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Ça

Par Balndorn
Ça
It Follows. Ça suit. Mais justement, qu’est-ce qui suit ?  
Des figures humaines, inconnues des protagonistes, à l’identité indéfinie. Qui sont-elles ? et pourquoi suivent-elles les jeunes protagonistes ?  
David Robert Mitchell se joue d’un trait stylistique capital dans le film d’horreur. Alors qu’habituellement, le monstre ne se dévoile jamais complètement, préférant le fragment, les ténèbres ou des lieux et des objets qu’il hante, les créatures apparaissent ici en plein écran, voire en plein jour. 
Pourquoi les héros adolescents ont-ils peur de ces êtres qui n’ont rien de monstrueux ? Pourquoi ce film se classe-t-il malgré son esth-éthique de l’unité dans le genre de l’horreur? Peut-être justement parce que la vision intégrale de ces êtres nous renvoie à notre propre image ; sans doute le caractère contemplatif de la caméra, qui prend le temps d’observer ces visages inconnus, fait ressortir de ces mystères des angoisses viscérales.  
Car c’est bien l’angoisse, plus que la surprise, qui envahit les héros juvéniles. L’angoisse que quelque chose les étreigne, que quelque chose qu’ils ne voulaient pas voir resurgissent dans leur quotidien lumineux comme une ombre enlaidit un rêve.  
Médusés, à la fois fascinés et terrifiés, les adolescents de Mitchell – beaux et belles, courageu.ses et inconscient.es, solaires en un mot – trouvent dans ces créatures leur envers. Aux visages lisses et parfaits des héros juvéniles répondent les faces couturées de cicatrices, dépravées, déchues. Une femme nue, une prostituée obscène, un géant aux yeux rougis, un enfant teigneux… Tous des corps malmenés, qui offrent un contrepoint saisissant à l’idylle qu’aimerait vivre le groupe.  
Étonnamment, les seuls adultes du film font partie des choses qui les poursuivent. On peut y trouver une clef, parmi tant d’autres, de lecture d’un film à la symbolique dense et discrète. La vieille angoisse de grandir, d’atteindre l’âge adulte, étreint peut-être les jeunes héros. On peut aussi y voir, comme de nombreuses critiques l’ont remarquée, une allusion évidente aux MST ; comme elles, le mal qui hante Jay, nouvelle victime, se transmet par le sexe. Mais si le film se cantonnait à une critique simpliste des MST, il serait l’égal d’une campagne du Ministère de la Santé, d’Act Up ou d’AIDS.  
Or, il me semble que les enjeux dramatiques d’It Follows remuent de vraies profondeurs anthropologiques et morales. La peur de devenir adulte et la peur des MST disent au fond une seule et même peur : la mort. Après tout, le sexe culmine bien lors de la « petite mort »…  
Pour autant, sensible et hermétique, le film de Mitchell ne se réduit pas à une seule interprétation. Sa force et sa beauté résident dans cette étreinte lente et mortelle qui hante les héros, métaphore de peurs à l’œuvre dans la psyché humaine, mais qu’on se refuse à voir en face.  
Comme l’ombre de l’inquiétante étrangeté qui plane sur l’existence humaine...
                                         Ça
It Follows, de David R. Mitchell, 2014
Maxime

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