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L'Esprit du 11 janvier – Une Enquête Mythologique - la chronique mystique ??
Publié le 11 janvier 2017 par 7bd @7BDTitre : L'Esprit du 11 janvier – Une Enquête Mythologique Auteur : Serge Lehman (scénario) et Gess (dessin) Editeur : Delcourt Année : janvier 2016 Page : 80 Prix : 9,95€ Résumé : Retour sur le 11 janvier 2015. L'auteur se repenche sur l'esprit de cette marche et, en saisissant des événements de la période, propose une vision bien différente et surprenante de ces événements dramatiques... Mon avis : Ce livre se lit effectivement comme le résultat d'une enquête. Grâce à tous les éléments qu'il a recueillis, Serge Lehman dresse une analyse curieuse et intéressante de ce 11 janvier. Plus précisément, de ce qu'on appelle l'esprit du 11 janvier. Aussi, prenez votre temps pour lire ce livre, il se présente comme un petit recueil léger mais il nous présente un raisonnement bien conçu. Si vous allez trop vite, vous sauterez des étapes importantes. L'auteur se met en scène devant son ordinateur travaillant pendant l'été sur un texte qui deviendra celui de cette BD. Puis ses réflexions l'emmènent ou le ramènent, au coeur des événements. De fil en fil, de fait en fait, se construit devant nous une interprétation... spirituelle de l'Esprit du 11 janvier. Une vision spirituelle mais dans notre monde laïc, détaché des eligions, il faudrait préciser une vision spirituelle areligieuse, d'un A privatif. Lehman soulève la question, et le débat, y aurait-il plus que du hasard dans l'enchaînement des événements ayant précédé le 11 ? Si oui, que peut-on y voir et comment le comprendre, l'interpréter ? N'y aurait-il pas un fil invisible qui relierait et donnerait un sens à toutes ces coïncidences pour arriver à un message global plus beau ? Cette relecture positive pourrait être aussi interprétée comme une théorie fumeuse selon l'état d'esprit dans laquelle on la lit.
Pour ma part, je reste sur le positif et laisse choir la question : Pourquoi pas ? Ce n'est pas parce que notre société s'est détachée petit à petit du religieux que le sentiment de l'immatériel nous est devenu étranger. En effet, la science elle-même n'arrête pas de nous montrer qu'un monde existe, invisible à notre oeil. Nous ne voyons ni les atomes, ni les électrons, ni les infra-rouges, ni les mitochondries qui nourrissent d'énergie les cellules qui constituent notre corps, cellules que nous ne discernons pas à l’œil nu. Le monde regorge d'invisibles et la psychanalyse nous a même montré qu'au delà de ce qui semble être nous, il existe une zone d'ombre que nous ne percevons pas, l'inconscient. Alors pourquoi pas ce fil invisible ? Les religieux y verront la main divine – ou le pied -, les athées un enchaînement banal de coïncidences statistiques mais, heureusement ou malheureusement, il n'y a pas que deux manières de voir le monde. Sauf si vous vous appelez Tuco et que Blondin vous explique que le monde se divise en deux, ceus qui ont une pelle et ceux qui ont un revolver, par exemple. Mais je m'éloigne du sujet. La lecture de cette BD, donc – puisque nous sommes là pour en parler, mine de rien – se vit un peu comme une initiation. Vous allez découvrir peu à peu, page après page, ces points curieux dont l'enchaînement pourrait donner lieu à une autre interprétation. Cela m'a fait penser à ce que pouvait être une cérémonie des Mystères anciens. Ces cultes du proche ou moyen-Orient, arrivés chez les Romains et les Grecs, où vous étiez initié petit à petit aux révélations de la divinité. Bien sûr, dans le cas de l'Esprit du 11 janvier, il ne s'agit point de vous emmener vers un dieu quel qu'il soit. Mais la révélation est un des modes de fonctionnement de ce récit. Il est d'ailleurs drôle que ce soit une enquête minutieuse, où les références sont notées en fin de livre, impliquant donc précision et rigueur, qui nous emmène pourtant vers quelque chose de plus élevé, de plus léger. Mais c'est dans doute de ce choc que Serge Lehman a tiré son expression d'enquête mythologique. Et comme dans de nombreux mythes, il y a un héros, un personnage au départ comme nous, qui part pour un voyage où il ne sait pas ce qu'il va trouver, et qui arrive finalement à une meilleure compréhension du monde. C'est sans doute pour cela que la mise en abyme était nécessaire. Car ce héros qui avance en tâtonnant, qui trouve, qui doute et qui revient vers nous pour partager le fruit de sa découverte, sans trop savoir à quelle sauce il va être mangé, bouclant un cycle et créant – souvent involontairement - un mythe, je me suis vite rendu compte que c'était le narrateur de cette histoire. Je ne pense pas que Serge Lehman ait volontairement endossé ce rôle. Mais peut-être que, dans la ligne de ce qu'il découvre au fur et à mesure de son enquête, inconsciemment, il est guidé et se retrouve à la place du héros mythologique, sans l'avoir demandé. Et, à titre personnel, je suis bien content qu'il soit « revenu » de son enquête partager ses découvertes avec nous, au travers de cette BD. J'entends déjà des commentaires « Oulah, il pense que Serge Lehman a pris le melon et qu'il se prend pour un héros ! » ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. « Oulah, il pense que cette BD est une nouvelle mythologie » Je n'ai pas dit cela non plus. Mais, à bien y réfléchir, Nietzsche nous a appris que Dieu était mort, Jaurès est mort, Gandhi est mort, la chute du mur a confirmé la mort du communisme et aux dernières nouvelles, Woody Allen ne se sent pas très bien. Blague à part, quel idéal aujourd'hui vous donne envie de vous lever le matin en vous disant que le monde peut changer ? Et si moi, je disais qu'il existe sur Terre une force spirituelle, une énergie vive en mouvement qu'on ne peut pas palper, agitée de différents courants, et si je disais qu'une petite vague de cette énergie est ce fameux fil que Serge Lehman a repéré et suivi jusqu'à sa conclusion, la conclusion de cette – belle – BD. Et si je disais que cette forme d'énergie, je l'appelle l'Humanité – non, pas Quézac -. Si je disais qu'on peut agir concrètement, mais aussi d'une autre manière, qui nous dépasse et dont nous n'avons même pas conscience, une manière qui amène parfois les événements à s'aligner dans un sens magnifique, ou dans un sens terrible. Si je disais que tous les événements relevés par Serge Lehman témoignent tous de la volonté de gens d'agir pour améliorer le monde, en prenant part ou en dénonçant, mais en faisant quelque chose. Et si je concluais que le résultat n'est pas forcément celui qu'ils auraient voulu, mais qu'il s'avère positif d'une autre manière. Est-ce que ce n'est pas une bonne raison de se lever le matin, en se disant que vouloir changer le monde, vouloir l'améliorer, sera source de changement et d'amélioration, même si ce n'est pas du tout dans le sens auquel nous pensions ? Alors oui, à ma petit échelle d'auteur et de chroniqueur BD, je peux dire que l'Esprit du 11 janvier, cette BD plus riche qu'elle n'en a l'air, pose un nouveau mythe. Même si ce mythe n'est que la révélation de quelque chose de sous-jacent que nous ne percevions pas. Et que ce mythe porte haut les couleurs de l'espoir. A condition d'y croire. Certains disent que croire c'est revenir au dogmatisme, pêché majeur de toute religion. Mais il ne faut pas oublier que croire en ce qu'on fait, c'est un moteur incroyable. Si Einstein, Barbara, Edison, Picasso et tant d'autres n'avait pas cru en leurs travaux, contre vents et marées, quid de La théorie de la relativité, de « Dis, quand reviendras-tu ? », de l'électricité, de Guernica ? Tout cela pour vous dire que je suis heureux du fil magique qui a fait que cette BD a fini dans mes mains et que j'ai pu la lire. Parce qu'ainsi, je peux vous recommander de la lire à votre tour, de la faire lire et d'aller discuter ensemble de ce que vous en avez pensé. Un style adapté à une BD qui fait réfléchir... Je pourrais m'arrêter là mais ce serait injuste envers le travail de Gess. En effet, le choix du format BD permet de rendre ce texte accessible à plus de gens que ne l'aurait été un manifeste ou un traité sur le sujet . Enfin, à mon avis. Et le dessin brut de Gess, qui stylise la réalité, sous forme de portraits acérés, fins, où les gens sont totalement reconnaissables, garde néanmoins une distance qui font de ses dessins de belles représentations. Il s'agit presque d'esquisses, il nous semble voir le trait du crayon qui passe et repasse, l'absence de finalisation des traits. Et ces croquis, le plus souvent réparti sur des planches de une à deux bandes de une à trois cases, ressemblent plus à des illustrations. Le texte est coupé en insert et réparti dans les cases, mais les cases elle-même prennent une part du texte, un nom cité, une situation et l'illustre. Ici, le dessin sert totalement la narration. Cet aspect brut fige un peu le trait. L'absence de couleurs, le noir et blanc avec différentes teintes de gris, apporte une sobriété qui permet de mieux se concentrer sur le fond. La BD propose deux types de dessins : ceux qui illustrent le propos et ceux de la mise en abyme. Ces esquisses, toujours en noir et blanc, jouent par contre sur un contraste fort entre le noir et le blanc. Pas de zones de gris donc. Ce qui, visuellement, différencie tout de suite les deux pattes. Là encore, quand l'auteur sort de la réflexion, happé par la réalité, pour échanger – parcimonieusement – avec les siens, le dessin change et nous ramène aussi à cette réalité. Mais ce choix du noir et blanc contrasté nous maintient dans la fiction et dans l'univers global de cette BD. Pour conclure, je ne vois qu'une chose à rajouter, quitte à me répéter : Allez lire cette BD ! Zéda tente de comprendre les subtilités de l'esprit du 11 janvier ! David
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