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« Pour que tout reste comme avant, il faut que tout change », disait Tancredi dans Le Guépard. De la même manière que le jeune prince sicilien rejoint les révolutionnaires garibaldiens pour conserver les privilèges de sa classe, les derniers films Disney semblent intégrer les critiques sociales et politiques (représentations de la femme, des minorités, mièvrerie…) pour mieux les disqualifier.
La Princesse et la Grenouille est l’emblème du prétendu virage politique des studios Disney. Effectivement, Tiana est noire et pauvre. Mais très claire et sans accent pour une Afro-Américaine, il ne faudrait pas non plus choisir une peau très sombre…
Même chose pour La Nouvelle-Orléans des années 20. On aurait pu espérer un traitement un tant soit peu réaliste de la situation historique de la ville, entre métissage et racisme, mais le film se contente de recycler les clichés sur la cité du jazz, de la bonne humeur et du vaudou. Pas à un seul moment on ne parle de ségrégation raciale, oubliée bien vite derrière une amitié exubérante entre Tiana et Charlotte, jeune aristocrate blanche du Sud. Autant en emporte le vent et sa représentation bienveillante de l’esclavage ne sont jamais très loin.
La Princesse et la Grenouille a la particularité de mettre en abyme toutes les attaques contre le récit très balisé des productions Disney antérieures. Tiana refuse en effet d’embrasser une grenouille et de renoncer à son travail de serveuse pour épouser un prince charmant, tandis que le prince Naveen abuse de son côté séducteur pour devenir une version dégradée des princes Disney. Mais ceci n’est que la situation initiale. Sitôt que le film a montré qu’il avait entendu les critiques, il s’attelle à les démonter et à relégitimer le récit de princesse. La morale finale, dépoussiérée du feminist-washing, est bien hors d’âge : rien ne sert de travailler pour une femme, il vaut mieux épouser un prince.
Pour arriver à cette conclusion simpliste, l’initiation de Tiana et Naveen consiste à redécouvrir tous les clichés Disney. Les personnages et les chansons qui les accompagnent reprennent des films bien connus : Louis et sa chanson imitent Baloo dans Le Livre de la Jungle, Ray Jimini Cricket dans Pinocchio, Lawrence a les mêmes ambitions que le méchant Edgar des Aristochats …
La Princesse et la Grenouilleredéploie toute la mythologie Disney pour faire croire à la réconciliation du kitsch et du féminisme. Mais sous le vernis promotionnel, la place de la femme n’a pas changé.
La Princesse et la Grenouille, de Ron Clements et John Musker, 2009 Maxime