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D’immondes privilégiés ?

Publié le 21 juin 2007 par Jean-Paul Chapon

Aujourd’hui, c’est l’été, et accessoirement la Fête de la Musique. Aujourd’hui se pose à nouveau la question des transports assurés pour cette nuit. La lecture des informations publiées dans la presse me fait penser à un commentaire laissé hier sur la note sur les vitesses relatives des transports parisiens. Jojo (un de mes commentateurs préférés dont je salue le retour ;-) écrit que « les Parisiens ‘intra muros’ ne sont pas d’immondes privilégiés. Mon trajet pour me rendre à mon travail (j’ai déménagé) est bien bien long, et je pâtis comme les autres des problèmes de RER A et ligne1 »

Bien entendu, les Parisiens « intra-muros » ne sont pas d’immondes privilégiés, et certainement beaucoup d’entre eux, en particulier les quelque 300.000 qui sortent quotidiennement de Paris pour aller travailler en banlieue connaissent les mêmes problèmes que les Parisiens « extra-muros ». Pour autant, il faut savoir reconnaître qu’il existe des privilèges « intra-muros » dont on ne bénéficie pas « extra-muros ».

Ainsi ce matin, on pouvait lire les informations suivantes dans Le Parisien, à propos du service qui sera offert pour la Nuit de la Musique : « Metro : Les lignes 1, 2, 4, 6, 9 et 14 fonctionneront toute la nuit entre 1h15 et 5h30. Soixante-six stations resteront ouvertes toute la nuit, et l’intervalle prévu entre deux rames sera compris entre et 5 minutes. La ligne 14, automatisée, fonctionnera intégralement.

RER : Les lignes A, B, C, D seront exploitées avec une fréquence de 15 minutes sur le tronçon central (c’est à dire pour Paris « intra-muros » ndlr), et d’une heure ou d’une demi-heure suivant les branches desservies. La ligne E fonctionnera totalement également, mais les gares parisiennes de Haussmann-Saint-Lazare et de Magenta seront fermées. Rendez-vous à la gare de l’Est, où s’effectueront les départ. »

Si Le Parisien peut titrer Fête de la musique : des trains jusqu’au bout de la nuit, on attendra plus ou moins longtemps suivant que l’on est parisien « intra » ou « extra » muros… Sans commentaire.

La comparaison du niveau de service entre Paris intra et extra muros est une des raisons de l’ouverture de Paris est sa banlieue. Après avoir habité Paris intra muros pendant près de 30 ans, de 1970 à 1997, (sans me poser, je dois la moindre question sur l’au-delà du périphérique, je dois le reconnaître ;-), je me suis un jour retrouvé à Vincennes d’abord, puis à Fontenay-sous-bois. Et là, les petites différences me s’ont apparues les unes après les autres.

Première surprise, les boulangeries. Le pain n’est pas très franchement différent, baguette et compagnie, mais comme la plupart des magasins d’outre-périphérique, elles ferment entre midi et deux. A la limite, cela ne relève pas d’une inégalité de traitement. Personne n’empêche les magasins d’ouvrir. En revanche, d’autres différences sont plus discutables. Ainsi, alors que les Parisiens (intra-muros) protestaient contre la suppression par la Poste de la deuxième tournée de courrier, je réalisais d’un coup qu’en banlieue, il n’y en avait qu’une, différence que je n’avais pas notée jusque là, en raison de mes horaires. Du coup cette question : qu’est-ce qui rendrait les Parisiens si différents au point de nécessiter deux distributions de courrier par jour ? Autre découverte. J’avais l’habitude à Paris de faire renouveler mon passeport dans la matinée. On arrive avec l’ancien, on s’assied le temps de lire son journal et quelques heures après, on repart avec le nouveau. Je me souviens d’une matinée à lire Libération à la mairie du 13ème, cela m’avait paru long, mais rien à voir avec les trois semaines annoncées par une fonctionnaire un peu revêche à la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne, qui me renvoya sur la mairie de Fontenay : elle ne prenait que les urgences accompagnées d’un billet d’avion et d’une attestation pour déplacement professionnel. Il m’avait donc suffi de franchir le périphérique pour quitter une ville moderne aux services performants et me retrouver dans une zone sous-équipée et lente, où les démarches administratives prenaient une dimension digne du 19ème siècle. On pourrait continuer la liste, avec au tout premier rang citer la différence en terme de transports, taxis compris, entre la ville intra-muros et le reste de la ville, différence que l’on voit en terme d’infrastructure, mais aussi en terme de service. A ce titre, l’exemple de la Nuit de la Musique est caricatural car il montre bien que ce n’est pas qu’une question d’infrastructure : le service devient moins bon dès que l’on franchit le périphérique, normal, c’est la banlieue, pourtant la zone la plus peuplée de la métropole… Alors que l’on ne s’étonne pas si les Parisiens extra-muros, ces banlieusards incorrigibles s’accrochent désespérément au volant de leur voiture !

Pourquoi cette différence ? A quoi est due cette hiérarchisation entre Parisiens ? Si je reprends mon passage du périph en 1997, je me sentais toujours aussi Parisien, et seul mon domicile n’était plus le même. Je continuais à travailler dans le 8ème arrondissement, je n’avais rien changé à mes habitudes, je fréquentais les mêmes quartiers du centre, je ne portais pas de sabots, mais toujours le même costume pour aller travailler ! J’avais juste ajouté un nouveau quartier, à mes anciens lieux de vie. Ma ville était devenue un peu plus grande. Mais le découpage administratif qui hiérarchise les habitants de la même métropole est incontournable. D’où une question, quelle est la légitimité de cette différence de traitement ? Et que l’on ne parle pas de coût, une des mauvaises surprises lorsque l’on sort des 20 arrondissements, est en général le choc de la différence de niveau pour les impôts locaux !

Alors les Parisiens d’immondes privilégiés ? Immonde est certainement de trop, mais d’une certaine façon des privilégiés, si ce n’est que la plupart ne s’en rendent pas comptent ou préfère l’oublier, en particulier ceux qui ont déjà franchi le périphérique dans un sens pour venir s’installer dans les 20 arrondissements de la « ville lumière ». Une nouvelle fois, la résolution des défis de la Ville, ne pourront pour l’agglomération parisienne être résolus de façon cohérente qu’à travers la mise en place d’un Grand-Paris, aux institutions démocratiques, dirigé de façon cohérente et globale et surtout donnant à tous ses habitants les mêmes services et les mêmes droits et devoirs.


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