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Grâce des apparences

Par Balndorn

Grâce des apparences 
« Ce qu’il y a de plus profond dans [Tom Cruise], c’est sa peau », aurait pu dire Paul Valéry en voyant les métamorphoses de l’acteur au visage lisse et plastique dans Mission : Impossible II.
Si l’esth-éthique des masques et des doubles jeux s’inscrit dès le premier opus de la franchise Mission : Impossible, où De Palma met en scène le crépuscule du film d’espionnage hérité de la Guerre froide, John Woo, réalisateur du second volet, donne à l’art des apparences un caractère solaire et positif.  
Mission : Impossible II
, par sa maestria digne d’un opéra romantique, réhabilite le plaisir du spectaculaire, et fait émerger de l’action la plus chaotique qui soit une image moderne de la grâce. 


Celle-ci n’a rien de transcendant. Au contraire, elle s’inscrit ouvertement dans l’immanence : la robe d’une danseuse de flamenco, un ballet de motos vrombissantes, un envol de tourterelles au milieu d’une forteresse…  
Mais ces quelques instants d’extase sensible, s’ils se nourrissent de l’imaginaire cliché de l’exotisme et du film d’action, se détachent de la banalité par le biais de la machine cinématographique John Woo.  
Zooms, ralentis, effets spéciaux… le cinéma d’action selon John Woo est l’art d’exploiter avec le plus d’artifices possibles le champ immense des apparences. Les tourterelles s’envolent au ralenti, présentant avec majesté le retour d’Ethan Hunt au beau milieu de ses adversaires ; la robe rouge de la danseuse joue le rôle d’une transition en volet et baigne de mystère et d’érotisme la rencontre entre Ethan et Nyah. De la trame du monde, la caméra isole quelques points qu’elle retisse avec d’autres.
Et dans l’immanence même, dans le chaos du film d’action, un ordre éphémère émerge, un sens invisible luit.  
À la suite de Brian De Palma, John Woo réfléchit l’après-Guerre froide à travers Mission : Impossible. Là où le premier volet était plus ouvertement politique – avec un villain qui refusait la soumission de services secrets à la transparence publique –, le deuxième film travaille la phénoménologie cette nouvelle époque. Cet enchevêtrement de chaos et de grâce peut se comprendre comme traduction du sentiment dominant en Occident après la chute de l’URSS et du schéma manichéen qui présidait depuis quarante ans.  
La franchise Mission : Impossiblejouerait ainsi le rôle de mythe de l’époque post-moderne, et prendrait alors le pas sur un James Bond obsolète dans un monde où les ennemis sont multiples. Dimension mythique que travaille tout particulièrement le film de John Woo : avatar contemporain de Bellérophon terrassant la Chimère et du preux chevalier à la rescousse de la demoiselle en détresse, Ethan Hunt opère la jonction entre les mythes antiques, médiévaux et cinématographiques. 
Comme Spider-Man, dont la première adaptation sort deux ans après, Ethan Hunt refuse de tuer volontairement. Dans un monde trouble, au milieu des masques, le héros incarne une conscience morale dont la constance n’a d’égale que la souplesse. Tour à tour chasseur et chassé, Hunt, tragique, comique, humain, porte un nouvel héroïsme, funambule des apparences à double sens, que les super-héros à venir se chargeront d’endosser.
 
   Grâce des apparences
Mission : Impossible II, de John Woo, 2000

                                                                                           Maxime                                                                                                                                                                                                   
                                                                                            


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