Cette étude suggère un double » phénomène » associé à l’utilisation de médicaments opioïdes, non seulement des effets nocifs comme certains troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives, dont la dépression, les comportements suicidaires ou auto-mutilants et certains accidents. Mais elle suggère également que ces mêmes troubles sont des facteurs prédictifs de la prescription d’opioïdes à long terme. Des données présentées dans la revue Pain qui, quoiqu’il en soit, rappellent les dangers de l’utilisation à long terme et inconsidérée de cette famille de médicaments.
Les opioïdes sont une classe thérapeutique comprenant la morphine, la méthadone et la codéine. Ces substances peuvent être addictives et produire des symptômes de sevrage si leur utilisation est soudainement arrêtée. Couramment utilisés pour le traitement de la douleur, en oncologie notamment, leur utilisation croissante est aujourd’hui remise en cause pour le traitement de la douleur chronique non liée aux cancers. Ici, » la nouveauté » est que certaines conditions psychiatriques préexistantes sont liées à un risque accru d’utilisation à long terme d’opioïdes et que tant une utilisation de départ de ces médicaments que ces troubles psychiatriques et comportementaux préexistants peuvent être des facteurs majeurs d’utilisation à long terme de ces médicaments contre la douleur. Il y a également et enfin, les risques de décès associés à ce type de médicaments.
Ce sont les conclusions d’une analyse des données de pas moins de 10,3 millions de patients ayant fait des demandes de remboursement d’Assurance maladie pour des prescriptions d’opioïdes entre 2004 et 2013. Les chercheurs de l’Université de l’Indiana ont regardé si certains troubles psychiatriques et du comportement préexistants étaient prédicteurs d’une utilisation ultérieure et prolongée de ces opioïdes. L’analyse confirme que ces troubles préexistants et les médicaments psychoactifs eux-mêmes sont bien associés à des demandes successives et de nouvelles prescriptions d’opioïdes. Cette association apparaît particulièrement forte chez les patients à antécédents de toxicomanie ou trouble d’usage de substances.
Effets nocifs ou facteurs prédictifs ? C’est probablement le principal résultat de cette large recherche. Ces troubles psychiatriques et du comportement peuvent être à la fois la conséquence de l’utilisation d’opioïdes et prédicteurs d’une utilisation/prescription à long terme de ces médicaments. Les résultats sont clairs, ils montrent une augmentation des taux de prescription d’opioïdes chez les personnes atteintes de troubles mentaux (troubles dépressifs ou anxieux, autres troubles liés à la consommation de drogues, tentatives de suicide ou d’automutilation) :
- Environ 1,7% des patients recevant une prescription d’opioïdes devient utilisateur à long terme,
- le risque grimpe encore chez les patients souffrant de problèmes de santé mentale : les taux d’utilisation d’opioïdes à long terme sont multipliés par 1,5 chez les patients prenant des médicaments pour le trouble de déficit de l’attention / hyperactivité (TDAH) et par 3 en cas de troubles de toxicomanie.
En pleine épidémie d’opioïdes, il reste important de comprendre quels patients prennent ces médicaments contre la douleur. De précédentes études ont suggéré un modèle de » sélection défavorable « , c’est-à-dire de patients à risque élevé d’effets nocifs. Ces résultats ajoutent à la preuve que les opioïdes sont plus susceptibles d’être prescrits à certains groupes de patients à risque élevé de résultats indésirables. Un appel à la vigilance.
Source :Pain Dec, 2016 doi: 10.1097/j.pain.0000000000000730 Incident and long-term opioid therapy among patients with psychiatric conditions and medications: a national study of commercial health care claims
Plus de 20 étudessur les Opioïdes et le risque de dépendance