joseph, à Uccle, en Belgique, et cinq jours plus tard, au même endroit, c'est-à-dire à la Clinique des 2 Alice, dans un bâtiment démoli depuis...

Cette année-là, sur décision de mon père, ma mère et moi nous installons donc ici dans une pension de la rue Sopite, Chez Loulouche. Nous sommes tout près de la plage et de l'immeuble où ma mère acquerra un appartement en 1964, qu'elle habitera les dix-sept dernières années de sa vie. Sa tombe se trouve ici, au cimetière Saint-Joseph...

Loulouche, dont je n'ai jamais su le vrai nom, tiendra bien des années plus tard un kiosque à journaux sous la Pergola. Pendant un temps j'irai y acheter des quotidiens et parler avec elle de la pluie et du beau temps, et du bonheur d'être en vie. Elle avait en effet survécu à un cancer du sein qui ne se soignait pas alors comme on le fait aujourd'hui.

Daddy aurait voulu que je m'appelle Joseph, certes parce que je suis né un 19 mars, mais aussi parce que le témoin de mon atterrissage s'appelait Joseph. Mes parents ont préféré m'appeler Francis, comme mon oncle Frans. Grâce soit rendue à Pie XII d'avoir institué, en 1955, la solennité de Saint Joseph artisan: car c'est là un de mes saints patrons...

Depuis quelques années maintenant je viens ici seul, en pèlerinage, pour passer d'un millésime l'autre. C'est peut-être, sans que je sache pourquoi, le seul endroit au monde où je me sente bien et où je trouve un bienfaisant refuge quand j'ai du vague à l'âme, ce qui est le cas en cette fin d'année 2016, qui aura bien commencé et finit moins bien.

A quelque chose malheur est bon. J'ai appris - on apprend à tout âge - plein de choses cette année. J'ai appris notamment que les personnes auxquelles je tenais le plus étaient celles qui tenaient le moins à moi et qu'il ne fallait surtout pas que je leur fasse part de mes sentiments: ça les fait fuir à toute allure, ma modeste personne étant redoutable...

J'ai donc appris à m'effacer, pour ne pas gêner. Je fais ça très bien maintenant. Sans doute parce que je ne m'offusque plus d'être ravalé du rang d'ami à celui de simple connaissance, ce qui correspond bien mieux à mon insignifiance: il n'est vraiment pas besoin de mots pour me la faire sentir; il suffit de rompre, de m'ignorer ou de me saluer poliment.

Dernier journal (pas vraiment) décalé de 2016, à Saint Jean-de-Luz

"Chez Loulouche" se trouvait là, à l'angle de la rue Gabriel Deluc et de la rue Martin de Sopite

28 décembre 2016

Depuis ma naissance, ou presque, je me rends pour faire du sport dans un endroit très privilégié, la Croix-Catelan, qui se trouve dans le Bois de Boulogne. Fondé en 1882, le Racing, puisqu'il s'agit de lui, de club est devenu société sportive quand la concession qui lui était accordée a été dénoncée en 2006 par le maire de Paris, Bertrand Delanoë.

Depuis 2007, la Croix Catelan n'est donc plus concession du Racing Club de France, dont j'ai été membre de 1951 à 1958, puis de 1965 à 2006, mais du Lagardère Paris Racing, dont je suis resté client depuis lors et où je vais nager mes deux kilomètres quotidiens quand je suis à Paris, c'est-à dire assez souvent, un week-end sur trois en moyenne.

A chaque renouvellement de l'abonnement, il faut produire un certificat  médical de non contre-indication à la pratique sportive (sic). Mon vieil ami médecin ayant pris sa retraite l'an passé à septante ans, j'ai donc pris rendez-vous ici avec le médecin du sport que je connais et qui, lui, tout comme moi, n'est pas près de prendre la sienne...

En cette période de fêtes de Noël et de Nouvel An, il est absent mais sa fille le remplace. Le patient ne perd rien au change, parce que c'est une frêle, jeune et jolie doctoresse... En m'examinant elle est doublement épouvantée. Mon souffle au coeur ne peut pas être ignoré tant il se manifeste bruyamment. Mon torse est couvert d'ocelles comme un léopard.

Les ocelles, ou rosettes, qui couvrent mon torse par dizaines sont en fait des kératoses séborrhéiques. Rien de grave: ce n'est pas contagieux, c'est simplement héréditaire. Mon père m'a gentiment légué ces sortes de grains de beauté... A plusieurs reprises je les ai fait enlever en les faisant brûler à l'azote liquide ou décoller au scalpel...

Depuis que j'ai renoncé à plaire à la gent féminine, j'ai également renoncé à ces opérations qui me procuraient une douleur exquise. Mais la doctoresse impressionnée par cette prolifération me recommande vivement de consulter un dermato pour m'assurer que, dans le lot, il n'y ait pas de mélanomes, ces insidieuses tumeurs cancéreuses.

Mon souffle au coeur a été détecté il y a maintenant treize ans. Il semblerait que ce défaut de fabrication soit d'origine. La doctoresse impressionnée par le bruit produit, amplifié encore par son stéthoscope, me recommande vivement de refaire un test d'effort. Je me trompe quand je lui dis que j'en ai passé un il y a seulement quatre ans...

En fait, le seul test d'effort que j'ai subi remonte au 5 novembre 2007, jour du trentième anniversaire de la mort de René Goscinny, qui a succombé à une telle épreuve, ce qui n'avait pas laissé de m'entêter... Cette anomalie m'a inspiré une nouvelle, parue en 2012, dans Le coeur à l'ouvrage, sous la direction de Louise Anne Bouchard.  

Dernier journal (pas vraiment) décalé de 2016, à Saint Jean-de-Luz

"Le Bar Basque", boulevard Thiers, que fréquentait Déon

29 décembre 2016

Sur un réseau social, j'apprends sur le journal d'un ami que Michel Déon, né en 1919, n'est plus, qu'il est donc le dernier des quatre préfaciers de l'édition de 1956 de l'Amour vagabond d'André Fraigneau à avoir tiré sa révérence, après Roger Nimier (1925-1962), Antoine Blondin (1922-1991) et Jacques Laurent (1919-2000).

Les quatre écrivains que Bernard Franck avait qualifiés de hussards dans un article resté célèbre des Temps Modernes, paru en 1952, ne revendiquaient pas cette appellation qu'ils ne contrôlaient pas. Mais cette étiquette leur colle toujours à la peau et y collera indéfiniment, parce qu'il faut bien amalgamer et cataloguer...

Tous quatre étaient pourtant très différents, mais ils avaient en commun de s'être opposés dans les années 1950 à l'existentialisme et à la littérature dite engagée, d'aimer le beau style, de refuser les modes, d'avoir du panache, et de cultiver la désinvolture, jusque dans la défaite, ce que Laurent appelait mourir en triomphe.

Après cette annonce j'ai fait le tour de trois librairies de la ville. Une seule avait (en poche) deux livres de Déon: Un taxi mauve, qui a été porté à l'écran par Yves Boisset, et un petit livre de miscellanées que je ne connaissais pas, Je me suis beaucoup promené..., et que me suis empressé d'acquérir et de commencer à lire...

Sur ce blog j'ai rendu compte de quatre de ses livres: Journal 1947-1983 à L'Herne (2009), Lettres de château chez Gallimard (2009), De Marceau à Déon - De Michel à Félicien chez Gallimard (2011), A la légère chez Finitude (2013). Et mon petit doigt me dit qu'il a eu connaissance de l'un d'entre ces articles...

En septembre 1968, quand je suis allé à Venise, j'avais dans mes bagages Je ne veux jamais l'oublier; en octobre 1970, j'avais fait une promenade immobile avec Les poneys sauvages; en août 1977, lors d'une croisière dans les Cyclades, j'avais emporté avec moi Le balcon de Spetsaï et Le rendez-vous de Patmos...

Dans Je me suis beaucoup promené..., que je me suis promis de terminer pendant la nuit de la saint Sylvestre, j'ai déjà relevé une petite phrase qui me parle: La vraie beauté est peut-être dans l'éphémère...

Souper de la Saint Sylvestre 2016

Souper de la Saint Sylvestre 2016

31 décembre 2016

Bien que je ne sois pas comptable, je dresse aujourd'hui sommairement le bilan de mes activités personnelles en 2016:

- je n'ai pas pris ma retraite le 1er avril, alors que j'avais atteint à ce moment-là l'âge ordinaire en Suisse...

- j'ai perdu irrémédiablement une amitié, à laquelle je tiens toujours: je garderai jusqu'à mon dernier souffle le souvenir ému des quelques moments de vrai bonheur qu'elle m'aura procurés

- j'ai écrit sur ce blog, au cours de l'année, 240 articles, en ne comptant pas celui-ci

- j'ai lu près de 300 livres, dont je n'ai pas eu l'énergie de tous rendre compte

- j'ai très peu dormi (ce qui inquiète mon fils cadet...)

- je me suis promené beaucoup à Lausanne, à Genève, à Sierre, à Paris, à Chatou, à Saint Jean-de-Luz, à Madrid...

- j'ai nagé un peu plus de 679 km à Lausanne, Pully, Prilly, Genève, Paris, St Germain-en-Laye, St Jean-de-Luz et même Madrid, dont un peu plus de 30 km, ici, en mer...

Bref, je suis vieux et usé, comme l'a répété Daddy, mon grand-père maternel, pendant quelque trente ans...

Mon père disait que j'étais un sybarite. Il avait raison: j'aime le luxe et les plaisirs raffinés, même si je suis tout-à-fait capable de m'en passer. Ce soir, bien que seul, je compte bien profiter de mets et boisson de qualité (de toute façon il m'est devenu impossible d'absorber des quantités).

Ce dernier soir de l'année, je me suis donc préparé le menu suivant:

- Bisque de homard

- Saumon élevé en Norvège et fumé au bois de chêne dans les Landes

- Fromage de brebis à la confiture de cerises cuisinée au Pays Basque

- Salade d'endives aux noix de cajou et dés de gingembre

- Gâteau basque à la crème

Le tout accompagné d'une demi-bouteille de Cuvée des Moines, Besserat de Bellefon, le champagne brut que mon père aimait...

Pour terminer l'année, que, maintenant, je devrais passer, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont eu la gentillesse de me lire cette année, de m'avoir témoigné de l'amitié, de ne pas trop m'en avoir voulu pour les idées singulières que je professe.

Je souhaite le meilleur à toutes et à tous et, puisque je sais intuitivement que Dieu existe, je Lui demande de vous avoir toutes et tous en Sa Sainte Garde, plus particulièrement toutes celles et tous ceux que j'aime et qui ne m'aiment pas...

Francis Richard

Crépuscule du soir, le 31 décembre 2016

Crépuscule du soir, le 31 décembre 2016


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